Une sélection de décisions de cours d’appel en matière sociale
Exécution du contrat
Si le fait pour un coordinateur d’exploitation d’une entreprise de transport d’insulter une collègue en la traitant de « connasse » justifie une mesure disciplinaire, il ne saurait, pour autant, justifier son licenciement eu égard au « langage fleuri » utilisé habituellement dans l’entreprise et la profession et à la circonstance que l’intéressé n’avait fait l’objet d’aucune sanction disciplinaire durant 15 ans de relations contractuelles (CA Nancy 7-1-2021 n° 19/01219).Le déplacement du lieu de travail à 34 km du lieu actuel, dans le même département, desservi par l’autoroute, constitue un simple changement des conditions de travail et non une modification du contrat de travail. De plus, il n’est pas porté une atteinte excessive au respect de la vie personnelle et familiale du salarié dont l’épouse travaille dans le milieu hospitalier avec des horaires variables dès lors que celle-ci ne travaille pas chaque semaine avec des horaires décalés, lui laissant la possibilité d’accompagner également les enfants à l’école, et que des solutions alternatives existent pour assurer si nécessaire la garde des enfants. Dans ces conditions, la persistance de l’absence injustifiée du salarié constitue une faute grave (CA Nancy 7-1-2021 n° 19/00980).Un commercial ayant vocation à visiter les clients, à développer l’activité commerciale par la prospection sur son secteur géographique et exerçant sa mission sous la forme du nomadisme, comme cela ressort de sa fiche de poste et de son contrat de travail, ne peut pas prétendre que son employeur a tenté de lui imposer de travailler à domicile ou de le placer en télétravail. Les faits invoqués par le salarié ne sauraient en conséquence légitimer une requalification de la démission en prise d’acte aux torts de l’employeur (CA Aix-en-Provence 4-3-2021 n° 17/09834).Il résulte des dispositions combinées de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 et de l’article L 1222-10 du Code du travail dans sa rédaction issue de la loi du 22 mars 2012, applicables aux faits de l’espèce, que l’employeur est tenu envers son salarié de prendre en charge tous les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci. Indépendamment des outils informatiques et de communication mobile mis à disposition par son employeur, une salariée est bien fondée à solliciter le remboursement des frais occasionnés par le télétravail qu’elle a effectué depuis son domicile pendant presque 8 ans, la somme de 4 810 € lui devant lui être versée à titre d’indemnité de remboursement des frais professionnels (CA Grenoble 3-12-2020 n° 18/01612).Les frais supplémentaires de chauffage, électricité et connexion internet occasionnés par le télétravail ne sont pas des accessoires du salaire mais ont, aux termes du contrat de travail, la nature de remboursement de frais, que l’employeur est fondé à suspendre pendant la suspension du contrat de travail, au contraire de la prise en charge partielle de loyer correspondant à la quote-part de la superficie du domicile du salarié dédiée à son espace de travail, que l’employeur a, à juste titre, continué de prendre en charge. De même, la quote-part d’assurance habitation est liée à cette occupation et doit être maintenue pendant la suspension du contrat (CA Rennes 11-2-2021 n° 17/07413).Le recours à un test urinaire de dépistage de drogue est possible si le règlement intérieur le prévoit, si les fonctions du salarié le justifient, et ce même s’il est pratiqué par le supérieur hiérarchique ou l’employeur dès lors que ceux-ci sont tenus de respecter le secret professionnel sur les résultats obtenus, et à condition que le salarié ait la possibilité de contester les résultats par un autre test ou une contre-expertise (CA Amiens 27-1-2021 n° 19/04143).
Durée du travail
Pour s’exonérer du paiement des heures supplémentaires résultant des décomptes présentés par le salarié, un employeur ne peut opposer qu’il incombe à celui-ci de s’organiser dès lors qu’il a accepté l’accord sur le télétravail pour une durée de 35 heures. Ces modalités ne dispensent pas l’employeur d’instaurer des moyens lui permettant de vérifier l’adéquation de la charge de travail avec les horaires et de justifier des horaires du salarié ainsi que cela lui incombe (CA Colmar 9-2-2021 n° 21/101).En l’absence de mention de la répartition de la durée du travail dans le contrat, conformément à l’article L 3123-6 du Code du travail, pour renverser la présomption simple d’emploi à temps plein, l’employeur qui verse aux débats 6 attestations de salariés indiquant que la salariée était présente dans l’entreprise pas plus de 2 à 3 jours par semaine avec des horaires aléatoires fixés à sa convenance, établit que l’emploi de la salariée était à temps partiel et qu’elle n’a jamais été mise dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme elle devait œuvrer pour l’entreprise sans avoir à se tenir en permanence à sa disposition (CA Rennes 21-1-2021 n° 16/07554).
Rupture du contrat
Si une restructuration des rémunérations des salariés, liée aux prescriptions d’une autorité de tutelle, ne constitue pas, en soi, une cause économique de licenciement, la réorganisation du mode de rémunération des salariés d’une association peut être justifiée par la nécessité de sauvegarder sa pérennité. Repose donc sur une cause réelle et sérieuse le licenciement d’une assistante familiale refusant la modification de la structure de sa rémunération proposée par l’association qui l’employait, alors que cette proposition de modification était justifiée par la nécessité de sauvegarder la pérennité de l’association qui se voyait contrainte d’appliquer les grilles conventionnelles de rémunération après que l’autorité de tutelle, son principal financeur, l’ait avertie qu’elle ne couvrirait pas un éventuel dépassement des dépenses liées à la rémunération des assistants familiaux résultant de son choix d’appliquer un régime plus favorable. En effet, sans les financements de l’autorité de tutelle, l’association, dont les comptes étaient déjà déficitaires, ne pouvait pas faire face à l’ensemble de ses charges (CA Paris 7-1-2021 n° 18/04586).Repose sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave le licenciement d’un vendeur automobile contrôlé positif à un test d’alcoolémie dans le cadre d’une session de formation obligatoire dispensée par un constructeur, l’organisateur de la formation lui-même ayant mis à disposition des participants des boissons alcoolisées (CA Versailles 14-1-2021 n° 19/00259).Est justifié le licenciement d’un responsable de livraison ayant accepté une gratification de 2000 € de la part d’un fournisseur pour financer un voyage de tourisme familial en République dominicaine, alors que, en vertu de son contrat de travail, il n’était pas autorisé à accepter un quelconque cadeau, ni de la part d’un fournisseur, ni de la part d’un client de la société, que ce soit sous la forme d’un paiement, de marchandises, de prestations ou de remises exceptionnelles. Il importait peu que l’employeur n’ait subi aucun préjudice financier. La faute grave est requalifiée en cause réelle et sérieuse en raison de circonstances atténuantes (ancienneté de plus de 30 ans, absence de passé disciplinaire et bonnes évaluations professionnelles) (CA Versailles 14-1-2021 n° 19/00084).Le contrôle de conventionnalité, exercé de façon objective et abstraite sur l’ensemble du dispositif prévoyant un barème obligatoire d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse conduit à conclure à la conventionnalité de celui-ci au regard de l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT sur l’indemnisation adéquate du licenciement injustifié, étant précisé que cet article est d’applicabilité directe. Pour autant, le juge peut apprécier si le dispositif ne porte pas une atteinte disproportionnée aux droits du salarié concerné en lui imposant des charges démesurées par rapport au résultat recherché, en l’occurrence l’indemnisation intégrale du préjudice qu’il a subi. Eu égard à l’âge du salarié – 59 ans – et à la difficulté qui en résulte pour lui et dont il justifie de retrouver un emploi dans un marché du travail en tension, l’application du barème porte une atteinte disproportionnée à ses droits en ce qu’elle ne permet pas l’indemnisation intégrale de son préjudice. Elle contrevient pour ce motif aux dispositions de l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT. C’est par conséquent à bon droit que les premiers juges ont écarté l’application du barème en octroyant au salarié 30 000 € de dommages et intérêts, une indemnité supérieure à celle de 6 mois de salaire brut prévue par le barème (CA Bourges 6-11-2020 n° 19/00585).Ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse le licenciement d’un laveur autos motivé par le vol d’un bidon d’huile et d’un bidon de liquide de refroidissement révélé par une fouille de son véhicule, dès lors qu’il n’a pas été informé de son droit de s’opposer à l’ouverture du véhicule, le seul consentement du salarié à l’ouverture du véhicule étant insuffisant (CA Papeete 11-2-2021 n° 20/00039). Le directeur commercial et marketing d’une entreprise d’armement comment une faute en initiant un rendez-vous de signature d’un contrat commercial international de vente de matériels sensibles avec une société basée au Moyen-Orient avec laquelle son entreprise n’avait jamais traité et en s’abstenant délibérément de le faire valider par les différentes directions, alors que, selon la procédure interne en vigueur, la signature de ce type de contrat doit être précédée de vérifications importantes liées à la nécessité de prévenir les risques de corruption ou de trafic d’influence et d’assurer ainsi la légalité du contrat conclu. Une telle maladresse est révélatrice d’une mauvaise appréciation de l’étendue de ses responsabilités qui aurait pu avoir des conséquences fâcheuses pour l’entreprise, compte tenu notamment du fait qu’elle travaille dans un secteur sensible, la faute grave n’étant toutefois pas retenue dans la mesure où le manquement commis s’analyse en une abstention qui est certes fautive compte tenu du contexte mais qui ne traduit ni une mauvaise foi ni une quelconque déloyauté de la part du salarié et qui n’a pas non plus eu pour effet de placer l’entreprise dans une situation de danger grave et immédiat (CA Angers 11-3-2021 n° 19/00128).
Négociation collective
Compromet l’exécution loyale d’un accord d’entreprise, l’employeur qui met en place une pratique permettant de reporter une partie des budgets d’augmentations salariales impératifs en leur montant et prévus par cet accord collectif, lorsque cette pratique ne repose ni sur un accord négocié avec les partenaires sociaux, ni sur la conclusion d’un accord de performance collective, la crise sanitaire liée à l’apparition de l’épidémie de Covid-19 ne constituant pas un cas de force majeure pouvant justifier l’inexécution de l’intégralité des dispositions d’un accord d’entreprise. Après avoir tenté vainement de négocier la révision d’un accord d’entreprise du 7 février 2020 qui prévoyait des budgets d’augmentations salariales, un employeur ne saurait donc diffuser une note mentionnant qu’il prenait acte de la volonté de nombreux salariés de tenir compte de l’effet de la crise sanitaire sur l’entreprise et qu’il avait décidé de leur permettre de reporter, par décision individuelle, la date de l’activation de leur augmentation 2020 à 2021. La remise en cause de l’accord d’entreprise constitue un trouble manifestement illicite justifiant qu’il soit enjoint sous astreinte à l’employeur d’adresser une nouvelle note de service annulant la précédente (CA Riom 19-1-2021 n° 20/00827).
Santé et sécurité
Un accident qui se produit à un moment où le salarié ne se trouve plus sous la subordination de l’employeur doit être considéré comme un accident de travail s’il est survenu par le fait du travail. Tel est le cas lorsqu’il est établi par des certificats médicaux corroborés par des témoignages que le salarié a, brutalement, à réception de sa convocation à un entretien préalable au licenciement avec mise à pied conservatoire, décompensé psychiatriquement avec apparition d’une bouffée délirante à caractère paranoïaque (CA Montpellier 24-2-2021 n° 17/06593).Le comportement agressif d’un salarié et les pressions réitérées envers le personnel du service de santé de l’entreprise en vue d’obtenir la modification de l’avis d’aptitude avec réserves pris par le médecin du travail constituent une faute grave justifiant le licenciement immédiat de l’intéressé (CA Versailles 10-3-2021 n° 18/04648).
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