Ensemble de contrats ne justifiant pas une compensation pour créances connexes 

Une société confie l’édification de treize maisons individuelles à un entrepreneur pour un prix global et forfaitaire puis, invoquant des défaillances de celui-ci et l’abandon des chantiers, elle résilie le contrat pour les quatre dernières maisons.

L’entrepreneur poursuit alors la société en paiement du solde du prix des travaux réalisés pour ces quatre maisons, avant d’être mis en redressement, puis en liquidation judiciaires. La société refuse de payer, soutenant qu’il existe une connexité entre ses créances, qu’elle a déclarées au passif de l’entrepreneur, et les sommes qu’elle reconnaît lui devoir et elle demande leur compensation (application de C. com. art. L 622-7). Elle avance que les marchés de construction des maisons constituent un ensemble contractuel unique car ils ont été conclus en application d’un cahier des clauses administratives générales, de clauses techniques et d’une grille tarifaire servant de cadre général aux relations d’affaires entre elle et l’entrepreneur, dans lequel s’inscrit chaque contrat de construction de maison.

La Cour de cassation rejette l’argument. L’existence d’un lien contractuel unique nécessaire pour établir un lien de connexité et permettre une compensation générale des dettes respectives des parties n’était pas caractérisée. En effet, les marchés avaient été conclus individuellement pour chacune des maisons avec la désignation de leur type, à des dates et à des prix différents ; chacun de ces marchés désignait comme documents contractuels le marché, le devis descriptif, les plans, le cahier des clauses techniques générales et le cahier des clauses administratives générales ; le document qualifié de « contrat-cadre » par la société était, en réalité, constitué de ces documents avec la grille de prix des maisons modèles mais aucune disposition ne prévoyait une interdépendance des marchés conclus séparément.

Par suite, la société a été condamnée à payer le solde du prix des travaux des quatre maisons litigieuses.

A noter : Le jugement qui ouvre une procédure collective emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née avant ce jugement à l’exception du paiement par compensation de créances connexes (C. com. art. L 622-7). La décision commentée apporte une illustration supplémentaire de la façon dont la connexité est appréciée par les juges.

Pour être connexes, les créances doivent dériver soit d’un même contrat, soit d’un ensemble contractuel unique servant de cadre général aux relations entre les parties (notamment, Cass. com. 6-5-1997 : RJDA 8-9/97 n° 1073 ; Cass. com. 22-3-2011 n° 09-69.833 F-D : RJDA 7/11 n° 641 ; Cass. com. 14-10-2014 n° 13-24.482 FS-D : RJDA 12/14 n° 936).

Récemment, la cour d’appel de Paris a précisé que les créances réciproques sont considérées comme connexes lorsqu’elles sont issues ou dérivent de l’exécution ou de l’inexécution du même contrat mais également lorsqu’elles se rattachent à un contrat-cadre ou à plusieurs conventions, même informelles, constituant les éléments d’un ensemble contractuel unique servant de cadre général aux relations entre les parties (CA Paris 18-9-2018 nos 17/01011 et 17/01028 : BRDA 21/18 inf. 8). Tel n’était pas le cas en l’espèce.

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial 2020 nos 52936 et 61890


Cass. com. 9-12-2020 n° 19-18.128 F-D