Cabinet Philippe ALLIAUME

Avocat à la Cour d'appel de Paris

Covid-19 et loyers commerciaux : un juge du fond admet la perte du local loué

Contraint de fermer son magasin de prêt-à-porter en raison de la crise sanitaire, le locataire d’un local commercial suspend le paiement de ses loyers pour la période du 16 mars au 11 mai 2020. Il oppose à son bailleur deux arguments tirés du droit commun des contrats et du bail. 

1. En premier lieu, il invoque l’exception d’inexécution, le bailleur ayant, selon lui, manqué à son obligation de délivrance. 

Cet argument est écarté par le tribunal judiciaire de La Rochelle, statuant au fond : le manquement à l’obligation de délivrance est caractérisé lorsque le locataire ne peut plus, du fait du bailleur, jouir du local commercial ; le bailleur n’est pas tenu de garantir au locataire la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif dans lequel s’exerce son activité. En l’espèce, le bailleur n’avait pas mis obstacle à la jouissance des lieux, la situation étant imputable au fait du prince, entendu comme une décision de l’autorité publique ayant pour conséquence de porter atteinte à l’équilibre financier de situations contractuelles et qui, en matière civile, peut constituer un cas de force majeure.

Le bailleur pouvait ainsi se prévaloir du fait du prince constitutif de force majeure dès lors que les mesures de fermeture autoritaire des commerces avaient constitué pour lui un obstacle insurmontable à l’exécution de son obligation essentielle de délivrance. Le locataire pouvait, par ailleurs, parfaitement accéder à son local. 

2. Le juge fait droit, en revanche, à la demande du locataire de dispense du loyer fondée sur les dispositions suivant lesquelles la perte du local loué, à la suite d’un cas fortuit, peut entraîner la résolution du bail ou la diminution du loyer (C. civ. art. 1722). Il relève que la perte de la chose peut être assimilée à l’impossibilité d’user des locaux en raison d’un cas fortuit, que cette perte est établie lorsque le locataire est dans l’impossibilité de l’utiliser par suite de l’application d’une disposition légale intervenue en cours de bail et qu’elle peut être matérielle ou juridique.

L’article 1722 du Code civil peut s’appliquer en l’absence de détérioration matérielle dès lors que le locataire se trouve dans l’impossibilité de jouir de l’immeuble, d’en faire usage conformément à sa destination, du fait d’une décision administrative ordonnant la suspension de l’exploitation d’un commerce, la perte pouvant être partielle, lorsque la fermeture est temporaire. 

Par suite, le locataire ne devait aucun loyer au titre du premier confinement. 

A noter : 1. Plusieurs décisions rendues au fond ont déjà écarté la possibilité pour le locataire commercial d’invoquer un manquement du bailleur à son obligation de délivrance dans le contexte de la crise sanitaire (TJ Paris 25-2-2021 n° 18/02353 : BRDA 7/21 inf. 17 ; CA Grenoble 5-11-2020 n° 16/04533 : BRDA 23/20 inf. 19) ; et plusieurs décisions rendues en référé (notamment : TJ Paris réf. 26-10-2020 n° 20/53713 : BRDA 22/20 inf. 24). La décision commentée s’inscrit donc dans cette tendance.

La question reste néanmoins très débattue (J. D. Barbier, «?Loyers commerciaux en temps de pandémie, double peine et triple erreur?» : Dalloz actu du 10-3-2021 ; voir également nos observations sous TJ Paris réf. 26-10-2020 précité). 

2. C’est la première fois, à notre connaissance, qu’un juge se prononce au fond sur la question de l’application des dispositions de l’article 1722 du Code civil dans le contexte de la crise sanitaire. La même solution a déjà été retenue, notamment, par des juges de l’exécution (par exemple, TJ Paris JEX 20-1-2021 n° 20/80923 : BRDA 4/21 inf. 19). Elle ne fait néanmoins pas l’unanimité (TJ Strasbourg réf. 19-2-2021 n° 20/00552 : BRDA 7/21 inf. 24).

Maya VANDEVELDE

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial nos 5210 et 14800


TJ La Rochelle 23-3-2021 n° 20/024

La Suisse, pays de vacances des rois

La Suisse, pays à la très longue tradition démocratique, aime recevoir la visite de chefs d’État pas vraiment démocratiques et déroule le tapis rouge pour les membres de familles princières et royales. Les têtes couronnées affluent du monde entier: la reine Elisabeth II aujourd’hui, l’empereur Napoléon III et la reine Victoria naguère. Hans Erni a peint une fresque pour l’exposition nationale de 1939 qui servait tous les clichés de la Suisse, à savoir la lutte à la culotte, le yodle et la fabrication de fromage. Le titre était une promesse: La Suisse – Pays de vacances des peuples. Toutefois, la Suisse n’était et n’est pas abordable pour tous les peuples du monde: déjà les premiers touristes étaient scandalisés par les prix locaux. Voici donc une suggestion de correction pour le titre de cette œuvre: La Suisse – Pays de vacances des rois. On peut attribuer l’origine de cette tendance à la reine Victoria, dont le séjour en Suisse en 1868 avait déclenché une véritable vague…

La liberté d’expression: universelle, mais pas absolue

Consacrée en 1948 par la Déclaration universelle des droits de l’homme, la liberté d’expression est réprimée dans un nombre croissant de pays, alors que les démocraties représentatives débattent âprement de ses limites. L’analyse de la chercheuse Yanina Welp. La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies à Paris en 1948, stipule dans son article 19 que «tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considération de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit.» La liberté d’expression désigne donc la capacité d’un individu ou d’un groupe à exprimer ses croyances, ses pensées, ses idées et ses émotions sur différents sujets sans être soumis à la censure. Mais s’agit-il d’un droit absolu? Il est clair que non. Un exemple récent a été donné en…

Inégalités visibles et invisibles

Au cours des cinq dernières décennies, l’objectif de réduction de la pauvreté a pris le pas sur celui de la diminution des inégalités dans les pays du Sud. Trois décennies de politique néolibérale nous ont aussi rendus plus insensibles, notamment à certaines formes d’inégalités susceptibles de mettre des vies en péril. Le regain d’attention porté aux inégalités économiques et sociales dans le Nord est opportun et bienvenu. Dans le Sud, en revanche, la priorité reste de réduire la pauvreté, principalement par une croissance plus rapide, et ce malgré l’aggravation des inégalités de revenus et de richesses. L’intérêt porté à la diminution des inégalités dans le Sud a commencé à faiblir il y a un demi-siècle, sous l’influence des politiques d’aide occidentales. Celles-ci privilégient les besoins fondamentaux et la réduction de pauvreté aux mesures telles que les réformes foncières qui permettent à la fois de réduire la pauvreté et d’atténuer les inégalités rurales. Cette indifférence…

Pourquoi la pandémie place la science face à un dilemme

La pandémie de coronavirus a propulsé la science et la recherche au cœur de nos sociétés. Mais cette influence sans précédent sur la politique et la vie publique a un revers: la situation exceptionnelle exige des réponses rapides, remettant en question la crédibilité des scientifiques. «Depuis le début de la pandémie, on a assisté à un véritable tsunami de publications scientifiques relatives au Sars-CoV-2», relève Subhra Priyadarshini, rédactrice en chef de Nature India, qui a récemment participé à une discussion en ligne sur la communication scientifique, organisée par les Académies suisses des sciences. En 2020, 4% de toutes les publications scientifiques dans le monde étaient liées au coronavirus, comme le rapporte Nature. Les choses devaient aller vite, surtout au début de la pandémie. C’est pourquoi plus d’études que jamais ont été publiées sous forme de «Preprint», c’est-à-dire avant même d’avoir été examinées par des experts indépendants du domaine, ce que l’on appelle…

Après le quart monde, le quint monde

mais que fait Jean Ziegler ?

source : https://www.lenouvelliste.ch

Un quart des Suisses en difficulté financière

Plus d’un quart de la population suisse connaît des difficultés financières en lien avec la pandémie de Covid-19, selon une étude de l’OCDE. Parmi les 25 pays de l’OCDE examinés, la moyenne était de 31%. La plupart des personnes interrogées souhaiteraient davantage d’aide de l’Etat.

En échange, beaucoup sont prêts à payer plus d’impôts, a indiqué mercredi l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Pour sa deuxième étude sur les effets de la pandémie, l’organisation a sondé 25’000 personnes dans 25 de ses 37 pays membres.

Pas loin d’un répondant sur deux (44,3%) a déclaré que lui ou un membre de son foyer avait subi un arrêt de travail pendant la pandémie. En Suisse, le chiffre est un peu plus haut avec une moyenne de 46,7%.

Selon la définition de l’étude, « arrêt » comprend la perte d’un emploi, un licenciement, l’entrée dans un programme d’occupation, le chômage partiel ou les réductions de salaire. Ainsi 11,8% de tous les répondants ont vu un membre de leur ménage perdre un emploi (Suisse: 11%).

La situation financière des ménages s’est donc péjorée. Alors qu’un ménage helvétique sur quatre (25,4%) a été confronté à ce genre de problème en Suisse, ils étaient 66,1% au Mexique et 61,2% en Turquie. Pour faire face à cette situation, 14,5% des personnes interrogées vivant en Suisse ont eu recours à leur épargne et à d’autres réserves.

Certaines d’entre elles ont été incapables de faire face aux dépenses habituelles (6,8%). D’autres ont reçu de l’aide de la famille ou d’amis (7%), se sont endettées (3,5%), se sont tournés vers des organisations caritatives (3%) et ont eu faim (3,2%).

Chômage des jeunes

La crise économique provoquée par le coronavirus s’est également traduite par une augmentation du chômage des jeunes. Selon les registres de la Confédération, 7,3% des 15-24 ans étaient au chômage au troisième trimestre 2020. La moyenne des 35 pays de l’OCDE a atteint 13,6%. L’Italie a été plus durement touchée que la moyenne avec 30,9%.

Les pays examinés dans l’enquête sont les suivants: Allemagne, Autriche, Belgique, Canada, Chili, Corée, Danemark, Espagne, Estonie, Etats-Unis, Finlande, France, Grèce, Irlande, Israël, Italie, Lituanie, Mexique, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Slovénie, Suisse et Turquie.

La Suisse craint un taux d’imposition minimum mondial sur les sociétés

Un taux d’imposition mondial minimum sur les entreprises, actuellement en discussion, pourrait menacer l’attractivité de la Suisse pour les multinationales. Les États-Unis estiment qu’aucun pays ne devrait taxer les entreprises à moins de 21%, et leur proposition a redonné de l’élan aux discussions autour d’un seuil minimal d’imposition sur les sociétés au niveau mondial. Actuellement dans les cantons suisses, le taux moyen d’imposition des entreprises se situe autour de 15%, selon le cabinet KPMG. «Je peux imaginer qu’un taux d’imposition de 21% dissuaderait les investissements étrangers en Suisse», a déclaré à SWI swissinfo.ch Frank Marty, expert fiscal à economiesuisse, la Fédération des entreprises helvétiques. «La Suisse est une petite nation avec peu de ressources naturelles et aucun accès à l’océan. Les petits pays devraient avoir le droit d’utiliser les atouts dont ils disposent – et la fiscalité est fondamentale.» L’idée de fixer un seuil mondial minimal d’imposition sur…