Catégorie : Editeurs

Restrictions sanitaires et pertes d’exploitation : l’ACPR rappelle les assureurs à l’ordre

La survie de nombreux établissements ayant dû fermer leur porte en raison des restrictions sanitaires. est en jeu. Pour retrouver du souffle, certains d’entre eux espèrent compter sur l’indemnisation de leurs pertes d’exploitation par les assureurs. Serait-il légitime qu’ils aient gain de cause ?

Une ambiguïté dans les clauses des contrats

De nombreux commerçants et restaurateurs ont reçu une fin de non-recevoir quand ils se sont tournés vers leur assureur pour demander l’indemnisation de leurs pertes d’exploitation « sans dommages » (soit les pertes d’exploitation subies en l’absence de toute atteinte matérielle aux biens assurés).

En effet, certaines polices d’assurance prévoient une clause d’exclusion de garantie des pertes d’exploitation de l’assuré. Cette clause stipule qu’il n’y a pas d’indemnisation à charge de l’assureur si, à la date de la fermeture administrative de l’assuré, au moins un autre établissement fait l’objet d’une même fermeture administrative, pour la même cause, dans le même département.

Certaines polices d’assurance stipulent ainsi que : « sont exclues les pertes d’exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l’objet, sur le même territoire départemental que celui de l’établissement assuré, d’une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique ».

Dans le cadre des restrictions sanitaires qui ont affecté des pans entiers du commerce physique à l’instar de la restauration ou de l’hôtellerie, cette clause a joué un rôle de premier plan.

Or, cette exclusion contreviendrait à l’article L 113-1 du Code des assurances, en vertu duquel une telle clause doit être « formelle et limitée ». En l’espèce, toute la difficulté repose sur l’interprétation de cette nature formelle et limitée de l’exclusion. Dans le contexte actuel de pandémie, cette ambiguïté rendrait critiquable l’application de la clause d’exclusion de garantie des pertes puisque, conformément aux dispositions l’article L 133-2 du Code de la consommation, les clauses des contrats des assureurs s’interprètent, en cas de doute, dans le sens le plus favorable à l’assuré.

Des décisions de justice contrastées

L’application des clauses d’exclusion s’est donc retrouvée au cœur des débats des nombreuses actions portées en justice par les assurés pour obtenir l’indemnisation de leurs pertes d’exploitation. Cela a donné lieu depuis plusieurs mois à une série de décisions contrastées : d’une juridiction à l’autre, les tribunaux peinent à trancher définitivement en faveur d’un camp, que ce soit celui des assureurs ou des assurés.

Qu’en pense le gendarme des assureurs ?

L’ autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a fait entendre sa voix via une enquête en juin 2020 sur les garanties pertes d’exploitation aux termes de laquelle elle demande que les clauses ambiguës concernées soient clarifiées.

Selon les résultats de l’enquête de l’ACPR qui a analysé 220 contrats différents en juin 2020, 93,3 % des contrats ont une couverture COVID-19 non garantie, 2,6 % une couverture COVID-19 garantie, mais 4,1 % comportent des clauses contractuelles ne permettant pas de conclure avec certitude à une absence de garantie (https://acpr.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/20200623_communique_presse_pertes_exploitation.pdf).

L’Autorité précise en outre que, dans les cas où les clauses contractuelles ne permettaient pas de conclure avec certitude à une absence de garantie, seule une interprétation du Juge serait de nature à lever toute incertitude si les assureurs concernés, en cas de doute, n’interprètent pas le contrat en faveur de l’assuré.

Une brèche s’ouvre t-elle pour contraindre les assureurs à indemniser ?

Pour la première fois, les résultats de l’enquête de l’ACPR viennent d’être invoqués par un juge pour motiver son interprétation de la clause ambiguë d’exclusion de garantie en faveur de l’assuré. Ce jugement rendu par le tribunal de Nice le 13 janvier 2021 (T. com. Nice 13-1-2021 n° 2020F00372) est susceptible de créer un précédent jurisprudentiel, si jamais la décision était confirmée en appel.

Cette décision ne manque d’ailleurs pas de faire écho à l’affaire britannique au cours de laquelle la plus haute juridiction du pays a statué en faveur des assurés.

En effet, le régulateur financier d’Outre-Manche, la « Financial Conduct Authority » ( « FCA » ), œuvre depuis des mois en faveur des entreprises désireuses de se faire indemniser pour pertes d’exploitation à la suite de la pandémie. Bataille remportée, puisque le 15 janvier dernier, la Cour Suprême britannique a franchi le pas en condamnant six assureurs à indemniser quelques 370 000 assurés au titre de leurs pertes d’exploitation.

Cette décision capitale et sans précédent de la plus haute juridiction britannique a fait peser un coût total d’indemnisation de près d’un milliard d’euros sur les assureurs concernés et devrait avoir des répercussions sur le reste du marché mondial de l’assurance.

Cependant, il parait glissant intellectuellement d’utiliser de cette manière des publications d’une instance de contrôle qui émet des avis motivés et équilibrés en vue d’une meilleure compréhension et amélioration du marché. La vraie question qui est celle de l’assurabilité de la crise actuelle doit continuer à être posée, et elle n’est pas tranchée à ce jour.

Par Patrice GRENIER, fondateur du cabinet Grenier Avocats

Procès [I]Ikea[/I] : ouverture et premiers interrogatoires

En compagnie de quinze personnes physiques, la filiale française du groupe « scandinave » (mais hollandais) est renvoyée devant le tribunal correctionnel de Versailles, pour une série d’infractions relatives aux données personnelles de collaborateurs et de clients. Plus d’une centaine de parties civiles leur font face. Le procès doit durer deux semaines.

en lire plus

Articulation des articles L. 124-5 et L. 113-3 du code des assurances

L’article 111-3 du code des assurances, qui fixe les modalités dans lesquelles la garantie ne peut être suspendue et le contrat résilié en cas de non-paiement des primes, ne fait pas obstacle à l’application de l’article L. 124-5 du même code dès lors que le fait engageant la responsabilité de l’assuré survient à une date à laquelle la garantie était en vigueur et que la première réclamation, effectuée après la résiliation du contrat, l’a été dans le délai de garantie subséquente.

en lire plus