Cabinet Philippe ALLIAUME

Avocat à la Cour d'appel de Paris

Covid-19 : les difficultés organisationnelles sont insuffisantes pour imposer des jours de repos

Par une note de service, une entreprise a imposé, lors du premier confinement, à ses salariés à domicile dont l’activité principale ne peut pas être exercée en télétravail de manière prolongée, la prise de 10 jours de RTT mais également, pour les salariés ne disposant pas de jours de RTT ou plus suffisamment pour l’exercice en cours, la prise de jours épargnés sur leur compte épargne-temps.

L’employeur peut imposer des jours de repos en cas de difficultés économiques

Pour faire face à l’épidémie de Covid-19, l’ordonnance 2020-323 du 25 mars 2020 prévoit en effet la possibilité pour l’employeur d’imposer la prise de congés payés et de jours de repos à certaines conditions.

Les articles 2 à 5 de ladite l’ordonnance autorisent notamment l’employeur à imposer la prise, à des dates déterminées par lui, de jours de repos ou de RTT normalement au choix du salarié acquis par ce dernier ou à modifier unilatéralement les dates de prise de ces jours. L’employeur peut également imposer l’utilisation des droits affectés sur le compte épargne-temps du salarié par la prise de jours de repos, dont il détermine les dates.

Toutefois, le législateur impose à l’employeur plusieurs conditions :

– l’intérêt de l’entreprise doit le justifier eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation de la Covid-19 ;- un délai de prévenance d’au moins un jour franc doit être respecté ;- le nombre total de jours de repos dont l’employeur peut imposer au salarié la prise ou dont il peut modifier la date ne peut pas être supérieur à 10 ;- la période de prise de repos imposée ou modifiée ne peut pas s’étendre au-delà du 31 décembre 2020 ;- le comité social et économique doit être informé sans délai et par tout moyen.

L’entreprise qui adapte son organisation ne justifie pas de difficultés économiques

Un syndicat de l’entreprise conteste en référé l’imposition ainsi faite aux salariés de la prise de ces congés. Il fait valoir qu’une telle mesure est limitée aux entreprises subissant des difficultés économiques liées à la propagation de la Covid-19 et souligne que l’entreprise a, lors de son assemblée générale de l’année 2020, décidé pour la 26e année consécutive de verser 3,95 milliards de dollars de bénéfices à ses actionnaires.

L’entreprise indique de son côté qu’elle pouvait prendre des mesures afin de répondre aux difficultés économiques rencontrées en raison de circonstances exceptionnelles. Elle a dû :

adapter son organisation face à une augmentation inattendue de l’absentéisme tenant au fait qu’une partie de ses collaborateurs se trouvaient à leur domicile sans pouvoir exercer leur activité en télétravail ;- aménager les espaces de travail et adapter le taux d’occupation des locaux en raison des conditions sanitaires.

La cour d’appel de Paris, confirmant l’appréciation du premier juge, relève que c’est à l’entreprise d’apporter la contradiction de l’existence d’un trouble manifestement illicite à la partie qui la soulève, s’agissant de dispositions exceptionnelles, dérogatoires au droit du travail.
Elle rappelle également que l’ordonnance 2020-323 du 25 mars 2020 prévoit expressément et clairement que la prise des mesures dérogatoires ne peut intervenir que lorsque l’intérêt de l’entreprise le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation de la Covid-19.
Il appartient donc à l’entreprise de rapporter la preuve des difficultés économiques liées à la propagation de la Covid-19, ce qu’elle ne fait pas, les mesures d’adaptation dont elle se prévaut ne les caractérisant pas. La cour d’appel conclut, en conséquence, à l’existence d’un trouble manifestement illicite concernant les mesures prises par l’employeur par note de service en l’absence de justification de difficultés économiques liées à la prorogation de l’épidémie.

La cour d’appel de Paris refuse toutefois de recréditer les jours de RTT illégalement imposés ou prélevés sur le compte épargne-temps des salariés concernés. Pour elle, il s’agit de mesures individuelles qui ne relèvent pas de la défense de l’intérêt collectif de la profession mais, le cas échéant, de la seule compétence d’attribution de la juridiction prud’homale.

A noter : Pour la cour d’appel de Paris, les simples difficultés d’organisation et l’absentéisme de certains collaborateurs ne suffisent donc pas à caractériser l’existence de difficultés économiques. L’entreprise doit faire face à de réelles difficultés de trésorerie pour pouvoir prétendre à l’application des dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020 et imposer à ses salariés la prise de jours de repos ou de RTT.

On peut s’interroger sur la conformité de l’ordonnance 2020-323 du 25 mars 2020 à la loi d’habilitation du 23 mars 2020. Cette dernière autorise l’employeur à imposer de façon limitée la prise de jours de repos pour faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie mais n’exige pas expressément de « difficultés économiques » comme l’exige l’ordonnance. Le contentieux sur les mesures exceptionnelles liées à la propagation de la Covid-19 ne semble pas terminé et le juge administratif pourrait être saisi de la question, notamment si le juge judiciaire sursoit à statuer dans l’attente de son interprétation. Une situation qui pourrait intervenir prochainement, le présent arrêt ayant fait l’objet d’un pourvoi en cassation.

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CA Paris 1-4-2021 n° 20/12215

Le certificat Covid au cœur du débat

Le peuple suisse se prononcera sur la Loi Covid lors des votations fédérales du 28 novembre. À un mois exactement de scrutin, SWI swissinfo.ch vous donne l’occasion de débattre en ligne de ce sujet sensible et controversé. N’hésitez pas à y participer, que ce soit pour vous informer ou faire attendre vos arguments. SWI swissinfo.ch organise ce débat spécialement à l’intention de la communauté des Suisses de l’étranger. Ce débat, qui porte notamment sur la délicate question de l’obligation de présenter un certificat Covid, s’annonce d’ores et déjà sensible. Nous discuterons de cette question avec deux membres du Parlement représentant les deux camps en présence et replacerons ce débat dans une perspective internationale. Parmi les questions qui seront abordées: La Suisse est-elle divisée? Quelle est la qualité de la réponse suisse à pandémie? Quel rôle le certificat Covid joue-t-il dans ce contexte? Réservez donc un peu de temps pour ce rendez-vous qui aura lieu le Mercredi 27…

Dixième anniversaire de la Convention d’Istanbul – 11 mai 2021

Voilà les quatre axes qui orientent la Convention d’Istanbul, qui fête aujourd’hui ses dix ans. 

Signée en 2011 par le Conseil de l’Europe, ratifiée en 2014 par la France, elle vise à protéger les victimes et à améliorer la prévention et la lutte contre ces violences dans l’objectif plus large de parvenir à l’égalité femmes-hommes. 

C’est l’instrument juridique international le plus ambitieux visant à établir des obligations contraignantes pour prévenir et combattre la violence à l’égard des femmes. Trente-quatre Etats membres du Conseil de l’Europe l’ont ratifiée, douze l’ont signée – y compris l’Union européenne – et la convention est utilisée comme une référence dans de nombreux pays hors d’Europe.

La Convention d’Istanbul reconnaît la violence à l’égard des femmes comme une violation des droits humains et une forme de discrimination à l’égard des femmes. Basée sur une approche centrée sur les victimes, elle propose des outils pratiques pour assurer la protection des femmes et des filles, leur sécurité et leur autonomisation. Elle intègre tous ces objectifs dans celui plus large de parvenir à l’égalité entre les femmes et les hommes. 

Au cours des 10 dernières années, la convention a aidé de nombreux États à faire progresser leur législation et leurs politiques afin de prévenir et de combattre efficacement la violence à l’égard des femmes. 

Rester unis pour combattre sans relâche les violences faites aux femmes en Europe, et s’engager pour une amélioration des politiques publiques sur ce sujet, voilà un des objectifs-phares de cette Convention, que poursuit également la France. 

Le gouvernement français s’est fortement impliqué à cette fin, à l’occasion du Grenelle des violences conjugales qui a donné lieu à deux lois et à d’importantes mesures, comme la mise en place des bracelets anti-rapprochement à destination des mis en cause. L’instauration de l’interdiction de toute forme de médiation- familiale ou pénale- en cas de violence s’inscrit particulièrement dans l’esprit de la Convention d’Istanbul. Le ministère de la justice prend toute sa part dans cette lutte incessante. L’ensemble des nouvelles dispositions fait l’objet d’un accompagnement et d’un suivi, tant dans le cadre du groupe de travail interdirectionnel et pluridisciplinaire piloté par la haute-fonctionnaire, Isabelle Rome, que dans celui du conseil national de l’ordonnance de protection présidé par Ernestine Ronai.

Continuer à œuvrer au quotidien pour améliorer les pratiques et développer des outils performants en matière de lutte contre ces violences demeure un impératif constant. Les actualités ne cessent de nous rappeler l’urgence et l’importance de ce grand combat pour la dignité et pour la justice.  

La Convention d’Istanbul en constitue l’un des repères les plus significatifs pour tous les acteurs engagés autour de cette cause.

Télécharger les affiches

 

Pour en savoir plus :

https://www.coe.int/fr/web/istanbul-convention/home

https://www.coe.int/fr/web/istanbul-convention/text-of-the-convention

 

 

 

 

Un couple de Suisses brutalement plongé dans la dictature en Birmanie

Ils voulaient, comme coopérants, accompagner un pays au seuil de la démocratie. Au lieu de quoi Peter Schmidt et sa femme Käthi Hüssy ont vu la junte militaire reprendre le pouvoir. Lorsque Peter Schmidt et son épouse Käthi Hüssy se sont installés au Myanmar (Birmanie) en 2017, ils s’attendaient à trouver le pays dans un moment de son histoire certes fragile, mais passionnant: malgré tous les problèmes, la transition vers la démocratie semblait relativement bien engagée, compte tenu du fait que le pays avait près d’un demi-siècle de régime militaire derrière lui. Une société civile était en train d’émerger, le Myanmar s’ouvrait aux investissements et au tourisme, il n’était plus considéré comme un État paria. Mais ces derniers mois, le couple a entendu des coups de feu depuis son appartement de Rangoun, surtout la nuit. Le 1er février, l’armée a repris le pouvoir par la force en invoquant des motifs peu convaincants et, depuis, elle a violemment réprimé toutes les protestations.