Lancé début avril 2023, le tour de France du travail pénitentiaire se poursuit. Le 26 mai 2023, Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, s’est rendu au centre pénitentiaire de Poitiers – Vivonne où les personnes détenues travaillent notamment pour une entreprise adaptée.
Éric Dupond-Moretti s’est rendu aux ateliers travail en détention – réinsertion des détenus au milieu professionnel du centre pénitentiaire de Poitiers-Vivonne. Crédit image : Joachim Bertrand/ministère de la Justice
« Mon action en matière pénale et pénitentiaire est guidée par une idée fixe : faire du temps de la peine un temps utile, redonner sens et efficacité à la sanction, déclarait le ministre de la Justice lors du lancement du « tour de France du travail pénitentiaire », le 4 avril 2023. L’objectif que je poursuis est clair : au moins 50 % des personnes détenues doivent avoir une activité professionnelle rémunérée. Il s’agit là d’une véritable gageure. »
Dans ce contexte la formation et l’accompagnement représentent des enjeux majeurs pour l’ensemble des acteurs impliqués dans le travail en détention : l’entreprise, l’établissement pénitentiaire, le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), la région.
Poitiers – Vivonne : la deuxième étape du tour
Le 26 mai 2023, Éric Dupond-Moretti s’est rendu au centre pénitentiaire de Poitiers – Vivonne. Le ministre de la Justice a rappelé la mise en œuvre de plusieurs mesures favorables au travail pénitentiaire :
une importante réforme législative et réglementaire pour mieux réinsérer les personnes détenues et donc limiter la récidive,un élargissement des conditions d’accès au travail en détention pour s’adapter à tous les publics, y compris les plus éloignés de l’emploi,une mobilisation intense des entreprises.
La table ronde a réuni plusieurs dirigeants d’entreprises ou de structures implantées en milieu carcéral :
Clément Chabasse, dirigeant de l’entreprise adaptée Avo-Carbon (Poitiers-Vivonne),Coralie Morel, présidente de la structure d’insertion par l’activité économique Icycle (Saint-Martin-de-Ré),Olivier Froger, directeur général de GEPSA (Poitiers-Vivonne, Neuvic et Mont-de-Marsan), Jérôme Monet, dirigeant de l’entreprise Polyfaçon (Angoulême et Bédenac).
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Un prestataire de gestion déléguée et une entreprise adaptée à Poitiers – Vivonne
En mars 2023, le centre pénitentiaire de Poitiers – Vivonne accueillait :
398 personnes détenues dans sa partie quartier maison d’arrêt (QMA) soit un taux d’occupation de 130 %,259 personnes détenue dans sa partie quartier centre de détention (QCD) soit un taux d’occupation de 96 %.
27,55 % de la population détenue, soit 181 personnes, travaille dans cet établissement. 120 personnes détenues travaillent en tant qu’auxiliaires au service général. Réparties par niveau de qualification ou de compétences, elles entretiennent les locaux ou contribuent au fonctionnement de la vie en détention (cuisine, buanderie, cantine, etc…).
Par ailleurs, 61 personnes détenues travaillent en tant qu’opérateurs en production. Cette fois, il s’agit d’une activité professionnelle dans les ateliers pénitentiaires, pour un donneur d’ordre, qui est soit une entreprise concessionnaire, une entreprise délégataire (titulaire d’un marché de gestion déléguée), l’ATIGIP (service de l’emploi pénitentiaire – SEP), une structure d’insertion par l’activité économique (SIAE), ou encore une entreprise adaptée.
La rémunération horaire moyenne est de 5,15 € en production, et de 2,54 € au service général.En effet, le coût du travail réalisé en prison est moins onéreux (45 % du SMIC) pour les entreprises car les contraintes du milieu carcéral impactent la productivité (le temps de déchargement par exemple).
Au centre pénitentiaire de Poitiers – Vivonne, le travail en production est réalisé pour GEPSA, un prestataire de gestion déléguée et une entreprise adaptée, Avo Cabron.
GEPSA propose :
une activité de traitement de documents dans le domaine du support à l’entreprise,une activité industrielle de cuir et textile, une activité industrielle de préparation et conditionnement.
Pour sa part, l’entreprise adaptée Avo Cabron est responsable d’une activité de fabrication et d’usinage de balais moteurs pour l’automobile. À l’extérieur, l’entreprise est spécialisée dans la production de pièces automobiles en carbone et en graphite. L’activité exercée en détention s’articule avec celle qui est pratiquée à l’extérieur.
Avo Carbon est implantée au centre pénitentiaire de Poitiers – Vivonne dans un atelier de 120 m2, depuis le 1er octobre 2022. Les personnes détenues y effectuent les tâches suivantes :
assemblage des pièces,tri des pièces,contrôle qualité des balais moteurs.
« Grâce à vous, un public qui présente de réelles fragilités retrouve espoir et la possibilité d’une intégration sans délinquance dans la société », a commenté le garde des Sceaux en inaugurant l’atelier de l’entreprise adaptée.
Développer l’implantation d’entreprises adaptées en détention
Le ministère de la Justice souhaite développer l’implantation d’entreprises adaptées en détention pour permettre aux personnes en situation de handicap d’accéder au travail pénitentiaire.
D’une façon générale, le travail en détention nécessite d’accompagner et de former les personnes détenues. En effet, ces dernières ont souvent un niveau de qualification peu élevé à leur entrée en détention.
Dans le cas de l’entreprise adaptée Avo Carbon, un véritable travail collaboratif a été effectué par l’établissement pénitentiaire, le SPIP et l’unité sanitaire pour identifier les personnes éligibles au dispositif. En effet, Avo Carbon fait travailler six (et bientôt dix) personnes détenues en situation de handicap.
Un partenariat avec la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) de la Vienne et CAP-Emploi 86 a été engagé pour faciliter l’instruction des demandes de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) pour les personnes identifiées par le centre.
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Accompagner et former pour préparer à la sortie de détention
Au début du parcours en entreprise adaptée, la personne détenue bénéficie d’une période de mise en situation en milieu professionnel et d’une formation aux savoir-être en entreprise. L’ensemble des compétences (acquises et à acquérir) est consigné dans un livret de compétences. Une fois par trimestre, l’entreprise évalue le travail de la personne détenue et adapte si besoin la suite du parcours, jusqu’à la sortie de détention.
Le projet professionnel et la préparation à la transition dedans/dehors sont des enjeux majeurs de l’accompagnement. Six mois avant leur sortie, les personnes détenues reçoivent un accompagnement renforcé de CAP-Emploi 86.
Par ailleurs, Avo Carbon a noué des partenariats avec d’autres entreprises adaptées du département et avec le club des entreprises inclusives de la Vienne pour proposer aux personnes suivies une continuité de parcours en milieu libre.
En recourant au travail en prison, les entreprises contribuent à lutter contre la récidive et s’engagent en faveur d’une société plus sereine.
Une personne détenue qui travaille en prison a toutes les chances de se réinsérer à l’issue de l’exécution de sa peine.
Faciliter et accompagner l’implantation des entreprises en détention
Aujourd’hui, 314 entreprises engagées pour la réinsertion font appel à des travailleurs détenus.
Pour faciliter les démarches des entreprises, un réseau de plus d’une trentaine de référents interrégionaux et de responsables relations entreprises a été mis en place. Un site Internet, travail-prison.fr, accompagné d’une cartographie interactive, Ipro 360°, permet également aux entreprises d’obtenir des informations sur les possibilités d’implantation de leur activité (établissements pénitentiaires, taille des ateliers, surfaces libres, conditions d’accès, tonnages des camions pouvant être accueillis…).
Le tour de France du travail pénitentiaire se poursuivra sur l’ensemble du territoire et dans chaque région jusqu’à la fin de l’année 2023.
>> Voir la carte du tour de France du travail pénitentiaire