Association d’avocats : valeur des droits de celui qui se retire

En cas de contestation sur la valeur des droits d’une société cédés par un associé ou rachetés par la société, un expert désigné par ordonnance du président du tribunal statuant selon la procédure accélérée au fond détermine cette valeur (C. civ. art. 1843-4).

Quatre ans après avoir conclu un contrat d’association avec des confrères, un avocat convient avec ceux-ci de son retrait. Aucun accord n’ayant été trouvé sur les modalités du retrait, l’associé fait appel à l’arbitrage du bâtonnier de l’ordre pour déterminer les sommes que doivent lui rembourser ses anciens partenaires mais, insatisfait du montant retenu par celui-ci, il demande la désignation d’un expert en application du texte précité pour procéder à une nouvelle évaluation.

Demande rejetée. En effet, si une association d’avocats se trouve soumise aux dispositions des articles 1832 à 1844-17 du Code civil relatives aux sociétés civiles, l’article 1843-4 ne lui est cependant pas applicable en l’absence de capital social et il ne peut pas être étendu aux comptes à effectuer lors du départ d’un avocat.

A noter : Des avocats peuvent exercer en commun leur activité dans le cadre d’un contrat d’association, qui les soumet à une responsabilité conjointe ou individuelle (Loi 71-1130 du 31-12-1971 art. 7 ; Décret 91-1197 du 27-11-1991 art. 124 s.). Cette association présente les caractéristiques d’une société (apports, affectio societatis, participation aux gains ou aux économies et aux pertes ; C. civ. art. 1832), mais, faute d’immatriculation, elle est dénuée de personnalité morale et considérée comme une société créée de fait ou une société en participation. Elle est régie par les articles 1832 à 1844-17 du Code civil applicables à toutes les formes de société, les articles 1871 à 1873 du même Code applicables aux sociétés en participation ou à celles créées de fait (art. 1873) et par les articles 124 à 128-1 du décret 91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d’avocat.

Dans le quasi-silence de ces textes en la matière, les modalités et les conséquences du retrait d’un avocat sont généralement prévues par le contrat d’association (pour un exemple, Cass. 1e civ. 6-9-2017 n° 16-13.879 F-D : RJDA 12/17 n° 817). A défaut ou en cas de désaccord sur l’application des clauses du contrat, le différend est soumis, en l’absence de conciliation, à l’arbitrage du bâtonnier (Loi de 1971 art. 21, al. 3). Ce dernier peut désigner un expert pour l’évaluation des parts sociales ou actions de sociétés d’avocats (art. précité) ; il s’agit là d’une procédure dérogatoire à celle prévue par l’article 1843-4 du Code civil (Cass. 1e civ. 16-4-2015 n° 14-10.257 F-PB : RJDA 8-9/15 n° 572). Mais dans les deux cas, l’expertise sert à déterminer la valeur des parts sociales ou des actions ; l’association en étant dénuée, l’expertise n’est pas ici envisageable. La Cour de cassation écarte ainsi l’argument invoqué par l’avocat retrayant selon lequel le contrat d’association faisait référence à l’article 1843-4 du Code civil.

Pourtant, l’application conventionnelle de ce texte a été admise en dehors des cas où il s’impose et indépendamment de l’existence de droits sociaux (Cass. com. 30-11-2004 n° 03-13.756 FS-PBIR : RJDA 3/05 n° 270, rendu dans un cas où une promesse de vente d’un logiciel prévoyait que le prix de cession, à défaut d’accord des parties, serait fixé par un expert dans les conditions de l’article 1843-4).

L’avocat retrayant conservait en l’espèce la possibilité de contester la décision du bâtonnier devant la cour d’appel (Loi de 1971 art. 21, al. 4).


Cass. 1e civ. 17-2-2021 n° 19-22.964 FS-P