Catégorie : Editeurs

Prohibition légale d’exercer le commerce : inapplicabilité des dispositions relatives à la rupture brutale d’une relation commerciale établie

La prohibition légale d’exercer le commerce applicable à l’activité d’un cabinet de chirurgiens-dentistes chasse le caractère commercial du lien qui l’unit à son fournisseur et rend en conséquence inapplicable le dispositif relatif à la rupture brutale d’une relation commerciale établie.

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Covid-19 et loyers commerciaux : un juge du fond admet la perte du local loué

Contraint de fermer son magasin de prêt-à-porter en raison de la crise sanitaire, le locataire d’un local commercial suspend le paiement de ses loyers pour la période du 16 mars au 11 mai 2020. Il oppose à son bailleur deux arguments tirés du droit commun des contrats et du bail. 

1. En premier lieu, il invoque l’exception d’inexécution, le bailleur ayant, selon lui, manqué à son obligation de délivrance. 

Cet argument est écarté par le tribunal judiciaire de La Rochelle, statuant au fond : le manquement à l’obligation de délivrance est caractérisé lorsque le locataire ne peut plus, du fait du bailleur, jouir du local commercial ; le bailleur n’est pas tenu de garantir au locataire la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif dans lequel s’exerce son activité. En l’espèce, le bailleur n’avait pas mis obstacle à la jouissance des lieux, la situation étant imputable au fait du prince, entendu comme une décision de l’autorité publique ayant pour conséquence de porter atteinte à l’équilibre financier de situations contractuelles et qui, en matière civile, peut constituer un cas de force majeure.

Le bailleur pouvait ainsi se prévaloir du fait du prince constitutif de force majeure dès lors que les mesures de fermeture autoritaire des commerces avaient constitué pour lui un obstacle insurmontable à l’exécution de son obligation essentielle de délivrance. Le locataire pouvait, par ailleurs, parfaitement accéder à son local. 

2. Le juge fait droit, en revanche, à la demande du locataire de dispense du loyer fondée sur les dispositions suivant lesquelles la perte du local loué, à la suite d’un cas fortuit, peut entraîner la résolution du bail ou la diminution du loyer (C. civ. art. 1722). Il relève que la perte de la chose peut être assimilée à l’impossibilité d’user des locaux en raison d’un cas fortuit, que cette perte est établie lorsque le locataire est dans l’impossibilité de l’utiliser par suite de l’application d’une disposition légale intervenue en cours de bail et qu’elle peut être matérielle ou juridique.

L’article 1722 du Code civil peut s’appliquer en l’absence de détérioration matérielle dès lors que le locataire se trouve dans l’impossibilité de jouir de l’immeuble, d’en faire usage conformément à sa destination, du fait d’une décision administrative ordonnant la suspension de l’exploitation d’un commerce, la perte pouvant être partielle, lorsque la fermeture est temporaire. 

Par suite, le locataire ne devait aucun loyer au titre du premier confinement. 

A noter : 1. Plusieurs décisions rendues au fond ont déjà écarté la possibilité pour le locataire commercial d’invoquer un manquement du bailleur à son obligation de délivrance dans le contexte de la crise sanitaire (TJ Paris 25-2-2021 n° 18/02353 : BRDA 7/21 inf. 17 ; CA Grenoble 5-11-2020 n° 16/04533 : BRDA 23/20 inf. 19) ; et plusieurs décisions rendues en référé (notamment : TJ Paris réf. 26-10-2020 n° 20/53713 : BRDA 22/20 inf. 24). La décision commentée s’inscrit donc dans cette tendance.

La question reste néanmoins très débattue (J. D. Barbier, «?Loyers commerciaux en temps de pandémie, double peine et triple erreur?» : Dalloz actu du 10-3-2021 ; voir également nos observations sous TJ Paris réf. 26-10-2020 précité). 

2. C’est la première fois, à notre connaissance, qu’un juge se prononce au fond sur la question de l’application des dispositions de l’article 1722 du Code civil dans le contexte de la crise sanitaire. La même solution a déjà été retenue, notamment, par des juges de l’exécution (par exemple, TJ Paris JEX 20-1-2021 n° 20/80923 : BRDA 4/21 inf. 19). Elle ne fait néanmoins pas l’unanimité (TJ Strasbourg réf. 19-2-2021 n° 20/00552 : BRDA 7/21 inf. 24).

Maya VANDEVELDE

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial nos 5210 et 14800


TJ La Rochelle 23-3-2021 n° 20/024

Télétravail : extension de l’accord national interprofessionnel du 26 novembre 2020

Se voulant un outil d’aide au dialogue social et un appui à la négociation, permettant de favoriser une mise en œuvre réussie du télétravail, l’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 complète le cadre juridique du télétravail constitué des articles L 1222-9 à L 1222-11 du Code du travail et de l’ANI du 19 juillet 2005, étendu par arrêté du 30 mai 2006 (JO 9-6) modifié par arrêté du 15 juin 2006 (JO 24).

Un accord étendu sous une réserve relative à la prise en charge des frais professionnels

En application de l’article 1er de l’arrêté, l’article 3.1.5 de l’ANI du 26 novembre 2020, qui prévoit que le principe selon lequel les frais engagés par un salarié dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail doivent être supportés par l’employeur s’applique à l’ensemble des situations de travail et que l’entreprise doit prendre en charge les dépenses engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’entreprise, après validation de l’employeur, est étendu sous réserve du respect du principe général de prise en charge des frais professionnels tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. soc. 25-2-1998 n° 95-44.096 PBR : RJS 4/98 n° 464).

Aux termes de l’arrêté, selon ce principe, la validation de l’employeur doit être interprétée comme étant préalable, et non postérieure, à l’engagement des dépenses par le salarié.

A noter : La lecture par le ministère de l’arrêt du 25 février 1998 peut surprendre. En effet, selon cet arrêt « les frais qu’un salarié justifie avoir exposés pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de l’employeur doivent lui être remboursés sans qu’ils ne puissent être imputés sur la rémunération qui lui est due, à moins qu’il n’ait été contractuellement prévu qu’il en conserverait la charge moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire et à la condition que la rémunération proprement dite du travail reste au moins égale au Smic » (Cass. soc. 25-2-1998 n° 95-44.096 PBR : RJS 4/98 n° 464). Cette solution a été confirmée à de nombreuses reprises depuis lors, notamment par un arrêt du 9 janvier 2001 dont la singularité réside dans le fait que la chambre sociale de la Cour de cassation y « coiffe » sa confirmation d’un rappel sec : « les frais professionnels engagés par le salarié doivent être supportés par l’employeur » (Cass. soc. 9-1-2001 n° 98-44.833 F-P : RJS 5/01 n° 604). Les modalités de cette prise en charge ont été précisées sans qu’à aucun moment la Haute Juridiction ne fasse état de l’exigence d’une quelconque validation par l’employeur. Ainsi, à propos de la possibilité de convenir que le salarié conservera la charge de ces frais moyennant le versement d’une somme fixée à l’avance de manière forfaitaire, il a été indiqué qu’elle était subordonnée à la condition que cette somme ne soit pas manifestement disproportionnée par rapport aux frais réels (Cass. soc. 20-6-2013 n° 11-23.071 FS-PB : RJS 10/13 n° 679 ; Cass. soc. 8-7-2020 n° 18-24.546 F-D : RJS 10/20 n° 467) et que la rémunération proprement dite du salarié reste chaque mois au moins égale au Smic (Cass. soc. 25-2-1998 n° 95-44.096 PBR : RJS 4/98 n° 464 ; Cass. soc. 10-11-2004 n° 02-41.881 F-PB : RJS 3/05 n° 275). On peut se demander, dès lors, si la réserve n’aurait pas pu plus simplement porter sur le seul principe de la validation des dépenses par l’employeur contenue dans l’accord, qui ne semble pas compatible avec la jurisprudence rappelée ci-dessus.

Un accord applicable à tous les employeurs et salariés compris dans son champ d’application

Sous cette réserve, toutes les dispositions de l’ANI du 26 novembre 2020 sont rendues obligatoires pour tous les employeurs et tous les salariés compris dans son champ d’application (Arrêté art. 1). Il est donc applicable dans toutes les entreprises appartenant à un secteur professionnel représenté par les organisations patronales signataires (Medef, CPME et U2P).

L’accord concerne donc la très grande majorité des entreprises, puisque les activités non représentées par ces organisations patronales sont relativement peu nombreuses. Sans en donner une liste exhaustive, on peut citer, à titre principal, l’agriculture, les professions libérales, le spectacle et les particuliers employeurs.

A noter : On rappellera toutefois que l’application de l’ANI peut être écartée :

– en vertu de la règle de primauté fixée par l’article L 2253-3 du Code du travail, dans les établissements couverts par un accord d’entreprise ou assimilé (établissement, groupe, interentreprises) s’il comporte des clauses, même moins favorables, ayant le même objet. En revanche, l’existence d’une charte mettant en place le télétravail n’écarte pas l’application de l’ANI ;

– en application de la règle posée à l’article L 2252-1 du même Code selon laquelle un accord de branche ou un accord professionnel sur le télétravail peut comporter des clauses moins favorables aux salariés que celles de l’ANI, sauf concernant les points pour lesquels ce dernier l’a expressément interdit.

Valérie DUBOIS

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Arrêté MTRT2110108A du 2-4-2021 : JO 13

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