L’acquéreur de parts de SARL n’est pas tenu de libérer le capital social
Une SARL est constituée entre deux associés sans que les apports en numéraire soient libérés en totalité. Après la cession de parts sociales à un tiers, la société est mise en liquidation judiciaire et le liquidateur poursuit l’acquéreur des parts en paiement du solde du capital social non libéré.
La cour d’appel de Paris rejette la demande du liquidateur : à défaut de stipulation contractuelle contraire, l’obligation de libération du capital ne pèse pas sur l’acquéreur de parts d’une SARL mais sur le cédant, cette obligation inhérente à la souscription des parts constituant une dette envers la société indépendante de la cession. Il résulte, en effet, de l’article 1843-3, al. 1 du Code civil que le capital social non libéré constitue une créance de la société contre son associé. En outre, ne sont pas applicables aux SARL les dispositions de l’article L 228-28 du Code de commerce, concernant les actions, aux termes duquel l’actionnaire défaillant, les cessionnaires successifs et les souscripteurs successifs sont tenus solidairement du montant non libéré du capital.
A noter : La solution s’applique à toute cession de parts sociales.
Comme la cour d’appel de Paris, celle de Lyon avait jugé, à propos d’une société civile, que la libération des apports est une dette personnelle non attachée à la détention des parts, qui ne se transmet pas avec elles (CA Lyon 9-6-2005 n° 04-2345 : RJDA 7/06 n° 798). Ces cours d’appel ont ainsi appliqué une jurisprudence ancienne, en vertu de laquelle l’acheteur, en tant qu’ayant cause à titre particulier du vendeur, est un tiers à l’égard des obligations contractées par celui-ci à l’occasion de la chose cédée sauf si, par une disposition expresse, il a déclaré faire son affaire des engagements du vendeur (Cass. req. 3-9-1940 : JCP 1940 II n° 1557 note Becqué). Par exemple, l’acquéreur d’un fonds de commerce n’est pas tenu de l’obligation de non-concurrence souscrite par le cédant (Cass. com. 1-4-1997 n° 95-12.025 P : RJDA 8-9/97 n° 1005 ; Cass. com. 11-3-2014 n° 13-12.507 F-D : RJDA 7/14 n° 596). De même, l’engagement pris par le propriétaire d’un immeuble de réserver des logements aux adhérents d’une association ayant consenti un prêt pour financer leur construction n’est pas transmis au nouvel acquéreur de l’immeuble (Cass. 3e civ. 16-11-1988 n° 88-11.298 P : D. 1989 p. 157 note Ph. Malaurie).
Néanmoins, il peut être soutenu que l’obligation de libération des parts incombe de plein droit à celui qui a la qualité d’associé au moment où cette obligation devient exigible en se fondant sur l’article 1843-3, al. 5 du Code civil, aux termes duquel l’associé qui devait apporter une somme d’argent et qui ne l’a pas fait devient de plein droit débiteur des intérêts de cette somme à compter du jour où elle devait être payée. L’obligation de libération des parts de SARL devient exigible lors de l’appel de fonds de la gérance (C. com. art. L 223-7) ou de l’échéance prévue dans les statuts ou par une décision des associés. Par exception, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire rend immédiatement exigible le montant du capital non libéré (C. com. art. L 624-20, L 631-18, L 641-14). Si cette analyse est retenue, l’acquéreur est alors tenu de la dette lorsque la cession est antérieure à la date d’exigibilité de la libération du capital.
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales n° 34081
CA Paris 16-2-2021 n° 19/20152