Catégorie : Editeurs

Une enquête secrète sur des faits de harcèlement n’est pas un mode de preuve déloyal

L’enquête menée par une entreprise externe à la demande d’un employeur, à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement par les délégués du personnel, sans en informer préalablement l’auteur, n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4. Une telle enquête n’est donc pas contraire au principe de loyauté de la preuve et peut venir appuyer un licenciement pour faute grave.

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La tierce opposition a pour objet de réformer ou de rétracter un jugement sans créer un nouveau litige

L’effet dévolutif limité de la tierce opposition, voie extraordinaire de recours qui tend à rétracter ou réformer un jugement d’un chef de son dispositif, ne permet pas d’instaurer un nouveau litige devant la juridiction saisie. En conséquence, les conclusions ne contenant pas une demande de réformation ou de rétractation de la décision ne permet pas d’accueillir la tierce opposition.

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Responsabilité pénale du maître d’ouvrage : pas de délit de blessures involontaires l’absence d’obligation particulière de sécurité ou de prudence

Les dispositions de l’article R. 238-18 du code du travail, désormais reprises par les articles R. 4532-11 et suivants du même code, précisent les missions du coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé lors des opérations de bâtiment et de génie civil. Ce texte énonce que ces missions sont exercées sous la responsabilité du maître d’ouvrage sans édicter une obligation particulière de sécurité ou de prudence à la charge de ce dernier.

Le maître d’ouvrage ne peut donc pas être déclaré coupable du délit de blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail d’une durée inférieure ou égale à trois mois, au sens de l’article 222-20 du code pénal, pour n’avoir pas vérifié la transmission par le coordonnateur des règles de sécurité définies dans le plan général de coordination à l’ensemble des entreprises intervenantes.

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« Data Governance Act » : avis conjoint du Contrôleur et du Comité européens de la protection des données

Les deux instances invitent le législateur européen à veiller à ce que le futur règlement soit pleinement conforme à la législation de l’Union européenne en matière de protection des données à caractère personnel, pour favoriser la confiance dans l’économie numérique et assurer le respect du niveau de protection des données prévu par le droit de l’Union, sous la supervision des autorités de contrôle des États membres.

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Requête avant dire droit de l’article 145 du Code de procédure civile et principe du contradictoire : un coup de tonnerre !

Dans cette affaire, un requérant suspectant un détournement de clientèle par ses anciens collaborateurs avait saisi le juge des requêtes afin d’obtenir la désignation huissier de justice pour exécuter diverses mesures d’instruction avant dire droit sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile.

La requête ayant été accueillie par le juge, les requis avaient alors assigné le requérant devant le juge de la rétractation.

Le 24 mai 2019, le Président du Tribunal de Grande Instance de Paris ordonnait la rétractation de l’ordonnance du 14 mars 2019 et l’annulation du procès-verbal du 26 mars 2019.

Il relevait, ainsi, que ni l’ordonnance, ni la requête ne mentionnaient les mots clés sur la base desquelles les mesures d’instruction étaient encadrées. En effet, seules les pièces visées à l’appui de la requête contenaient lesdits mots clés.

Dès lors, en l’absence de notification des pièces, les requis ne pouvaient pas prendre pleinement connaissance de l’étendue des investigations.

Néanmoins, la Cour d’appel de Paris a infirmé l’ordonnance du 24 mai 2019, en considérant que ce motif de rétractation découlait d’une « mauvaise application de la loi ».

La Cour jugeait ainsi que « l’absence de signification des pièces elles-mêmes n’entache pas la régularité de l’ordonnance ni ne porte atteinte au principe du contradictoire tel qu’exigé à ce stade » (CA PARIS 15 janvier 2020).

La Cour de cassation vient de confirmer cette lecture par son arrêt du 14 janvier 2021.

Requête 145 : une dérogation au principe du contradictoire temporaire 

Pour rappel, l’article 145 du CPC autorise toute personne qui envisage d’engager une procédure au fond de requérir des mesures avant dire droit. Cette demande peut être faite ex parte afin de ménager l’effet de surprise, l’huissier instrumentaire ayant pour mission d’appréhender tout document permettant d’établir les faits allégués par le requérant.

Cette puissante dérogation au principe du contradictoire n’est que temporaire et son rétablissement a vocation à intervenir en deux temps.

D’une part, le requis ayant vocation à subir les mesures d’instruction ordonnée pourra engager une procédure de référé rétractation.

Pour préserver les droits des requis, l’article 496 alinéa 2 du CPC dispose que « s’il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au Juge qui a rendu l’ordonnance ».

D’autre part et avant même l’exercice de ce recours en référé rétractation, l’article 495 alinéa 3 du CPC permet un rétablissement partiel du contradictoire au stade de l’exécution des mesures d’instruction ordonnées en imposant qu’il soit remis à la personne ayant vocation à les supporter une copie de la requête et de l’ordonnance autorisant lesdites mesures.

L’article 495 alinéa 3 du CPC : un rétablissement partiel du contradictoire au stade de l’exécution de la mesure d’investigation

Cette obligation de remettre une copie de l’ordonnance et de la requête, concomitamment à l’exécution de la mesure, permet ainsi au requis de prendre pleinement connaissance de l’étendue et de la légalité des investigations ayant vocation à être diligentées par l’huissier instrumentaire en ses locaux.

La Cour régulatrice résume ainsi parfaitement la fonction de l’article 495 alinéa 3 : « l’article 495, alinéa 3, du Code de procédure civile a pour seule finalité de permettre le rétablissement du principe de la contradiction en portant à la connaissance de celui qui subit la mesure ordonnée à son insu ce qui a déterminé la décision du juge, et d’apprécier l’opportunité d’un éventuel recours. » (Civ.2, 4 septembre 2014, n°13-22.917).

Tout manquement à cette formalité entraine ainsi inévitablement la rétractation de l’ordonnance rendue sur requête (Civ.2, 1er septembre 2016, n°15-23.326).

La question qui se posait alors était de savoir si cette remise de la copie de l’ordonnance et de la requête devait également s’accompagner d’une remise de la copie des pièces visées dans la requête ?

Une interprétation littérale des dispositions de l’article 495 alinéa 3 du CPC 

La Cour de cassation vient, dans son arrêt du 14 janvier 2021, d’y répondre par la négative en affirmant « qu’il résulte de l’article 495, alinéa 3, du code de procédure civile qu’une copie de la requête et de l’ordonnance est laissée à la personne à laquelle est opposée, à l’exclusion des pièces invoquées à l’appui de la requête. »

La Cour de cassation fait ainsi une interprétation stricte de l’article 495 alinéa 3 du CPC aux termes duquel la remise de la copie des pièces de la requête n’est pas exigée.

Cette solution se justifie notamment dans la mesure où l’ordonnance rendue sur requête 145 doit en principe être motivée et encadrer strictement le périmètre des mesures d’instruction.

En effet, l’obligation de motivation de l’ordonnance faite au juge, permet ainsi de s’assurer que la personne subissant la mesure autorisée puisse prendre connaissance de l’étendue des investigations ordonnées par la seule remise de la requête elle-même motivée et de l’ordonnance.

Cette interprétation stricto sensu du texte à laquelle procède la Cour régulatrice n’est donc pas en elle-même contestable.

A certains égards, elle peut même être défendue dès lors qu’il doit être rappelé que la personne ayant vocation à subir les mesures d’investigations ordonnées n’est pas nécessairement la personne contre laquelle le requérant a vocation à agir au fond.

Ainsi, imposer la remise de la copie des pièces visées par la requête à un tiers au litige pourrait s’avérer critiquable dès lors que lesdites pièces sont susceptibles de contenir des informations sensibles et confidentielles pour lesquelles le requérant pourrait s’opposer légitimement à ce qu’elle puisse être portée à la connaissance du tiers au litige.

De plus, il est des cas où la procédure 145 ne sera finalement pas suivie d’un litige au fond. Il pourrait être préjudiciable pour le requérant d’avoir porter à la connaissance des informations confidentielles à un tiers ou pire à son potentiel adversaire.

Cependant, le respect du contradictoire n’aurait-il pas dû conduire la Cour de cassation à retenir une interprétation extensive de l’article afin de s’assurer pleinement du respect du contradictoire au stade de l’exécution des mesures lorsque l’ordonnance elle-même est indigente ?  

Une solution à l’encontre du principe du contradictoire ? 

Dans le cas d’espèce où la liste des mots clés permettant de définir et d’encadrer le périmètre des investigations autorisées n’était pas reprise dans l’ordonnance se contentant de faire référence aux pièces de la requête dans lesquelles figurait ladite liste, cette absence de notification des pièces pose une réelle difficulté.

La seule remise de l’ordonnance et de la requête à l’exclusion des pièces visées ne permettaient pas, en l’espèce, aux requis de prendre connaissance de l’étendue des mesures autorisés ni de pouvoir évaluer leur légalité.

C’est d’ailleurs cette interprétation extensive de l’article 495 alinéa 3 du CPC qui avait conduit le juge de la rétractation à rétracter l’ordonnance rendue sur requête jugeant que l’absence de remise des pièces de la requête avait conduit à une violation du principe du contradictoire.

Il est vrai que l’arrêt d’espèce s’inscrit dans la droite lignée de l’arrêt du 12 avril 2018 dans laquelle la Cour de cassation avait déjà eu l’occasion de juger : « Mais attendu que seule est exigée, par l’article 494 du code de procédure civile, l’indication précise des pièces invoquées à l’appui de cette requête, à l’exclusion de leur communication entre les parties » (2ème Civ., 12 avril 2018, n°17-15.527).

Néanmoins dans cet arrêt, la Cour se bornait à rappeler que l’article 494 du CPC n’exigeait pas une communication généralisée des pièces invoquées à l’appui de la requête sans que ce rappel ne s’oppose à ce que la communication de certaines pièces puisse être exigée dans l’hypothèse où la lecture de l’ordonnance et de la requête ne permettrait pas de connaître l’étendue des investigations ordonnées.

Or, devant la spécificité de l’espèce, il aurait semblé préférable que la Cour de cassation apprécie plus largement la portée des dispositions de l’article 495 du CPC pour retenir que la remise de la copie de l’ordonnance et de la requête doit s’accompagner de celle des pièces indispensables au rétablissement du principe du contradictoire au stade l’exécution.[1]

Ce n’est pas la solution retenue la Cour de cassation qui par cette stricte interprétation du texte entend, peut-être, contraindre les juges à motiver leur ordonnance et encadrer précisément le périmètre des mesures autorisées sans opérer par renvoi aux pièces du requérant.

Pour autant, les requérants pourraient s’appuyer sur cette solution pour tenter de renforcer l’effet de surprise de cette procédure, et restreindre la portée du contradictoire au moment de l’exécution, en empêchant ainsi leur potentiel adversaire de prendre connaissance de l’étendue de la mesure d’investigation.

[1] C’est d’ailleurs en ce sens que s’était positionné l’avocat général dans cette affaire estimant que « l’ordonnance pour être conforme et être exécutable doit se suffire à elle-même (sans renvoi à des pièces annexes) compte tenu de ce que l’étendue de la mesure doit nécessairement être explicitement délimitée par elle, il pourrait être considéré, à l’instar du premier juge, que, dans l’hypothèse particulière de l’espèce, les pièces expressément visées par le dispositif doivent être signifiées avec l’ordonnance au moment de l’exécution de cette dernière ».

Par Lin NIN et Noémie BARUSSEAU, avocats au sein du cabinet Duclos Thorne Mollet Viéville

Action en responsabilité contre un commissaire aux comptes : juge territorialement compétent 

Le liquidateur d’une société agit en responsabilité extracontractuelle contre le commissaire aux comptes de la société, estimant qu’il a commis des manquements dans l’exercice de son mandat en s’abstenant de révéler des faits délictueux au procureur de la République et de mettre en oeuvre la procédure d’alerte auprès du président du tribunal de commerce. Pour ce faire, il saisit le tribunal de grande instance de Lyon (devenu tribunal judiciaire de Lyon), ville où la société a son siège social et où le dommage a été subi (CPC art. 46).

Le commissaire aux comptes soulève l’incompétence de la juridiction saisie, estimant que c’est le tribunal de Clermont-Ferrand qui aurait dû être saisi car la société de commissaires aux comptes y est domiciliée et le commissaire aux comptes y a mené sa mission, de sorte que c’est là que la faute a été commise et donc que le dommage a été subi.

La Cour de cassation rejette cet argument : si le lieu où a été commis le manquement du commissaire aux comptes est celui de son domicile professionnel ou du siège de sa société, le lieu où le dommage a été subi est celui du siège de la société contrôlée, ce dont il résultait que le tribunal de Lyon était territorialement compétent pour connaître de l’action en responsabilité dirigée contre le commissaire aux comptes.

A noter La juridiction compétente est en principe celle du domicile du défendeur (CPC art. 42). Toutefois, en matière extracontractuelle, l’article 46 du Code de procédure civile permet au demandeur de saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur, celle du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi. En l’espèce, le tribunal de Clermont-Ferrand était compétent en tant que juridiction dans le ressort de laquelle le défendeur était domicilié et le fait dommageable commis, mais le tribunal de Lyon l’était également en tant que juridiction dans le ressort de laquelle le dommage avait été subi.

Il a déjà été jugé que le lieu où le dommage a été subi est celui où est né le préjudice (Cass. 2e civ. 28-2-1990 no 88-11.320 : Bull. civ. II n° 46).

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales n° 4252, 78157 et 78165


Cass. com. 10-2-2021 n° 18-26.704 F-P

Licenciement nul : quelle indemnité en cas de demande de réintégration abusivement tardive ?

Le salarié réintégré a droit à une indemnité d’éviction…

Selon une jurisprudence aujourd’hui bien établie, le salarié réintégré à la suite de l’annulation de son licenciement a droit au versement d’une indemnité d’éviction dont le montant correspond à la réparation de la totalité du préjudice subi entre son licenciement et son retour dans l’entreprise, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé (Cass. soc. 25-1-2006 n° 03-47.517 F-P : RJS 4/06 n° 417 ; Cass. soc. 16-10-2019 n° 17-31.624 FS-PB : RJS 1/20 n° 15). En sont ainsi déduits les revenus d’activité ou de remplacement perçus le cas échéant pendant cette période (Cass. soc. 26-4-2006 n° 04-42.681 F-D : RJS 7/06 n° 828 ; Cass. soc. 14-2-2018 n° 16-22.360 F-D : RJS 5/18 n° 325), sauf, toutefois, en cas de violation d’une liberté fondamentale constitutionnellement garantie (par exemple, Cass. soc. 2-2-2006 n° 03-47.481 FS-PBRI : RJS 4/06 n° 488 pour un licenciement prononcé en raison de l’exercice du droit de grève ; Cass. soc. 21-11-2018 n° 17-11.122 FS-PB : RJS 2/19 n° 90 pour un licenciement prononcé en réaction à l’action en justice du salarié ; Cass. soc. 11-7-2012 n° 10-15.905 FS-PB : RJS 10/12 n° 785 pour un licenciement discriminatoire fondé sur l’état de santé).

… réduite en cas de demande de réintégration tardive

En l’espèce, le salarié avait été licencié le 27 juillet 2011 pour perte de confiance quelques jours après avoir sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Appelée à se prononcer sur la  légitimité de ce licenciement, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel ayant retenu l’existence d’une cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 19-11-2014 n° 13-22.048 F-D). C’est devant la cour d’appel de renvoi que l’intéressé a, le 14 mars 2016, présenté, pour la première fois, une demande en nullité de son licenciement sur le fondement de la violation de sa liberté d’expression, dont il a été débouté. Cette décision a également été censurée par la chambre sociale qui, estimant que la nullité était encourue, a renvoyé à la cour d’appel de Paris le soin de déterminer notamment l’indemnisation du salarié (Cass. soc. 30-11-2017 n° 16-21.249 F-D). Celle-ci a ainsi condamné l’employeur à verser au salarié plus d’un million d’euros au titre de l’indemnité due pour nullité du licenciement pour la période du 28 octobre 2011, date de fin du préavis, au 28 novembre 2018, date de la réintégration. C’est cet arrêt qui est ici cassé au motif que les juges du fond n’ont pas examiné le moyen de l’employeur qui soutenait que le salarié avait présenté, de façon abusive, sa demande de réintégration tardivement. 

En effet, la Haute Cour juge ici que le salarié qui présente de façon abusive sa demande de réintégration tardivement n’a droit, au titre de la nullité de son licenciement, qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de sa demande de réintégration à celui de sa réintégration effective.

Ainsi, en cas de demande tardive de la réintégration, l’indemnisation du salarié n’est pas systématiquement réduite : elle ne peut l’être que si ce retard est abusif. En l’espèce, il reviendra à la cour d’appel de renvoi de se prononcer sur le caractère abusif ou non de la demande présentée après plus de 4 années de procédure.

A noter : La solution ici retenue pour l’indemnité due pour nullité du licenciement peut être rapprochée de celle dégagée à propos de l’indemnité accordée en cas de violation du statut protecteur des représentants du personnel, même si ces indemnités ne sont pas de même nature. Il a en effet été jugé de même que le salarié protégé licencié sans autorisation administrative ou malgré un refus d’autorisation qui tarde abusivement à demander sa réintégration n’a droit qu’à la rémunération qu’il aurait perçue du jour de sa demande à celui de sa réintégration effective (Cass. soc. 7-11-2018 n° 17-14.716 FS-PB : RJS 1/19 n° 38).

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Cass. soc. 13-1-2021 n° 19-14.050 FS-PI