Le paiement de jours de repos en application d’une convention de forfait privée d’effet est indu

Un salarié réclame le paiement d’heures supplémentaires et la suspension de sa convention de forfait en jours, au motif que son employeur n’a pas respecté les modalités de contrôle du temps de travail et de suivi de la charge de travail fixées par la convention collective applicable.

Le non-respect des règles conventionnelles de suivi prive d’effet la convention de forfait

L’article 57 de la convention collective nationale des activités industrielles de boulangerie et pâtisserie prévoit, notamment, pour les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours, que :

  • – l’employeur établit un document de contrôle, cosigné par les salariés, à chaque début de mois pour le mois précédent faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées, ainsi que le positionnement et la qualification des jours de repos ;
  • – les salariés bénéficient d’un entretien annuel avec leur supérieur hiérarchique où sont évoquées la charge de travail, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que leur rémunération.

Constatant en l’espèce que l’employeur n’a pas respecté les modalités de contrôle du temps de travail et de suivi de la charge de travail fixées par l’accord collectif, dont le respect est nécessaire pour garantir la protection de la sécurité et de la santé du salarié, la cour d’appel en déduit que la convention de forfait en jours est privée d’effet et, en conséquence, que le salarié peut réclamer le paiement d’heures supplémentaires.

La décision des juges est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation. En effet, cette dernière juge que le non-respect par l’employeur des clauses de l’accord collectif destinées à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés soumis au régime du forfait en jours prive d’effet la convention individuelle de forfait (Cass. soc. 2-7-2014 no 13-11.940 FS-PB ; Cass. soc. 22-6-2016 no 14-15.171 FS-PB). La convention de forfait en jours est annulée seulement si elle est conclue en application d’une convention collective invalide (Cass. soc. 24-4-2013 no 11-28.398 FS-PB ; Cass. soc. 6-11-2019 no 18-19.752 F-PB), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Dans les 2 cas, la convention de forfait en jours ne s’applique plus et le temps de travail du salarié doit être décompté selon le droit commun, c’est-à-dire dans le cadre des dispositions de l’article L 3121-10 du Code du travail fixant la durée légale du travail effectif à 35 heures par semaine. Le salarié peut donc prétendre au paiement d’heures supplémentaires.

L’employeur peut demander le remboursement des jours de repos prévus par la convention de forfait

L’employeur réclame, à titre subsidiaire, le remboursement des jours de réduction de temps de travail prévus par la convention de forfait en jours.

La cour d’appel le déboute de sa demande. Pour elle, la privation d’effet de la convention de forfait en jours, qui n’est pas annulée, ne saurait avoir pour conséquence de priver le salarié de l’octroi des jours de réduction de temps de travail.

La décision est cassée au visa de l’article 1376 (devenu 1302-1) du Code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, selon lequel celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s’oblige à le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.
Pour la Cour de cassation, la convention de forfait en jours à laquelle le salarié était soumis étant privée d’effet, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention est devenu indu pour la durée de la période de suspension de la convention de forfait en jours.

A noter : Cette solution n’est pas surprenante. Qu’elle soit annulée ou privée d’effet, la convention de forfait en jours ne produit plus d’effet. Seul le droit commun s’applique. Ainsi, si le salarié peut réclamer des heures supplémentaires, il ne saurait se prévaloir de ladite convention, en particulier des jours de repos prévus par celle-ci.

La Cour de cassation s’était d’ailleurs déjà prononcée en ce sens, dans un arrêt non publié, à propos de l’application d’une convention de forfait en heures. Les salariés n’étant pas éligibles à la convention de forfait à laquelle ils avaient été soumis, le paiement des jours de réduction du temps de travail accordés en exécution de la convention était devenu indu (Cass. soc. 13-3-2019 no 18-12.926 F-D).

A noter : La solution garde toute sa valeur sous l’empire de l’actuel article 1302-1 susvisé. 

Suivez les dernières actualités en matière sociale et assurez la relance d’activité pour vos clients ou votre entreprise avec Navis Social :

Vous êtes abonné ? Accédez à votre Navis Social à distance.

Pas encore abonné ? Nous vous offrons un accès au fonds documentaire Navis Social pendant 10 jours.


Cass. soc. 6-1-2021 no 17-28.234 F-PB