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La force majeure, une circonstance non imputable présentant un caractère insurmontable

La force majeure, qui permet au président de la chambre ou au conseiller de la mise en état d’écarter la sanction prévue aux articles 905-2, 908 à 911, est constituée par la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt un caractère insurmontable. Tel n’est pas le cas lorsque la partie ne conclut pas dans son délai au motif qu’elle attend pour ce faire le dépôt d’un rapport d’expertise non judiciaire.

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La force majeure, une circonstance non imputable présentant un caractère insurmontable

La force majeure, qui permet au président de la chambre ou au conseiller de la mise en état d’écarter la sanction prévue aux articles 905-2, 908 à 911, est constituée par la circonstance non imputable au fait de la partie et qui revêt un caractère insurmontable. Tel n’est pas le cas lorsque la partie ne conclut pas dans son délai au motif qu’elle attend pour ce faire le dépôt d’un rapport d’expertise non judiciaire.

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Licenciement économique : jusqu’où personnaliser la recherche d’un reclassement dans le groupe ?

Une société exerçant une activité de transport interurbain de voyageurs procède à une restructuration pour motif économique. Ayant recherché en vain des postes de reclassement disponibles au sein du groupe auquel elle appartient, elle licencie plusieurs salariés. Parmi eux, 8 conducteurs contestent la légitimité de ce licenciement : selon eux, l’employeur aurait manqué à son obligation de reclassement préalable. Le litige donne l’occasion à la Cour de cassation de rappeler, dans un arrêt publié sur son site internet, plusieurs principes régissant la recherche d’un poste de reclassement préalable au licenciement économique.

Une recherche personnalisée, mais pas individualisée

L’employeur appartenant à un groupe dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assure la permutation de tout ou partie du personnel doit y rechercher des emplois disponibles pour le reclassement préalable au licenciement économique (C. trav. art. L 1233-4, al. 1), si ce reclassement n’a pas pu être opéré dans l’entreprise.

Cette recherche doit être suffisamment personnalisée pour être effective : à défaut, le licenciement peut être jugé sans cause réelle et sérieuse. C’est le cas, par exemple, si l’employeur se contente d’envoyer une lettre circulaire, sans précisions, aux sociétés du groupe (Cass. soc. 13-2-2008 n° 06-44.984 F-D ; Cass. soc. 23-3-2011 n° 09-71.599 F-D). La recherche est en revanche suffisamment personnalisée, selon la Cour de cassation, si cette lettre circulaire indique le nom des salariés, leur classification et la nature de l’emploi qu’ils occupent (Cass. soc. 22-10-2014 n° 13-20.403 FS-PB : RJS 1/15 n° 13).

En l’espèce, 4 des salariés licenciés reprochaient à l’employeur de s’être contenté, dans les lettres de recherche de reclassement adressées aux sociétés du groupe, de lister les postes de travail supprimés au sein de l’entreprise, en indiquant leur intitulé et leur classification. La cour d’appel saisie du litige leur avait donné raison. Selon elle, l’employeur aurait dû, dans ces lettres, apporter des indications concrètes sur le profil des salariés occupant les postes supprimés, relatives notamment à leurs âge, formation, expérience, qualification et ancienneté. La cour en avait conclu que le licenciement des salariés était dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation censure l’analyse des juges du fond pour violation de la loi : le Code du travail n’exigeant pas un tel degré de précision, les lettres de demande de recherche de postes adressées par l’employeur aux sociétés du groupe étaient, selon elle, valables. Elle confirme ainsi une décision récente, mais non publiée, ayant censuré un arrêt d’appel exigeant de l’employeur des précisions sur le parcours et l’expérience de chaque salarié, jugées excessives (Cass. soc. 1-7-2020 n° 18-24.608 F-D). 

A noter : La Cour de cassation a manifestement été sensible à l’argument développé par l’employeur, selon lequel l’obligation de reclassement n’incombait qu’à lui, et non aux autres sociétés du groupe (voir déjà en ce sens : (Cass. soc. 27-5-2009 n° 07-44.022 F-D ; Cass. soc. 13-1-2010 n° 08-15.676 FS-PB). L’employeur faisait valoir, à juste titre, qu’il ne pouvait pas reporter sur les entreprises du groupe la charge d’examiner la compatibilité des postes disponibles avec le profil des salariés dont le licenciement était envisagé.

Seuls les postes compatibles avec la qualification du salarié doivent être proposés

La Cour de cassation se penche également sur le type de poste susceptible d’être proposé au salarié dont le licenciement est envisagé.

L’article L 1233-4 du Code du travail dispose que le reclassement s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut et avec l’accord exprès du salarié, sur un emploi de catégorie inférieure. Il dispose également que la légitimité du licenciement économique est subordonnée à la réalisation préalable par l’employeur de tous les efforts de formation et d’adaptation nécessaires à l’égard du salarié concerné.

La Cour de cassation en conclut :

  • – d’une part, que tous les postes compatibles avec la qualification du salarié et disponibles doivent lui être proposés : à défaut, le licenciement peut être jugé sans cause réelle et sérieuse (jurisprudence constante, notamment Cass. soc. 19-11-2008 n° 07-44.416 F-D : RJS 2/09 n° 158).
  • – d’autre part, que le reclassement peut s’étendre à un poste nécessitant une formation complémentaire du salarié, mais pas à celui imposant de lui délivrer une formation longue ou qualifiante (voir par exemple (Cass. soc. 3-4-2001 n° 99-42.188 FS-PB : RJS 6/01 n° 731 ; Cass. soc. 2-7-2014 n° 13-13.876 FS-PB : RJS 10/14 n° 672).

Ces deux principes sont appliqués en l’espèce. Des postes de conducteur nécessitant la détention d’un permis de conduire de type D étaient disponibles au sein d’une filiale du groupe. La cour d’appel, reprochant à l’employeur de n’avoir proposé ces postes à aucun des 8 salariés licenciés, avait jugé leur licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation approuve l’analyse des juges du fond pour 5 de ces salariés qui, étant titulaires du permis de conduire D, auraient dû se voir proposer ces postes en reclassement. En revanche, s’agissant des 3 autres salariés, qui n’étaient pas titulaires de ce permis, la cour d’appel aurait dû rechercher si les postes de conducteur étaient compatibles avec leur qualification avant de décider que l’employeur avait manqué à ses obligations.

Laurence MECHIN

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Cass. soc. 17-3-2021 n° 19-11.114 FS-PI

Le juge consulaire seul compétent en matière de mise en œuvre d’un plan de vigilance

1. Lorsqu’une société tenue d’établir et de mettre en œuvre un plan de vigilance (société employant au moins 5 000 salariés avec ses filiales françaises ou au moins 10 000 salariés avec ses filiales françaises et étrangères) n’y satisfait pas, la « juridiction compétente » peut, à la demande de toute personne justifiant d’un intérêt à agir, lui enjoindre de respecter cette obligation (C. com. art. L 225-102-4, II).

Saisi en application de ce texte par des associations environnementales et des droits de l’Homme critiquant la mise en œuvre du plan de vigilance de la société Total, le tribunal judiciaire de Nanterre s’était déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce (TJ Nanterre 30-1-2020 n° 19/02832 et 19/02833, ord. réf. : BRDA 6/20 inf. 27 nos 11 s.). La cour d’appel de Versailles a confirmé ce jugement dans un arrêt très argumenté.

Le tribunal de commerce est compétent pour enjoindre de respecter le plan…

2. Les tribunaux de commerce sont compétents pour statuer sur les contestations relatives aux sociétés commerciales (C. com. art. L 721-3, 2°).

La cour d’appel de Versailles énonce que, pour déterminer si le prononcé de l’injonction relève de la compétence du juge consulaire par application de l’article L 721-3, 2°, seule importe la recherche d’un lien direct entre le plan de vigilance et la gestion de la société.

Plusieurs arguments militent en faveur de ce lien :

  • – l’insertion de l’article L 225-102-4 du Code de commerce dans le titre II sur les sociétés commerciales, au chapitre V concernant les sociétés anonymes et dans la section 3 relative aux assemblées d’actionnaires ;
  • – le fait que le plan de vigilance et le compte-rendu de sa mise en œuvre figurent en annexe du rapport de gestion, ce qui se traduit par la présentation des mesures du plan à l’assemblée générale ; ainsi, c’est bien à cet organe décisionnel de la société que la direction de la société doit rendre compte du devoir de vigilance imposé par le législateur et cette communication a nécessairement une incidence sur le fonctionnement de l’entreprise.

3. Le lien direct entre la mise en œuvre du plan de vigilance et le fonctionnement de la société ressort également des obligations mises à la charge de celle-ci par l’article L 225-102-4 précité : le plan, qui concerne non seulement la société mais également les sociétés qu’elle contrôle ainsi que ses sous-traitants et fournisseurs, a des conséquences évidentes sur le fonctionnement de la société, à qui il incombe de mettre en place des procédures de contrôle destinées à lui permettre d’identifier et de prévenir des risques dans des domaines qui ne relèvent pas de son activité (exploitation et commerce de l’énergie), mais des droits de l’homme.

4. Le mécanisme même des mesures de contrôle prévues par le plan en application de l’article L 225-102-4 (établissement d’une cartographie des risques ; évaluation régulière de la situation des filiales, des sous-traitants et fournisseurs, au regard de cette cartographie ; actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves ; mise en place d’un dispositif de suivi des mesures mises en œuvre) démontre que c’est bien le fonctionnement de la société et donc sa gestion qui sont concernés par le plan de vigilance.

La cour d’appel en conclut qu’est caractérisée l’existence d’un lien direct entre la mise en œuvre du plan de vigilance et la gestion de la société, critère nécessaire et suffisant pour que la compétence du juge consulaire puisse être retenue.

5. Cet arrêt se situe dans le prolongement de la jurisprudence établie de la Cour de cassation reconnaissant que tout fait ou acte reproché à un dirigeant relève de la compétence du juge consulaire dès lors que ce fait ou cet acte se rattache par un lien direct à la gestion de la société (pour un exemple récent, Cass. com. 18-12-2019 n° 18-17.364 F-D : BRDA 5/20 inf. 3).

… et seul compétent pour prononcer cette injonction

6. Les associations critiquant le plan de vigilance de la société Total faisaient valoir que, n’ayant pas la qualité de commerçant, elles avaient le choix entre le tribunal de commerce et le tribunal judiciaire pour demander une injonction.

La cour d’appel de Versailles reconnaît que l’article L 721-3, 3° du Code de commerce, aux termes duquel les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux actes de commerce « entre toutes personnes », offre une option de compétence permettant, en cas de litige entre deux parties dont l’une seulement est commerçante ou à propos d’un acte qui n’est commercial que pour l’une d’elles, à la partie qui n’est pas commerçante ou qui n’a pas fait d’acte de commerce d’agir à son choix, soit devant le tribunal civil, soit devant le tribunal commercial.

7. Mais, précise la cour, cette option n’est ouverte à la partie non commerçante que si l’acte litigieux est susceptible de recevoir une double qualification, civile et commerciale, et le fait que les demandeurs ne sont pas eux-mêmes commerçants n’a pas d’incidence sur la qualification de l’acte.

8. S’agissant du plan de vigilance, celui-ci est élaboré en association avec les parties prenantes de la société (C. com. art. L 225-102-4, I-al. 4) et il comprend un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements établi en concertation avec les organisations syndicales représentatives dans la société (art. L 225-102-4, I-al. 8). Pour autant, c’est bien la société qui établit et met en œuvre le plan ; c’est donc elle seule qui reste débitrice de cette obligation, de sorte que la qualification civile du plan ne peut pas résulter des conditions de son établissement ou de sa mise en œuvre.

Le fait de considérer le plan de vigilance comme un acte de gestion de la société ne permet pas non plus de lui reconnaître la qualification d’acte mixte, de sorte que le droit d’option invoqué par les associations ne pouvait pas leur être ouvert, seul le juge consulaire étant par conséquent compétent.

9.Contrairement à la solution retenue ici par la cour d’appel, la Cour de cassation admet sans condition le droit, pour la partie non commerçante agissant en justice, de choisir entre le tribunal civil et le tribunal de commerce pour trancher une contestation relative à une société commerciale (Cass. com. 18-11-2020 n° 19-19.463 FS-PB : BRDA 24/20 inf. 5), que cette contestation porte sur un acte mixte ou non.

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales n° 48226

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CA Versailles 10-12-2020 n° 20/01692