Une semaine de jurisprudence sociale à la Cour de cassation
Exécution du contrat
- Une cour d’appel ne saurait débouter les salariés s’estimant victimes de discrimination de leur demande de production et communication de pièces par l’employeur sous astreinte au motif que leur demande excède, par sa généralité, les prévisions de l’article 145 du Code de procédure civile, alors qu’il lui appartenait, après avoir estimé que les salariés justifiaient d’un motif légitime, de vérifier quelles mesures étaient indispensables à la protection de leur droit à la preuve et proportionnées au but poursuivi, au besoin en cantonnant le périmètre de la production de pièces sollicitée (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-17.637 F-PB).
- Selon l’article 10 § 2 de la convention collective nationale (CCN) du personnel du régime d’assurance chômage, les appels de candidatures doivent obligatoirement être effectués par les directions, en priorité, auprès des agents de l’institution, puis simultanément auprès de personnes appartenant à diverses catégories, au nombre desquelles figurent les anciens agents sous CDD ayant quitté l’institution depuis moins de 3 mois et ayant fait expressément, lors de leur départ, ou ultérieurement, la demande d’être informés de toute vacance de poste. En vertu de l’article 10 § 3 de cette convention, dans le but de favoriser la promotion interne, les directions doivent pourvoir les postes de travail en respectant, pour l’examen des candidatures, l’ordre des priorités ainsi défini. Il résulte de ces dispositions conventionnelles que l’employeur doit respecter un ordre de priorité, dont bénéficient notamment les anciens salariés sous CDD dans l’envoi des appels de candidatures et dans l’examen des candidatures pour pourvoir les postes de travail. Il appartient à l’employeur de justifier avoir respecté cet ordre de priorité à l’égard des catégories de personnes en bénéficiant et le manquement de l’employeur à cette obligation ouvre droit au paiement de dommages intérêts en réparation du préjudice éventuellement subi (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-14.682 F-PB).
- Le recours à un dispositif de géolocalisation pour contrôler le temps de travail du personnel d’exploitation itinérant n’est pas justifié s’il existe des dispositifs moins intrusifs au sein de la société (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-10.007 F-D).
- Ayant retenu que, par une délégation de pouvoirs, le gérant de la société avait donné tout pouvoir à la salariée en tant que cadre assistante de gestion pour signer pour lui et en son nom tout formulaire et document nécessaire à la gestion de l’entreprise, et que, par ailleurs, la société avait souscrit un contrat collectif ouvrant le bénéfice de certains droits aux salariés, souscription dans laquelle la salariée était désignée en tant que cadre, de sorte qu’elle devait bénéficier de la qualité de cadre à compter de cette date ainsi que du salaire correspondant, la cour d’appel a pu décider que l’employeur, en se refusant finalement à contractualiser ce surclassement, avait commis un manquement grave qui avait empêché la poursuite de l’exécution du contrat de travail et qui justifiait la résiliation judiciaire du contrat à ses torts (Cass. soc. 19-16.722 F-D).
- Ayant constaté que la décision de l’employeur de mettre fin à la période probatoire était fondée sur une inaptitude du salarié à exercer ses fonctions, la cour d’appel a pu en déduire que l’employeur, qui ne se prévalait pas d’un comportement fautif du salarié, n’avait pas pris une mesure disciplinaire (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-14.314 F-D).
- Sauf application éventuelle de l’article L 1224-1 du Code du travail, le changement d’employeur prévu et organisé par voie conventionnelle suppose l’accord exprès du salarié, qui ne peut résulter de la seule poursuite de son contrat de travail sous une autre direction (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-14.824 F-D).
Paie
- Selon l’article L 3253-13 du Code du travail, l’AGS ne couvre pas les sommes qui concourent à l’indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, en application d’un accord d’entreprise ou d’établissement ou de groupe, d’un accord collectif validé ou d’une décision unilatérale de l’employeur homologuée, lorsque l’accord a été conclu et déposé ou la décision notifiée moins de 18 mois avant la date du jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, ou l’accord conclu ou la décision notifiée postérieurement à l’ouverture de la procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire. Une cour d’appel ne saurait donc dire la créance du salarié fixée à titre d’indemnité supra légale de licenciement opposable à l’AGS alors qu’une telle indemnité n’est pas une mesure d’accompagnement résultant d’un plan de sauvegarde de l’emploi, mais une somme concourant à l’indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail au sens du texte précité (Cass. soc. 16-12-2020 n° 18-15.532 F-PB).
- Lorsqu’une prime constitue la partie variable de la rémunération versée au salarié en contrepartie de son activité, elle s’acquiert au prorata du temps de présence du salarié dans l’entreprise au cours de l’exercice (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-12.209 F-D).
- L’employeur ne peut, en l’absence de bénéfice net, légalement s’engager à verser une somme au titre d’une participation ou d’un supplément de participation.
Ayant constaté que l’accord de participation du 10 octobre 2014 avait opté pour la formule légale de calcul de la réserve de participation, que le résultat net fiscal pour l’exercice clos le 30 septembre 1994 était nul et qu’il n’existait aucune ambiguïté sur le fait que le versement en cause était réalisé au titre de la participation des salariés aux résultats de l’entreprise, la cour d’appel a exactement retenu que la réserve spéciale de participation n’était pas légalement due, que la fixation de son montant, y compris le supplément de participation, était erronée dans la décision unilatérale du 10 octobre 2014 et que cette fixation erronée ne pouvait valoir engagement unilatéral de l’employeur à verser une somme à titre de réserve spéciale de participation ou de supplément de réserve de participation (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-10.634 F-D).
Rupture du contrat
- Même lorsqu’il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice dont il est fondé à demander réparation (Cass. soc. 16-12-2020 n° 18-23.966 F-PBI).
- Toute contestation portant sur la rupture du contrat de travail ou son motif se prescrit par 12 mois à compter de l’adhésion du salarié au contrat de sécurisation professionnelle. Ce délai est applicable à la contestation portant sur l’inobservation des critères d’ordre des licenciements économiques, qui est relative à la rupture du contrat de travail (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-18.322 F-PB).
- Le fait que la cessation d’activité de l’entreprise résulte de sa liquidation judiciaire ne prive pas le salarié de la possibilité d’invoquer l’existence d’une faute de l’employeur à l’origine de la cessation d’activité, de nature à priver le licenciement de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-11.125 F-D).
- Relève de la vie personnelle du salarié et ne constitue pas un manquement aux obligations découlant de son contrat de travail le fait pour un salarié d’avoir posé une balise sur le véhicule personnel d’une collègue avec qui il a entretenu une relation amoureuse afin de la surveiller et de lui avoir envoyé deux courriels intimes au moyen de l’outil professionnel, les faits n’ayant eu aucun retentissement au sein de l’entreprise ou sur la carrière de la salariée. Le licenciement, prononcé pour faute grave, est par conséquent dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-14.665 F-D).
- Une cour d’appel ne saurait déduire les revenus de remplacement nets perçus par le salarié entre son licenciement nul et sa réintégration du montant des salaires bruts qu’il aurait dû percevoir de la société durant cette période, alors qu’il ressortait de ses constatations que la condamnation de l’employeur à un rappel de salaire, sans précision quant au caractère brut ou net de ce montant, s’entendait d’un montant brut sur lequel l’employeur devait procéder à l’imputation des cotisations et contributions sociales (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-16.714 F-D).
- L’inexécution du préavis ne devant entraîner aucune diminution du salaire et des avantages que le salarié aurait perçus s’il avait travaillé, une cour d’appel ne saurait calculer l’indemnité compensatrice de préavis en fonction du salaire mensuel brut du salarié sans tenir compte de l’avantage en nature prévu par son contrat de travail au titre d’une voiture de fonction et valorisé 500 € par mois (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-12.760 F-D).
Représentation du personnel
- La mesure de mise à pied conservatoire d’un salarié protégé est privée d’effet lorsque le licenciement est refusé par l’inspecteur du travail ou, en cas de recours hiérarchique, par le ministre. Dans cette situation, une cour d’appel ne saurait donc dire n’y avoir pas lieu à référé sur la demande du salarié en paiement à titre de provision des salaires afférents à cette mise à pied (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-19.082 F-D).
- Ne peuvent exercer un mandat de représentation les salariés qui, soit disposent d’une délégation écrite particulière d’autorité leur permettant d’être assimilés au chef d’entreprise, soit représentent effectivement l’employeur devant les institutions représentatives du personnel. Dès lors qu’il remplit les conditions pour être électeur ou éligible, un salarié ne peut être exclu du processus électoral par un protocole préélectoral.
Dès lors que l’intéressée ne s’était pas vu confier une délégation écrite d’autorité, qu’elle ne représentait pas l’employeur devant les institutions représentatives du personnel et qu’elle n’avait exercé qu’une unique fois et de façon partielle un pouvoir disciplinaire au sein de l’entreprise, elle ne pouvait se voir priver de sa qualité d’électrice et d’éligible, peu important les dispositions contraires du protocole préélectoral (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-20.587 F-D).
- L’annulation de l’élection d’un candidat au titre du non-respect par la liste de candidats des prescriptions relatives à la représentation équilibrée femmes-hommes est sans effet sur la condition d’audience électorale requise par l’article L 2122-1 du Code du travail, laquelle n’a donc pas à être recalculée (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-18.613 F-D).
- Les critères posés par l’article L 2121-1 du Code du travail doivent être tous réunis pour établir la représentativité d’un syndicat et ceux tenant au respect des valeurs républicaines, à l’indépendance, qui s’entend d’une indépendance vis-à-vis de l’employeur et d’une indépendance financière, et à la transparence financière doivent être satisfaits de manière autonome. Ni le fait pour un syndicat de faire l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, ni celui de disposer de l’appui financier de la confédération à laquelle il est affilié ne lui fait perdre son indépendance financière. Les documents comptables dont la loi impose la confection et la publication ne constituent que des éléments de preuve de la transparence financière, leur défaut pouvant dès lors être suppléé par d’autres documents produits par le syndicat et que le juge doit examiner (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-20.069 F-D).
- Ayant constaté, d’une part, qu’il ressortait des bulletins de salaire versés aux débats que le salarié avait été payé à de nombreuses reprises par la société au titre d’heures supplémentaires, de dimanche, de nuit, directement liées à l’exercice de ses mandats et que les éléments produits par le salarié ne permettaient pas de déterminer celles des heures supplémentaires et des majorations dont il estimait ne pas avoir été rémunéré et, d’autre part, que les conditions de travail du salarié et les nécessités du mandat n’impliquaient pas que les heures de délégation soient systématiquement prises pendant 3 ans en dehors des horaires de travail, la nuit et le dimanche et que le salarié ne justifiait pas de circonstances exceptionnelles, la cour d’appel en a justement déduit que l’employeur était bien fondé à contester le caractère nécessaire des heures excédant celles dont le salarié avait déjà été payé (Cass. soc. 16-12-2020 n° 19-19.685 F-D).
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