Cabinet Philippe ALLIAUME

Avocat à la Cour d'appel de Paris

L’irrecevabilité d’une demande de fixation de créance devant le juge du fond n’équivaut pas au rejet de la créance

Le juge du fond qui statue dans une instance en cours reprise conformément à l’article L. 622-22 du code de commerce ne fait pas application de l’article L. 624-2 du même code. Il en résulte que la décision par laquelle ce juge déclare irrecevable la demande d’un créancier tendant à la fixation du montant de sa créance ne constitue pas une décision de rejet de cette créance entraînant, dès lors, l’extinction de celle-ci. Par conséquent, la créance n’étant pas éteinte, le créancier conserve son droit de poursuite contre les associés de la société civile débitrice.

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Les justificatifs des dépenses d’un organisme de droit privé chargé d’une mission de service public peuvent être communicables

Dans une décision rendue le 13 avril 2021, le Conseil d’État a complété la liste des documents comptables dont il est possible de solliciter la communication de la part d’un organisme privé chargé d’une mission de service public, au titre de la législation relative aux accès aux documents administratifs.

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Information de la personne mise en examen de son droit de se taire devant la chambre de l’instruction : non-conformité totale

Par cette décision de non-conformité totale avec effet différé et réserve transitoire, le Conseil constitutionnel déclare les mots « la comparution personnelle des parties ainsi que » figurant au quatrième alinéa de l’article 199 du code de procédure pénale, le sixième alinéa de cet article et la dernière phrase du huitième alinéa du même article contraires à la Constitution.

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Pas de caméra de télévision lors d’une enquête des agents de la consommation

Des agents de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) procèdent à un contrôle dans un restaurant. A l’issue de l’enquête, le restaurateur est condamné pour délit de pratique commerciale trompeuse en raison de la mention, sur les cartes et menus, d’une origine inexacte de certaines spécialités. Le restaurateur soutient que l’enquête est nulle car les agents ont violé le secret de l’enquête en permettant la présence, lors du contrôle, d’une équipe de télévision équipée d’une caméra. Cette présence a également porté atteinte à ses intérêts.

Une cour d’appel rejette cet argument. Certes, il résulte de l’article 11 du Code de procédure pénale imposant le secret professionnel aux enquêteurs que la présence d’une équipe de télévision aux côtés de ceux-ci serait de nature à vicier la procédure. Toutefois, les services de la DDPP procèdent non à des enquêtes mais à de simples contrôles qui aboutissent le plus souvent à de simples avertissements ou à des transactions et rarement à des poursuites, de sorte que, si la discrétion est souhaitable, le contrôle fait en présence d’une caméra ne viole ni le secret de l’enquête ni aucune forme prescrite par la loi à peine de nullité. La cour ajoute qu’il n’a pas été porté atteinte aux intérêts du restaurateur : celui-ci ne justifie d’aucun grief puisque le procès-verbal du contrôle, mené exclusivement sur pièces et documents, ne s’appuie sur aucun élément testimonial qui aurait pu être dicté par l’émotion due à la présence d’une caméra.

La Cour de cassation censure cette décision. Il résulte des articles 11 précité et 28 du même Code que les agents ou les fonctionnaires auxquels les lois spéciales mentionnées à ce second article attribuent des pouvoirs de police judiciaire sont soumis au secret de l’enquête. La présence d’un tiers ayant obtenu d’une autorité publique l’autorisation de capter, par le son ou l’image, fût-ce dans le but d’informer le public, le déroulement des actes d’enquête auxquels procèdent ces agents ou ces fonctionnaires constitue une violation de ce secret. Une telle violation porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée.

A noter : Dans des décisions relativement récentes, la chambre criminelle de la Cour de cassation a jugé que l’exécution d’une perquisition en présence d’un tiers qui, ayant obtenu d’une autorité publique une autorisation à cette fin, en capte le déroulement par le son ou l’image porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne qu’elle concerne (Cass. crim. 10-1-2017 n° 16-84.740 FS-PBI : Bull. crim. n° 11 ; dans le même sens, Cass. crim. 9-1-2019 n° 17-84.026 FS-PBI : Bull. crim. n° 8). Cette jurisprudence devait-elle être étendue aux opérations conduites en présence d’une équipe de tournage de film par des agents de l’administration habilités à constater les infractions au Code de la consommation, comme les fraudes en matière alimentaire ?

L’article 11 du Code de procédure pénale pose le principe du secret de l’enquête et de la soumission de toute personne qui concourt à celle-ci au secret professionnel. L’article 28 du même Code est relatif aux fonctionnaires et agents des administrations et services publics qui exercent des « pouvoirs de police judiciaire » en fonction d’habilitations législatives spéciales (chasse, pêche, consommation, etc.). La chambre criminelle déduit de ces textes que ces agents, dès lors qu’ils constatent des infractions pénales, exercent des pouvoirs de police judiciaire, ce qui entraîne soumission au secret de l’enquête et, par voie de conséquence, interdiction qu’un tiers puisse filmer les opérations. Elle distingue ainsi implicitement ces pouvoirs de police judiciaire des simples contrôles administratifs, tels ceux prévus notamment par l’article L 512-1 du Code de la consommation, dont le juge pénal n’a, en principe, pas à connaître.

Cette solution, inédite, est d’une portée très large puisqu’elle a vocation à s’appliquer à tous les agents visés par l’article 28 précité. La première chambre civile de la Cour de cassation avait d’ailleurs ouvert la voie en ce sens pour les agents de la concurrence (Cass. 1e civ. 9-3-1999 n° 96-16.560 FS-PBR : RJDA 8-9/99 n° 1023).

Dominique LOYER-BOUEZ

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Concurrence consommation 2021 n° 68150


Cass. crim. 9-3-2021 n° 20-83.304 FS-PBI