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Les télétravailleurs ont droit aux titres-restaurant comme les salariés sur site

Les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise. Il s’agit d’une règle d’ordre public rappelée par l’article 4 de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 relatif au télétravail et reprise dans le Code du travail à l’article L 1222-9.

En l’espèce, des salariés d’une société bénéficiant de titres-restaurant format papier et placés en télétravail à compter du 17 mars 2020 en raison de la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19 sont informés par leur employeur de sa décision de réserver l’attribution de ces titres aux seuls employés travaillant sur site.

Lors d’une réunion ordinaire, le comité social et économique (CSE) informe la société de son désaccord avec cette position qui méconnaîtrait l’égalité de traitement entre les salariés, mais face au refus de l’employeur de revenir sur celle-ci, il saisit, avec un syndicat, le tribunal judiciaire afin notamment que soit attribué aux salariés en télétravail un titre-restaurant pour chaque jour travaillé depuis le 17 mars 2020. Cette demande était-elle justifiée ?

Le titre-restaurant est un titre spécial de paiement remis par l’employeur aux salariés pour leur permettre d’acquitter en tout ou en partie le prix du repas consommé au restaurant ou acheté auprès d’une personne ou d’un organisme exerçant la profession de restaurateur, d’hôtelier-restaurateur ou une activité assimilée, ou la profession de détaillant en fruits et légumes. Ce repas peut être composé de fruits et légumes, qu’ils soient ou non directement consommables (C. trav. L 3262-1). Un même salarié ne peut recevoir qu’un titre-restaurant par repas compris dans son horaire de travail journalier (C. trav. art. R 3262-7).

Cet avantage consenti par l’employeur ne résulte d’aucune obligation légale (QR min. trav. 25-3-2021). Il n’est donc pas interdit de subordonner son attribution à certains critères sous réserve qu’ils soient objectifs, c’est-à-dire qu’ils doivent s’appliquer autant aux télétravailleurs qu’aux salariés travaillant dans l’entreprise. Il a ainsi été jugé que l’employeur peut différencier l’attribution des titres-repas en fonction de l’éloignement du travail par rapport au domicile, dès lors que cette différenciation est fondée sur un critère objectif, c’est-à-dire la distance séparant le lieu du travail du domicile (Cass. soc. 22-1-1992 n° 88-40.938 PF : RJS 3/92 n° 296 ; CA Nîmes 27-3-2012 n° 10-4144).

Mais peut-il différencier leur attribution suivant qu’un salarié est en télétravail ou non ? Cette question est controversée. En effet, si dans un jugement récent, le tribunal judiciaire de Nanterre a jugé que, à défaut de surcoût lié à leur restauration hors de leur domicile, les télétravailleurs à domicile ne sont pas dans une situation comparable à celle des salariés travaillant sur site sans restaurant d’entreprise et n’ont pas droit, comme ces derniers, aux titres-restaurant (TJ Nanterre 10-3-2021 n° 20/09616 : La Quotidienne du 29-3-2021), le tribunal judiciaire de Paris s’écarte de cette analyse.

Pas de différence de traitement entre les télétravailleurs et les autres salariés de l’entreprise…

À l’appui de sa défense, et afin d’établir que les télétravailleurs sont dans une situation différente de celle des salariés sur site, la société fait valoir que le titre-restaurant a pour objectif de permettre au salarié de se restaurer lorsqu’il ne dispose pas d’un espace pour préparer ses repas, ce qui s’accorde peu avec le télétravailleur qui dispose de sa cuisine personnelle et n’a donc pas à se limiter à des plats immédiatement consommables. En outre, si celui-ci choisit de ne pas travailler depuis son domicile, mais depuis un autre lieu, comme un espace de coworking, cela ne résulte que de ses convenances personnelles et ne lui crée aucun droit vis-à-vis de son employeur.

D’autre part, selon la société, la réglementation et les conditions d’utilisation des titres-restaurant ne sont pas compatibles avec la situation du télétravailleur puisque le salarié ne peut pas utiliser un titre-restaurant pour acheter autre chose qu’un repas en restaurant ou directement consommable, même s’il doit être décongelé, ou des fruits et légumes, même non directement consommables, ce qui exclut que le salarié s’en serve pour financer ses courses de la semaine.

… sans raison objective en rapport avec l’objet des titres-restaurant

Après avoir rappelé le principe d’égalité de traitement entre les travailleurs posé par l’article L 1222-9 du Code du travail qui régit le recours volontaire des salariés au télétravail et ajouté que celui-ci ne s’oppose pas à ce que soient réglées de façon différente des situations différentes, pourvu que la différence de traitement en résultant soit en rapport avec l’objet de la règle qui l’établit, le tribunal judiciaire considère que la société ne justifie pas de ce que les télétravailleurs se trouvent dans une situation distincte de celle des salariés sur site en raison, notamment, des conditions d’exercice de leurs fonctions, de sorte que le refus de leur attribuer des titres-restaurant ne repose sur aucune raison objective en rapport avec l’objet de ces titres.

En effet, selon lui, la définition du télétravail posée à l’article L 1222-9 du Code du travail n’implique pas pour le salarié de se trouver à son domicile ni de disposer d’un espace personnel pour préparer son repas.

En outre, il déduit directement des dispositions des articles L 3262-1 et R 3262-7 du Code du travail que l’objet du titre-restaurant est de permettre au salarié de se restaurer lorsqu’il accomplit son horaire de travail journalier comprenant un repas, mais non sous condition qu’il ne dispose pas d’un espace personnel pour préparer celui-ci.

Enfin, les conditions d’utilisation des titres-restaurant sont, pour les juges du fond, tout à fait compatibles avec l’exécution des fonctions en télétravail puisqu’elles ont pour principe directeur de permettre au salarié de se restaurer lorsque son temps de travail comprend un repas, et qu’à ce titre les télétravailleurs se trouvent dans une situation équivalente à celle des salariés sur site.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le tribunal judiciaire estime que les salariés en télétravail doivent bénéficier des titres-restaurant pour chaque jour travaillé au cours duquel le repas est compris dans leur horaire de travail journalier. Il fait donc droit, sous astreinte, à la demande de régularisation de leurs droits à ce titre, mais seulement à compter du 6 octobre 2020, date de l’assignation en justice puisque la régularisation ne peut pas rétroagir au-delà de la demande en justice.

A noter : On relèvera que la solution retenue par le tribunal judiciaire est conforme à la position exprimée par le ministère du travail sur son site internet dans le cadre de son « Questions-réponses » relatif au télétravail en période de Covid-19 non seulement dans sa version du 20 mars 2020, comme le rappelle le jugement du tribunal lui-même, mais également dans sa version actuelle du 25 mars 2021. Le ministère considère en effet que, dès lors que les salariés exerçant leur activité dans les locaux de l’entreprise bénéficient des titres-restaurant, les télétravailleurs doivent aussi en recevoir si leurs conditions de travail sont équivalentes. Elle rejoint également la position exprimée par les Urssaf sur leur site internet le 8 septembre 2015.

Valérie DUBOIS

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TJ Paris 30-3-2021 n° 20/09805

La caution n’est pas libérée si la garantie perdue par le créancier a été prise après le cautionnement

La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution (C. civ. art. 2314).

Une société demande à une banque un prêt destiné à financer l’acquisition d’actions d’une autre société. La banque obtient le cautionnement du gérant de la société et, six jours après, elle accorde le prêt demandé, également garanti par le nantissement des actions acquises. Deux ans plus tard, la société cède une partie de ces actions et la banque vire le prix de cette cession sur le compte de la société, renonçant ainsi au nantissement dont elle bénéficiait en garantie du prêt.

Poursuivie en exécution de son engagement, la caution fait valoir qu’elle est libérée, sur le fondement de l’article 2314 du Code civil, car elle a été privée de la possibilité de se voir subrogée dans les droits de la banque, qui n’avait pas mis en œuvre le nantissement lors de la vente des actions.

Une cour d’appel fait droit à la demande de décharge de la caution, retenant que cette dernière, gérant de la société bénéficiaire du prêt cautionné, connaissait parfaitement l’existence du nantissement pris en garantie et qui avait été formalisé dans l’acte de prêt conclu six jours après son engagement de caution et dont les conditions étaient nécessairement arrêtées et connues à la date du cautionnement souscrit.

Arrêt cassé par la Haute Juridiction : la caution n’est libérée, lorsque la subrogation aux droits, privilèges et hypothèques du créancier ne peut plus s’opérer en sa faveur, que si ces garanties existaient antérieurement à son engagement ou étaient entrées dans les prévisions des parties. La cour d’appel, qui avait constaté que le nantissement des actions avait été consenti à la banque après le cautionnement, aurait dû rechercher si la banque s’était engagée à l’obtenir ou si la caution avait légitimement pu croire qu’elle le prendrait.

A noter : Confirmation de jurisprudence.

La caution ne peut invoquer le bénéfice de l’article 2314 (ex-art. 2037) du Code civil que si la sûreté perdue existait au moment du cautionnement ou si le créancier s’était engagé à la constituer ou encore si des circonstances particulières pouvaient laisser la caution légitimement penser que le créancier la constituerait (notamment, Cass. 1e civ. 29-2-2000 n° 97-20.090 P-B : RJDA 5/00 n°599 ; Cass. com. 8-10-2003 n° 00-12.418 F-D : RJDA 3/04 n° 367).

Jugé que la seule référence à la nature d’un prêt est insusceptible, en l’absence d’une mention figurant dans l’acte de cautionnement, ou dans un acte antérieur ou concomitant afférent à l’opération de crédit, de caractériser la croyance légitime dans le fait que le créancier prendrait d’autres garanties (Cass. 1e civ. 29-2-2000 n° 97-20.090 P-B précité).

L’arrêt ci dessus, qui refuse de se fonder sur la simple connaissance par la caution de l’existence du nantissement formalisé quelques jours après la signature du cautionnement, se situe dans le droit-fil de cette jurisprudence.

Sophie CLAUDE-FENDT

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 55817


Cass. com. 17-2-2021 n° 19-16.075 F-D

« De l’importance de la notification de l’acte de constitution »… ou non

La notification de l’acte de constitution d’avocat de l’intimé à l’appelant, en application de l’article 960 du code de procédure civile, tend à lui rendre cette constitution opposable. Il en résulte que, lorsque cette notification n’a pas été régulièrement faite, l’appelant satisfait à l’obligation de notification de ses conclusions à l’intimé, prévue par les articles 908 et 911, en lui signifiant ses conclusions. Il résulte, en outre, de l’article 911 que l’appelant satisfait également à cette obligation en les notifiant à l’avocat que celui-ci a constitué.

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« De l’importance de la notification de l’acte de constitution »… ou non

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Dessins et modèles : une brique de plus pour la jurisprudence LEGO

Par un arrêt du 24 mars 2021, le Tribunal de l’Union européenne a annulé la décision de la chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 10 avril 2019 déclarant nul le dessin ou modèle de la célèbre brique des jeux de construction Lego. Il rappelle à cette occasion ce qu’est une caractéristique exclusivement imposée par sa fonction technique.

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Application des peines : appel formé par le Parquet et effet suspensif

Le caractère suspensif de l’appel formé par le Parquet dans les 24h00 ne dépend pas d’une mention en ce sens dans la déclaration d’appel. Par ailleurs, une audience tenue en l’absence de l’avocat du condamné, non convoqué, n’interrompt pas le délai de deux mois dans lequel la cour doit examiner l’affaire et au-delà duquel l’appel du Parquet est déclaré non avenu.

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