Pas de contreparties pour le salarié travaillant illégalement le dimanche, mais un droit à réparation du préjudice subi
Un salarié relevant de la convention collective nationale du négoce de l’ameublement du 31 mai 1995 a saisi le conseil de prud’hommes de diverses demandes indemnitaires reprochant, notamment, à son employeur, la société Ikea, de l’avoir privé du repos compensateur auquel il pouvait prétendre conventionnellement au titre du travail le dimanche.
A noter : Le salarié réclamait l’indemnisation des repos compensateurs non pris et des congés payés afférents pour deux périodes distinctes :
- – la première, à compter de 2008, date à laquelle l’entreprise, en qualité d’établissement de commerce de détail d’ameublement, avait obtenu l’autorisation de déroger de plein droit à la règle du repos dominical et d’attribuer le repos hebdomadaire par roulement ;
- – la seconde, pour les périodes antérieures, alors qu’elle ne disposait pas d’une telle autorisation et ouvrait ses magasins en infraction aux dispositions légales et réglementaires en la matière.
Le travail dominical doit rester exceptionnel pour ouvrir droit à contreparties
Si les conventions collectives prévoient, assez souvent, une majoration pour travail effectué le dimanche, elles ne visent fréquemment que les travaux exceptionnellement ou occasionnellement effectués ce jour-là.
Il en est ainsi de la convention collective nationale du négoce de l’ameublement, dont l’article 33-B prévoit que, pour tout travail exceptionnel du dimanche (dans le cadre des dérogations à l’interdiction légale), conformément au Code du travail (ndlr : article L 3132-27), les heures effectuées sont rémunérées sur la base des heures normales majorées de 100 %, ainsi qu’un repos équivalant aux heures travaillées le dimanche.
Pour le salarié, cette stipulation signifiait que le travail, à titre dérogatoire, le dimanche est un travail à titre exceptionnel et qu’ainsi, à chaque fois qu’il est recouru au travail du dimanche, le salarié a droit à un repos compensateur. Argument rejeté par les juges du fond, puis par la Cour de cassation.
Confirmant l’interprétation qu’elle a déjà eu l’occasion de faire de cette disposition (Cass. soc. 9-6-1993 n° 89-44.889 D ; Cass. soc. 26-2-2003 n° 01-43.906 FS-PBI : RJS 5/03 n° 618 ; Cass. soc. 31-1-2006 n° 04-40.985 FS-PB : RJS 4/06 n° 462), la chambre sociale juge que le caractère exceptionnel des travaux visés par l’article 33 de la convention collective rend ce texte inapplicable au salarié qui travaille habituellement le dimanche.
Le salarié, qui avait travaillé 3 dimanches par mois de 2002 à 2007 et un dimanche sur 2 à compter de 2008, ne pouvait donc pas invoquer cet article et bénéficier du repos compensateur.
Quid en cas de travail illégal le dimanche ?
Le salarié travaillant illégalement le dimanche n’a pas droit au repos compensateur…
Le salarié réclamait parallèlement les contreparties légales prévues par l’ancien article L 221-19 du Code du travail pour la période, antérieure à 2008, où il avait été employé alors que l’établissement était ouvert le dimanche sans autorisation.
Pour le débouter de sa demande, la cour d’appel avait notamment considéré qu’il ne pouvait prétendre au repos compensateur dû en vertu de cet article, celui-ci n’étant pas applicable en l’espèce, puisque le travail du dimanche instauré illicitement par la société pendant cette période ne s’inscrivait pas dans le cadre légal du dimanche des maires.
Aux termes de l’ancien article L 221-19 du Code du travail (devenu L 3132-26), dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ce repos pouvait être supprimé 5 dimanches par an (désormais 12) désignés, pour chaque commerce, par un arrêté du maire. Chaque salarié ainsi privé de repos dominical devait bénéficier notamment d’un repos compensateur (aujourd’hui prévu à l’article L 3132-27 du Code du travail).
Au soutien de son pourvoi en cassation, le salarié faisait valoir que lorsqu’un salarié travaille illégalement le dimanche, il doit tout de même bénéficier des contreparties auxquelles il aurait pu prétendre si l’employeur s’était placé dans l’une des hypothèses de dérogation au repos dominical. En d’autres termes, il n’avait pas à pâtir de la faute de son employeur. Tel n’est pas l’avis de la chambre sociale, qui nuance cependant sa position (n° 8).
Confirmant l’arrêt d’appel, la Haute Juridiction considère que les contreparties accordées aux salariés travaillant le dimanche, prévues par une convention collective ou par les dispositions légales autorisant des dérogations à la règle du repos dominical, ne sont pas applicables à un salarié travaillant le dimanche en infraction aux dispositions légales et réglementaires sur le repos dominical.
… mais à la réparation du préjudice subi à raison du travail illégal le dimanche
Pour autant, le salarié que son employeur fait travailler régulièrement le dimanche, en violation des dispositions légales, n’est pas privé de tout recours. S’il ne peut prétendre aux contreparties accordées dans le cadre des dérogations légales au repos dominical, il peut néanmoins solliciter la réparation du préjudice subi à raison du travail illégal qu’il a effectué le dimanche.
Dans une affaire similaire, la Cour de cassation avait déjà jugé qu’un salarié employé dans un établissement ouvert le dimanche sans autorisation ne pouvait pas prétendre à un rappel de salaires, mais exclusivement à des dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par la violation des dispositions légales relatives au repos dominical (Cass. soc. 31-1-2006, précité).
A noter : Le salarié peut en effet prétendre, en application des principes de la responsabilité délictuelle, à des dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait de la faute de l’employeur. Préjudice qu’il appartient alors aux juges du fond d’évaluer souverainement, étant précisé que le montant des dommages et intérêts peut, le cas échéant, atteindre celui de la majoration salariale pour travaux exceptionnels du dimanche. Mais encore faut-il que le salarié les demande. Au regard de la décision de 2006, confirmée par le présent arrêt, on peut donc supposer que si le salarié avait sollicité des dommages-intérêts, à titre subsidiaire, la chambre sociale les lui aurait accordés.
Valérie BALLAND
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Cass. soc. 17-2-2021 n° 19-21.897 FS-P