Le procès du « monstre de Pantin »

Le 19 janvier 1870, Jean-Baptiste Troppmann, vingt ans, est guillotiné face à une foule considérable réunie pour assister à son exécution. Condamné à mort pour l’assassinat sanguinaire des huit membres d’une même famille, le « monstre de Pantin » devient le protagoniste principal de l’une des affaires criminelles les plus médiatisées du Second Empire.

Le « massacre de Pantin »

Les faits débutent au matin du lundi 20 septembre 1869 quand un cultivateur de la plaine de Pantin aperçoit de larges traces écarlates sur la lisière d’un champ voisin. La découverte est macabre alors qu’il exhume un premier cadavre ensanglanté. Cinq autres corps seront ensuite mis au jour, tous sauvagement mutilés. Une fillette de deux ans, quatre garçons âgés de huit à seize ans et leur mère figurent parmi les victimes de ce que la presse décrira comme le « massacre de Pantin ».

L’émoi dans la ville est tel qu’il permet l’identification quasi-immédiate des défunts. Les employés d’un hôtel proche confirment en effet qu’il s’agit de madame Kinck et de ses enfants, arrivés la veille de Roubaix avant qu’ils ne s’éclipsent dans la soirée pour un rendez-vous dont ils ne reviendront jamais.

Les soupçons pèsent rapidement sur le père et le fils aîné de la famille Kinck dont les autorités peinent à retrouver la piste. Un complice présumé en la personne d’un certain Jean-Baptiste Troppmann intéresse également les enquêteurs.

La correspondance échangée entre ce jeune ouvrier mécanicien et les époux Kinck ne laisse aucun doute quant à son implication dans l’hécatombe de Pantin. Alors qu’il cherche à embarquer précipitamment sur un navire en partance pour l’Amérique, Troppmann est appréhendé le jeudi 23 septembre au Havre à la suite d’un contrôle d’identité.

Transféré dans une prison parisienne, il rejette d’abord la culpabilité sur les père et fils Kinck avant de finalement s’imputer les faits, reconnaissant de surcroît le meurtre des deux derniers.

Quant au mobile de cet octuple meurtre, les enquêteurs concluent à la cupidité. Nourrissant des rêves de fortune depuis l’enfance, le jeune Troppmann aurait tenté de délester le père Kinck d’une partie de sa richesse au travers d’un sinistre stratagème.

Une affaire qui défraie la chronique

L’Affaire Jean-Baptiste Troppmann a passionné les Français et a permis à certains titres de presse d’atteindre des tirages record. Le Petit Journal franchit ainsi la barre du demi-million d’exemplaires vendus.

Relaté sous la forme d’un roman-feuilleton, le « massacre de Pantin » est narré quotidiennement et par épisodes avec nombre d’illustrations à l’appui. Les journaux n’omettent aucun détail mais brossent et accentuent au contraire la férocité avec laquelle Troppmann s’en est pris à ses victimes.

La profession de journaliste connaît par ailleurs une importante mutation alors que certains journaux tels que Le Gaulois missionne, au moment de l’enquête, des reporters afin de suivre leurs propres pistes tandis que d’autres se précipitent au Palais de justice de Paris afin d’assister aux débats.

Une instruction « rondement menée »

Le procès du « monstre » s’ouvre le 27 décembre, soit à peine trois mois après la découverte des premiers corps. La justice, hâtée par l’opinion publique tenue en haleine par une presse tournant à plein régime, veut agir vite ; l’accusation s’affranchissant même de toute recherche de complices. De son côté, l’accusé est défendu par Maître Charles Lachaud dont la réputation et l’éloquence lors de la clôture des débats le 30 décembre ne suffisent pas à Troppmann pour échapper à la peine capitale.

Ses pourvois en cassation et recours en grâce auprès de l’empereur ayant été rejetés, le jeune mécanicien est conduit à l’échafaud le 19 janvier 1870 face à une foule au sein de laquelle se bousculent anonymes et personnalités diverses. La légende veut que Troppmann eut profité des quelques instants le séparant de son funeste destin pour infliger une morsure sanglante à son bourreau parvenant presque à lui sectionner l’index.

L’exécution de Jean-Baptiste Troppmann vient conclure une affaire ardemment suivie et confirme ainsi l’attrait populaire grandissant pour ce type d’affaires criminelles à l’origine de la fortune de certains journaux d’antan.

Samy-Vicente LACERDA
Master 2/ IFP