Retour vers le futur …. Une audience au commerce en 2025
2025 …. Il s’en est passé des choses … mais on les a vite oubliées. Cela fait déjà 8 ans que Madame Taubira est dictateur à vie de la Guyane devenue indépendante en 2017, et Emmanuel Macron en est à son 16ième refus de liberté conditionnelle, la Cour des comptes n’ayant pas encore fini de rétablir la vérité des comptes de l’année 2016.
Mais au tribunal de commerce, cela fait longtemps que tout ce qui était papier a été brûlé dans un gigantesque autodafé. Tout, absolument tout. Les dossiers, les conclusions, et même les vieux codes de procédure civile qui n’étaient même pas déballés. En fait, ils servaient à caler les estrades mais comme chaque année ils prenaient quelques pages de jurisprudence, les estrades devenaient bancales.
Dans la salle des pas perdus, des avocats hagards campent depuis le milieu de la nuit devant l’entrée de la salle d’audience. Eh oui, il n’y a plus de rôle mais seulement un écran qui défile les affaires à toute vitesse. Il est bien sûr strictement impossible de lire et noter plus qu’une ou deux affaires à la fois, ce qui oblige les avocats, qui ont échangé la robe contre un sac de couchage, à passer la nuit devant l’écran en espérant enfin que leur affaire apparaisse. Les crises de nerfs sont nombreuses, car le système d’affichage bugge et repart au départ sans préavis. Imaginez ce qu’il en est quand vous avez patienté plus d’une heure en surveillant 200 affaires, que vous espérez que vos affaires, au rang 207 et suivant vont enfin s’afficher et que paf, c’est à ce moment là que l’écran tombe en panne.
Mais l’heure de l’audience approche … alors un employé d’un prestataire de service passe rapidement essuyer avec un chiffon en peau de chat, survivance d’une ancienne tradition, les crachats qui décorent l’écran, signe de l’épuisement des avocats qui le contemplent depuis 12 heures.
La sonnette retentit sur les téléphones 8G des avocats et chacun à son tour tente d’ouvrir la porte de la salle d’audience en présentant au scanner de sécurité son œil, son doigt ou … non, quand même … L’habitude de faire postuler les dossiers par des non-avocats n’a pas disparu, mais du coup, les clercs ont, grâce au scanner, trouvé le moyen de contourner le système. Chacun est muni de l’un des doigts sanguinolents de son patron, qu’il présente au scanner pour ouvrir. Une motion est d’ailleurs en cours au niveau du barreau car cela limite à 10 le nombre de clercs de chaque avocat, raison pour laquelle ils demandent à pouvoir enregistrer aussi les empreintes de leurs doigts de pied pour démultiplier le nombre. Bête comme ses pieds a une nouvelle signification.
En file indienne, les avocats vont s’asseoir à la place qui leur est désignée par l’écran de contrôle. Aujourd’hui, ils sont tous assignés au dernier rang. Non, ce ne sont pas des cancres collés au radiateur, mais il y a encore un bug dans le système de placement qui considère que chacun de ceux qui ont postulé au moins une fois dans chaque dossier sont réputés présents. Du coup, les 22 premiers rangs sont réservés à des avocats qui ont cessé depuis longtemps de se présenter et les survivants se tassent au fond.
L’appel des causes commence. L’huissier ne lit plus les noms des parties, mais agite au dessus de sa tête le code barre de chaque affaire. Evidemment les avocats ne voient rien, comme ils sont au fond de la salle, et se repassent tous une paire de jumelles pour essayer de lire le code barre. En vain, il est faux, ce qui est la vraie raison de les cantonner au fond, mais chut ..
Le greffe s’énerve un peu et demande aux avocats de s’avancer cinq par cinq. Malgré leur protestations, le greffe leur explique que la nouvelle application e-audience est prévue pour qu’il y ait exactement cinq avocats par affaires, ni plus ni moins. A ceux qui protestent qu’ils ne sont pas dans l’affaire, est répondu qu’on s’en fout, l’avocat étant dispensé de pouvoir, le greffe n’est pas non plus tenu de vérifier que l’avocat est bien mandaté dans l’affaire. Non mais sans blague. La notion de demandeur et de défendeur a été abrogée depuis longtemps. On parle de numéro 1, numéro 2, numéro 3, numéro 4, numéro 5.
Aucun échange de conclusions à la barre, depuis longtemps le RPVTC a pris le dessus. La vérification du bon échange de conclusions est remplacé par un jeu en ligne où les avocats doivent appuyer assez vite sur la manette pour dégommer le maximum de cibles en un minimum de temps. Cela fait maintenant cinq ans que le CAPA a été remplacé par un M2 de jeux vidéo sur ordinateur, compte tenu de l’évolution de la technologie. Cela a aussi permis de rééquilibrer la province et Paris, puisque les avocats peuvent rester devant leur télévision à domicile.
Toute la profession s’extasie sur la dextérité de Maître AVigdor COlombus, qui bat tous ses confrères de plusieurs milliers de points. Il nous a avoué, en off, qu’il s’entraîne sur la version kalachnikov du jeu d’adresse, qu’il a pu facilement pirater, compte tenu des nombreux trous du système e-audience, et sur laquelle un de ses amis a remplacé le portrait de Rambo par celui du greffier qui a inventé e-audience. Ah ben bien sûr. Avec une pareille motivation cela frise la triche.
Toutefois, suite à une remarque de l’inspection générale, les avocats ne sont pas dispensés de remettre un paquet de feuilles papier intitulé conclusions. Le Greffe a décidé que pour gagner du temps, ce paquet devrait faire exactement 7 feuilles pas une de plus pas une de moins. Comme cela fait longtemps que ni les avocats ni les juges ne lisent plus les conclusions, ce paquet est constitué de feuilles vierges, mais pour distinguer les conclusions de chaque avocat, chacun s’est vu attribuer une couleur différente. On reconnaît d’ailleurs les jeunes avocats qui ne savent pas qu’on peut acheter le papier de couleur au temps qu’ils passent à peindre des papiers blancs avec des stabylos, habitude prise à la fac.
Le greffier est muni d’un scanner hyper moderne. Comme le scanner standard était trop lent et que l’absence chronique de sécurité avait fini par provoquer la fuite de dossiers, le scanner a été remplacé depuis 3 ans par un broyeur d’archives qui déglutit rapidement les conclusions et en fait des copeaux qui sont stockés dans les caisses d’archives. C’est d’ailleurs à cause de cette réforme que le costume des avocats a perdu sa bavette, il y avait eu trop d’accidents d’avocates penchées sur le broyeur et dont la cravate s’était coincée dans le mécanisme, provoquant leur hachage rapide.
Ce qui prend encore pas mal de temps, c’est la gestion des renvois. Le renvoi n’est plus à date choisie, mais est optimisé par e-audience. C’est donc une sorte de loto où les avocats attendent inquiets que le greffier leur annonce le verdict de la machine. Et c’est encore un morceau de l’application un peu buggée. Régulièrement, au lieu d’afficher une date, le pc du greffier se bloque, ce qui l’oblige à le rebooter. Et comme le système ne fait pas de sauvegarde, à chaque reboot, le commis greffier doit ressaisir les dates à partir de la première affaire. Du coup, il demande à l’huissier de rappeler la première affaire et on recommence ….. Les tribunaux de la couronne s’arrachent les meilleurs commis qui arrivent à saisir parfois jusqu’à cinquante affaires avant que tout ne plante et ne doive être recommencé. Pour les juniors, on leur demande à l’examen de saisir une seule affaire, et on constate qu’environ 2 sur 3 échouent.
Evidemment cela fait longtemps qu’il n’y a plus de juges sur le siège.
Au début on les a remplacés par un système expert heuristique. Mais ça n’a pas marché longtemps …. Evidemment le système expert apprenait au fur et à mesure et a fini par rendre les jugements de plus en plus vite et de plus en plus courts. D’ailleurs à la fin, les jugements étaient quasiment tous sous la forme G. F…. et personne ne savait les exécuter. Jusqu’au moment où on est tombé sur un huissier parlant anglais, qui a prétendu comprendre le sens, mais qui a tellement ri qu’il n’a jamais pu exécuter.
Mais une fois que e-audience a été généralisé, on a pu se dispenser des jugements. Le système est devenu tellement long que l’ensemble des sociétés finissent en liquidation avant d’être jugées, et on a donc, dans une version simplifiée du CPC, décidé de déclarer gagnant le dernier avocat encore debout à la fin de l’audience de mise en état quand tous ses confrères ont été évacués pour crise de nerf.
C’est à cause de cela que maintenant on demande aux avocats qui entrent en audience non seulement de laisser leur carte de crédit, le greffe ayant une nouvelle application pour débiter les dépens en temps réel, mais aussi leur carte vitale pour pouvoir les hospitaliser plus vite.
Quant à la procédure, le principal est sauf ….. la procédure est toujours Oh râle Oh désespoir .. même si d’aucuns avaient craint qu’elle ne devienne prescrite par un an, mais avec une double dose de haine.
C’est bien ce que disaient les avocats avant-gardistes quand on leur en parlait en 2015. E audience, on va l’avoir en prescription …