Contribution patronale sur des attributions gratuites d’actions indue : quel délai pour demander le remboursement ?
Quelle règle de prescription s’applique lorsqu’une entreprise demande le remboursement de la contribution patronale pour des actions gratuites non attribuées aux bénéficiaires ? L’avis rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation le 22 avril, en réponse à la demande du tribunal judiciaire de Nanterre, constitue une nouvelle étape du contentieux apparu autour des conditions de versement de cette contribution créée par la loi 2007-1786 du 19 décembre 2007, et inscrite à l’article L 137-13 du CSS.
Un remboursement de la contribution possible depuis une décision du Conseil constitutionnel
L’article L 137-13, II du CSS disposait, avant sa modification par la loi 2015-990 du 6 août 2015, que cette contribution était exigible le mois suivant la décision d’attribution des actions. Or, les plans d’attribution gratuite d’actions étant le plus souvent assortis de conditions suspensives comme la présence du salarié dans l’entreprise ou un objectif de performance, l’employeur devait s’acquitter auprès de l’Urssaf d’une contribution pour des actions gratuites qui pouvaient, finalement, ne pas être délivrées aux bénéficiaires en cas de non-réalisation des conditions fixées. Des sociétés ont ainsi demandé à l’Urssaf le remboursement de ces sommes qu’elles estimaient indûment versées.
Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a validé les dispositions de l’article L 137-13, II du CSS tenant à la date d’exigibilité de la contribution, mais avec une réserve selon laquelle ces règles ne devaient pas faire obstacle à la possibilité pour l’employeur de demander à l’Urssaf le remboursement des sommes (Cons. const. QPC 2017-627/628 du 28-4-2017 : voir FRS 10/17 inf. 5 p. 7). Réserve que la Cour de cassation a appliquée en accordant ce remboursement (Cass. 2e civ. QPC 12-10-2017 n° 16-21.686 F-PB : RJS 12/17 n° 817) alors qu’elle le refusait jusqu’alors (Cass. 2e civ. 7-5-2014 n° 13-15.790 FS-PB : RJS 8-9/14 n° 645 ; Cass. 2e civ. 2-4-2015 n° 14-16.453 F-D : RJS 6/15 n° 429).
Un tribunal judiciaire confronté à la question de la prescription
Une question restait toutefois en suspens : celle de la règle de prescription applicable à ces demandes de restitution de la contribution patronale. C’est sur ce point que le tribunal judiciaire de Nanterre a saisi en décembre dernier la Cour de cassation pour avis. En matière de prescription, l’article L 243-6, I du CSS (rendu applicable à la contribution sur les AGA par l’article L 137-3 du CSS) prévoit dans son premier alinéa que la restitution par l’Urssaf de cotisations sociales indûment acquittées se prescrit par 3 années à compter du versement des sommes. Mais son alinéa 2 précise que la règle est différente si le droit au remboursement « naît d’une décision juridictionnelle qui révèle la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure ». Dans ce cas, la demande de remboursement peut porter sur la période postérieure au 1er janvier de la 3e année précédant celle où cette décision a été rendue.
Saisi d’un litige opposant l’Urssaf d’Ile-de-France à une entreprise réclamant un tel remboursement, le tribunal judiciaire de Nanterre demandait si la décision du Conseil constitutionnel d’avril 2017 ayant ouvert la voie à ce remboursement constituait une décision révélant la non-conformité de la règle de droit appliquée à une règle supérieure. Il s’agissait pour ce tribunal de décider quelle règle de prescription appliquer parmi les deux figurant à l’article L 243-6, I du CSS.
Trois ans à compter de la non-réalisation des conditions d’attribution des actions
La réponse de la Cour de cassation est négative. Selon son avis rendu le 22 avril, la décision du Conseil constitutionnel ne constitue pas une décision révélant la non-conformité de la règle de droit appliquée à une règle supérieure. Une position justifiée par le fait que la réserve du Conseil constitutionnel ne portait pas sur les dispositions de l’article L 137-13, II du CSS, qui ont été jugées conformes, mais sur la question de la restitution de la contribution lorsque les conditions d’attribution ne sont pas remplies. L’obstacle à cette restitution découlait de la jurisprudence de la Cour de cassation.
Mais la deuxième chambre civile ne se contente pas de répondre à la question posée par le tribunal judiciaire de Nanterre. Afin de tenir compte de la réserve du Conseil constitutionnel, elle préconise d’aménager la règle de prescription indiquée au 1er alinéa de l’article L 243-6, I du CSS dont l’application risque de faire obstacle au remboursement. Ainsi, dans le cas d’une contribution patronale versée pour des actions gratuites non délivrées en raison de conditions d’attribution non remplies, la demande de remboursement se prescrirait par 3 années à compter de la date à laquelle ces conditions ne sont pas remplies. En pratique, la détermination de cette date dépendra du contenu et de la rédaction des conditions suspensives.
Quelle portée pour cet avis ?
Le tribunal judiciaire de Nanterre n’est, rappelons-le, pas tenu par l’avis de la Cour de cassation (COJ art. L 441-3), mais cet avis a toutes les chances d’être appliqué par les juridictions de première instance et d’appel. Le contentieux sur ce type d’indu a toutefois vocation à s’éteindre, du fait que l’article L 137-13, II du CSS a été modifié par la loi 2015-990 du 6 août 2015. Il dispose désormais que la contribution sur les AGA est due le mois suivant la date d’acquisition des actions gratuites par le bénéficiaire. La contribution n’est plus versée en amont de l’attribution effective des actions.
A noter : Le problème subsiste pour la contribution patronale sur les stock-options, pour laquelle le même article L 137-13, II du CSS prévoit toujours une exigibilité de la contribution le mois suivant la décision d’attribution des options, alors que la levée effective de celles-ci peut également être soumise à conditions suspensives par le règlement du plan d’options. La Cour de cassation semble avoir admis que les solutions autorisant le remboursement de la contribution sur les AGA indûment versée valent pour la contribution pour les stock-options. Dans un arrêt de 2018, elle a en effet refusé de transmettre une QPC portant sur les dispositions fixant la date d’exigibilité de la contribution sur les stock-options, en se référant à la décision du Conseil constitutionnel d’avril 2017 sur les AGA (Cass. soc. QPC 13-9-2018 n° 18-40.025 F-D). La règle de prescription de la demande de remboursement préconisée dans cet avis devrait donc s’appliquer pour le remboursement de la contribution patronale sur les stock-options.
Fanny DOUMAYROU
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Avis Cass. 22-4-2021 n° 70-21.003