Cabinet Philippe ALLIAUME

Avocat à la Cour d'appel de Paris

Une enquête secrète sur des faits de harcèlement n’est pas un mode de preuve déloyal

L’enquête menée par une entreprise externe à la demande d’un employeur, à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement par les délégués du personnel, sans en informer préalablement l’auteur, n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4. Une telle enquête n’est donc pas contraire au principe de loyauté de la preuve et peut venir appuyer un licenciement pour faute grave.

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La tierce opposition a pour objet de réformer ou de rétracter un jugement sans créer un nouveau litige

L’effet dévolutif limité de la tierce opposition, voie extraordinaire de recours qui tend à rétracter ou réformer un jugement d’un chef de son dispositif, ne permet pas d’instaurer un nouveau litige devant la juridiction saisie. En conséquence, les conclusions ne contenant pas une demande de réformation ou de rétractation de la décision ne permet pas d’accueillir la tierce opposition.

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Responsabilité pénale du maître d’ouvrage : pas de délit de blessures involontaires l’absence d’obligation particulière de sécurité ou de prudence

Les dispositions de l’article R. 238-18 du code du travail, désormais reprises par les articles R. 4532-11 et suivants du même code, précisent les missions du coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé lors des opérations de bâtiment et de génie civil. Ce texte énonce que ces missions sont exercées sous la responsabilité du maître d’ouvrage sans édicter une obligation particulière de sécurité ou de prudence à la charge de ce dernier.

Le maître d’ouvrage ne peut donc pas être déclaré coupable du délit de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou égale à trois mois, au sens de l’article 222-20 du code pénal, pour n’avoir pas vérifié la transmission par le coordonnateur des règles de sécurité définies dans le plan général de coordination à l’ensemble des entreprises intervenantes.

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« Data Governance Act » : avis conjoint du Contrôleur et du Comité européens de la protection des données

Les deux instances invitent le législateur européen à veiller à ce que le futur règlement soit pleinement conforme à la législation de l’Union européenne en matière de protection des données à caractère personnel, pour favoriser la confiance dans l’économie numérique et assurer le respect du niveau de protection des données prévu par le droit de l’Union, sous la supervision des autorités de contrôle des États membres.

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Licenciement nul : quelle indemnité en cas de demande de réintégration abusivement tardive ?

Le salarié réintégré a droit à une indemnité d’éviction…

Selon une jurisprudence aujourd’hui bien établie, le salarié réintégré à la suite de l’annulation de son licenciement a droit au versement d’une indemnité d’éviction dont le montant correspond à la réparation de la totalité du préjudice subi entre son licenciement et son retour dans l’entreprise, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (Cass. soc. 25-1-2006 n° 03-47.517 F-P : RJS 4/06 n° 417 ; Cass. soc. 16-10-2019 n° 17-31.624 FS-PB : RJS 1/20 n° 15). En sont ainsi déduits les revenus d’activité ou de remplacement perçus le cas échéant pendant cette période (Cass. soc. 26-4-2006 n° 04-42.681 F-D : RJS 7/06 n° 828 ; Cass. soc. 14-2-2018 n° 16-22.360 F-D : RJS 5/18 n° 325), sauf, toutefois, en cas de violation d’une liberté fondamentale constitutionnellement garantie (par exemple, Cass. soc. 2-2-2006 n° 03-47.481 FS-PBRI : RJS 4/06 n° 488 pour un licenciement prononcé en raison de l’exercice du droit de grève ; Cass. soc. 21-11-2018 n° 17-11.122 FS-PB : RJS 2/19 n° 90 pour un licenciement prononcé en réaction à l’action en justice du salarié ; Cass. soc. 11-7-2012 n° 10-15.905 FS-PB : RJS 10/12 n° 785 pour un licenciement discriminatoire fondé sur l’état de santé).

… réduite en cas de demande de réintégration tardive

En l’espèce, le salarié avait été licencié le 27 juillet 2011 pour perte de confiance quelques jours après avoir sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Appelée à se prononcer sur la  légitimité de ce licenciement, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel ayant retenu l’existence d’une cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 19-11-2014 n° 13-22.048 F-D). C’est devant la cour d’appel de renvoi que l’intéressé a, le 14 mars 2016, présenté, pour la première fois, une demande en nullité de son licenciement sur le fondement de la violation de sa liberté d’expression, dont il a été débouté. Cette décision a également été censurée par la chambre sociale qui, estimant que la nullité était encourue, a renvoyé à la cour d’appel de Paris le soin de déterminer notamment l’indemnisation du salarié (Cass. soc. 30-11-2017 n° 16-21.249 F-D). Celle-ci a ainsi condamné l’employeur à verser au salarié plus d’un million d’euros au titre de l’indemnité due pour nullité du licenciement pour la période du 28 octobre 2011, date de fin du préavis, au 28 novembre 2018, date de la réintégration. C’est cet arrêt qui est ici cassé au motif que les juges du fond n’ont pas examiné le moyen de l’employeur qui soutenait que le salarié avait présenté, de façon abusive, sa demande de réintégration tardivement. 

En effet, la Haute Cour juge ici que le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement n’a droit, au titre de la nullité de son licenciement, qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de sa demande de réintégration à celui de sa réintégration effective.

Ainsi, en cas de demande tardive de la réintégration, l’indemnisation du salarié n’est pas systématiquement réduite : elle ne peut l’être que si ce retard est abusif. En l’espèce, il reviendra à la cour d’appel de renvoi de se prononcer sur le caractère abusif ou non de la demande présentée après plus de 4 années de procédure.

A noter : La solution ici retenue pour l’indemnité due pour nullité du licenciement peut être rapprochée de celle dégagée à propos de l’indemnité accordée en cas de violation du statut protecteur des représentants du personnel, même si ces indemnités ne sont pas de même nature. Il a en effet été jugé de même que le salarié protégé licencié sans autorisation administrative ou malgré un refus d’autorisation qui tarde abusivement à demander sa réintégration n’a droit qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de sa demande à celui de sa réintégration effective (Cass. soc. 7-11-2018 n° 17-14.716 FS-PB : RJS 1/19 n° 38).

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Cass. soc. 13-1-2021 n° 19-14.050 FS-PI

Action en responsabilité contre un commissaire aux comptes : juge territorialement compétent 

Le liquidateur d’une société agit en responsabilité extracontractuelle contre le commissaire aux comptes de la société, estimant qu’il a commis des manquements dans l’exercice de son mandat en s’abstenant de révéler des faits délictueux au procureur de la République et de mettre en oeuvre la procédure d’alerte auprès du président du tribunal de commerce. Pour ce faire, il saisit le tribunal de grande instance de Lyon (devenu tribunal judiciaire de Lyon), ville où la société a son siège social et où le dommage a été subi (CPC art. 46).

Le commissaire aux comptes soulève l’incompétence de la juridiction saisie, estimant que c’est le tribunal de Clermont-Ferrand qui aurait dû être saisi car la société de commissaires aux comptes y est domiciliée et le commissaire aux comptes y a mené sa mission, de sorte que c’est là que la faute a été commise et donc que le dommage a été subi.

La Cour de cassation rejette cet argument : si le lieu où a été commis le manquement du commissaire aux comptes est celui de son domicile professionnel ou du siège de sa société, le lieu où le dommage a été subi est celui du siège de la société contrôlée, ce dont il résultait que le tribunal de Lyon était territorialement compétent pour connaître de l’action en responsabilité dirigée contre le commissaire aux comptes.

A noter La juridiction compétente est en principe celle du domicile du défendeur (CPC art. 42). Toutefois, en matière extracontractuelle, l’article 46 du Code de procédure civile permet au demandeur de saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi. En l’espèce, le tribunal de Clermont-Ferrand était compétent en tant que juridiction dans le ressort de laquelle le défendeur était domicilié et le fait dommageable commis, mais le tribunal de Lyon l’était également en tant que juridiction dans le ressort de laquelle le dommage avait été subi.

Il a déjà été jugé que le lieu où le dommage a été subi est celui où est né le préjudice (Cass. 2e civ. 28-2-1990 no 88-11.320 : Bull. civ. II n° 46).

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales n° 4252, 78157 et 78165


Cass. com. 10-2-2021 n° 18-26.704 F-P