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Après la transposition de la directive « Service de médias audiovisuels », la suite de la réforme se profile

La directive (UE) 2018/1808, dite « Service de médias audiovisuels » (SMA) devait être transposée au plus tard le 19 septembre 2020, par le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique. Mais l’examen du texte a été interrompu par la crise sanitaire. Prise sur le fondement de l’habilitation prévue par la loi dite « DADDUE » n° 2020-1508 du 3 décembre 2020, l’ordonnance n° 2020-1642 du 21 décembre 2020 est venue opérer cette transposition, nouvelle étape de l’adaptation de la réglementation audiovisuelle aux évolutions profondes du secteur.

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Tribune – Les enjeux de l’intervention de l’AGS en cette période de crise

Quelles sont les perspectives pour l’assurance garantie des salaires ?

Franck Morel : En cette période de crise, l’existence d’amortisseurs sociaux a démontré son importance capitale. C’est le cas de l’Association pour la Gestion du régime de garantie des créances des Salariés (AGS), créée par la loi du 27 décembre 1973, avec pour objet de garantir, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire des entreprises, puis de procédure de sauvegarde, le paiement des créances dues en exécution du contrat de travail ou liées à sa rupture (Loi 73-1194 du 27 décembre 1973 tendant à assurer, en cas de règlement, judiciaire ou de liquidation de biens, le paiement des créances résultant du contrat de travail). Les salariés bénéficient en effet lorsqu’est ouverte une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, de garanties spéciales à l’égard de leurs créances salariales. Un privilège spécifique renforcé sur ces créances, dans certaines limites, a été consacré par la loi (C. trav. art. L 3253-2 et s.). Les entreprises sont tenues de s’affilier à l’AGS à laquelle elles versent une cotisation obligatoire et cette institution de garantie effectue des avances auprès des salariés pour couvrir en particulier certaines créances salariales exigibles à la date du jugement d’ouverture de la procédure de redressement ou liquidation judiciaire et celles, dans certaines limites, résultant de la rupture du contrat de travail notifiée après le jugement d’ouverture.

L’AGS est, dans certaines hypothèses, subrogée dans les droits des salariés pour lesquels elle a effectué des avances (C. trav. art. L 3253-16) et notamment au titre des créances superprivilégiées. Cela implique que le droit à paiement du salarié sur les premières entrées de fond, à défaut de disponibilités profite du fait de cette subrogation à l’AGS pour les sommes avancées, avant même exercice du superprivilège (la doctrine admet largement ce principe : C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, LGDJ, 12ème éd. 2020, n°1146, A. Jacquemont, N.Borga et T. Mastrullo, Droit des entreprises en difficulté, Lexis Nexis, 11ème ed., 2019, n°1179, P. Le cannu et D. Robine, Droit des entreprises en difficulté, Dalloz, 8ème ed. 2020, n°699). Cela résulte du droit positif mais aussi de l’esprit des textes. A supposer que les dispositions de l’article L 3253-16 du Code du travail ne soient pas appliquées, il en résulterait, conformément aux dispositions des articles L 622-17 et L 641-13 du Code de commerce, le paiement à échéance des créances de l’AGS nées régulièrement après l’ouverture de la procédure. L’exigibilité de ces sommes par l’AGS pourrait compromettre toute poursuite d’exploitation des entreprises, en lui permettant de prendre toute mesure d’exécution pour le règlement de sa créance. Or, une interprétation des textes privant d’effet la subrogation, contraire à leur lettre et à la position de la doctrine et qui serait fondée par exemple sur le caractère « alimentaire » du superprivilège des salaires qui le rendrait non transmissible à l’AGS, est contraire à la volonté du législateur. En effet, celui-ci a, pour éviter que les créances salariales postérieures au jugement d’ouverture de la procédure, prises en charge par l’AGS, ne viennent alourdir le passif des entreprises en procédure collective, d’une part écarté pour l’AGS l’application des dispositions des articles L 622-17 et L 641-13 du Code de commerce et d’autre part créé l’article L 3253-16 du Code du travail. Ainsi, elles n’entrent pas en concours avec les autres créances postérieures privilégiées.

La crise impose de demeurer vigilant pour préserver cet outil qui a versé en 2019 près de 1,5 milliards d’euros d’avances aux salariés (rapport annuel d’activité 2019/2020 AGS). La loi a progressivement élargi le champ d’intervention de l’AGS, à de nouvelles catégories de salariés, à de nouvelles sommes devant être prises en charge et à de nouvelles périodes couvertes. Selon la directrice de la délégation Unédic AGS :  « entre 2010 et 2019, le montant moyen avancé par l’AGS par bénéficiaire a augmenté de près de 15 %, alors même que le nombre de dossiers ouverts par l’AGS a significativement diminué sur la même période (Numéro spécial « 10 ans : 2010-2019 » du bulletin trimestriel « Les Chiffres AGS ») » (Houria Aouimeur-Milano, Détermination du plafond de garantie de l’AGS : un rappel opportun, un débat à ouvrir, Semaine Sociale Lamy, n°1923, 5 octobre 2020). Les avances effectuées au titre du superprivilège sont devenues progressivement minoritaires dans le total des avances effectuées alors même que leur taux de récupération est logiquement bien supérieur s’établissant à environ 50 % contre 30 % pour les autres créances.

Si les défaillances d’entreprises sont pour l’heure en apparence contenues à environ une moyenne mensuelle en 2020 de 2400 contre 4300 en 2019 (Insee), compte tenu notamment des mesures d’urgence déployées, on peut craindre un effet ciseau à terme en sortie de crise et une sollicitation plus forte encore de l’AGS à l’heure où ses finances seront contraintes, ne pouvant induire une hausse de la cotisation pesant sur les entreprises.

C’est dans ce contexte qu’intervient la transposition de la directive (UE) 2019-1023 du 20 juin 2019 sur la restructuration et l’insolvabilité via une ordonnance prévue par l’article 60 de la loi 2019-486 du 22 mai 2019 dite loi Pacte. Dans ce cadre, le contexte doit peser dans la rédaction de l’ordonnance pour une préservation de la capacité donnée à l’AGS de remplir son rôle d’amortisseur notamment en conservant le rang des créances salariales superprivilégiées (C. com. art. L 622-17, L 641-13 et L 643-8).

Le rétrograder serait mettre en danger le régime même dans un contexte de crise sanitaire qui ne s’y prête guère alors que ce mécanisme est l’un des plus protecteurs d’Europe pour les salariés (Houria Aouimeur-Milano, op.cit.). Surtout, qu’est-ce qui est plus important que de protéger, via des garanties adaptées, les droits de ceux qui travaillent et dont l’activité, et parfois même la survie quotidienne, est mise en danger par un contexte économique dégradé ? La question est essentielle.

Pourquoi cette question du maintien du rang actuel du superprivilège est-elle si essentielle ? Pour L’AGS ? Pour les salariés et les entreprises ?

Patrick Morvan : Il est contestable de vouloir appauvrir l’AGS – en lui infligeant une rétrogradation dans l’ordre des créanciers – au nom d’une directive européenne qui ne traite aucunement de cette question (la directive 2019/1023 du 20 juin 2019 visant, selon son article 1er, à définir les « cadres de restructuration préventive accessibles aux débiteurs en difficulté financière »). D’abord, ce zèle est la manifestation d’un fléau contemporain qui jette parfois (injustement) le discrédit sur le droit de l’Union européenne : la « sur-transposition des directives ». Ensuite, la « protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur » est l’objet et l’intitulé d’une autre directive, très ancienne : la directive 80/987/CEE du 20 octobre 1980 ou directive « Insolvabilité » (révisée et recodifiée dans la directive 2008/94/CE du 22 octobre 2008). Enfin, l’AGS, à cette époque, était déjà née, en l’occurrence de la loi du 27 décembre 1973 qui opéra ainsi la transposition anticipée de la directive « Insolvabilité » de 1980. En résumé, on voudrait aujourd’hui sur-transposer une directive (celle de 2019) pour affaiblir l’institution de garantie (l’AGS) qui servit de modèle au droit européen (à la directive « Insolvabilité ») et à toutes les législations des pays de la Communauté européenne. C’est plus que singulier.

Cette réforme serait compréhensible si elle entraînait une amélioration et non une régression de la « protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de leur employeur », requise par l’actuelle directive Insolvabilité.

Rappelons cette évidence que l’AGS a été instituée par un accord conclu entre des organisations représentatives d’employeurs, exclusivement, et que son financement découle d’une cotisation patronale, uniquement. Aucun salarié ne subit de précompte sur sa rémunération pour bénéficier de cette garantie. Elle est pourtant à nulle autre comparable dans l’Union européenne : le plafond de la garantie dépasse de loin celui en vigueur dans les autres États membres tandis que la jurisprudence de la Cour de cassation n’a eu de cesse, depuis la fin des années 1990, d’étendre le champ de la garantie AGS. Or, rétrograder l’AGS dans le classement des créanciers privilégiés, en dépouillant l’institution du superprivilège des salaires, ne ferait que grever ses ressources. Un tel projet mérite désapprobation quand il s’agit de ressources purement patronales finançant une garantie remarquablement étendue.

Au demeurant, rétrogradée, l’AGS l’est déjà à plus d’un titre par la loi : une fois subrogée au titre des créances avancées en cas de liquidation judiciaire, l’AGS subit une rétrogradation dans l’ordre des paiements du premier au quatrième rang des créanciers postérieurs  (C. com., art. L  641-13, III, 4°) ; pire, les « autres sommes avancées » dans une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, à savoir les créances antérieures autres que superprivilégiées et celles dues en cas de rupture du contrat de travail, sont « remboursées » dans les conditions prévues par le droit des procédures collectives « pour le règlement des créances nées antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure » (C. trav. art. L  3253-16, 2° : en d’autres termes, la subrogation est exclue et ces créances sont fictivement qualifiées de créances antérieures, ne bénéficiant que du privilège général des salaires). La subrogation pleine et entière dans le superprivilège des salaires demeure le seul espoir véritable que l’AGS puisse nourrir dans le remboursement (très partiel) de ses avances.

Une réforme, aussi technique qu’elle paraisse, devrait être abandonnée lorsqu’elle menace d’assécher les ressources d’un grand modèle social.

Quelle est la portée du principe de subsidiarité ?

Franck Morel : Par ailleurs, il est également important de veiller à ce que l’intervention de l’AGS ne soit effective que dans les situations où cela s’impose. C’est ce que l’on appelle le principe de subsidiarité. Le législateur a ainsi indiqué que « si les créances ne peuvent être payées en tout ou partie sur les fonds disponibles avant l’expiration des délais » légaux d’établissement des relevés de créances, « le mandataire judiciaire demande, sur présentation des relevés, l’avance des fonds nécessaires » à l’AGS (C. trav. art. L 3253-20). Veiller à une intervention adéquate de l’AGS, c’est la préserver et donc préserver les garanties qu’elle apporte aux salariés et entreprises, et pour cela, dans un contexte qu’un auteur désignait au sujet de questions transnationales en indiquant que « l’AGS a beau être bonne fille et habituée à toutes les audaces de magistrats tentés de trouver dans ses poches profondes de quoi panser les plaies des estropiés de la crise économique », il faut éviter que l’AGS soit une « vache à lait universelle » (FX. Lucas, L’essentiel, Droit des entreprises en difficultés commentaires de CA Colmar, 9 juin 2011, n°10/2652, n°11 décembre 2011). On ne saurait mieux dire…

Alors même qu’il a semblé remis en cause, ce principe est essentiel à la préservation de la mission assurantielle de l’AGS. La jurisprudence a permis de préciser son champ. Il en ressort qu’il régit les relations entre l’AGS et les organes de la procédure collective et ne saurait en revanche être invoqué dans les relations entre le débiteur et l’AGS et à l’encontre des salariés dès lors que les créances concernées entrent dans le champ de la garantie. C’est le sens qui peut être donné à la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation qui a semblé rendre le principe de subsidiarité théorique « car plusieurs solutions de la Cour de cassation le rendent illusoires » (L. Fin-Langer, Les risques subis par les salariés, RPC, n°6, nov. 2010, dossier 10, spéc. n° 22).  Si le juge a reconnu la garantie AGS même si un tiers s’était engagé à garantir le paiement des salaires (Cass. soc. 1-12-1993 n° 91-40.761 P : RJS 1/94 n° 39), ou dans le cadre d’un groupement d’employeurs alors même que ses membres sont tenus aux dettes du groupement (Cass. soc. 9-3-2004 n°02-41.851 F-PB : RJS 5/04 n° 542), ou plus simplement même dans le cas où la créance pouvait être couverte par les fonds disponibles de l’entreprise (Cass. soc. 10-12-1996 n° 95-40.485 PB), il s’agit dans tous les cas de régler des relations entre employeurs et salariés. En revanche, le juge a rappelé l’enchainement des opérations lorsqu’un litige opposait un salarié directement à l’AGS en précisant que si les créances résultant du contrat de travail ne peuvent être payées sur les fonds disponibles, le représentant des créanciers demandait l’avance des fonds à l’AGS, la preuve de l’absence ou de l’insuffisance de ces fonds n’incombant pas au salarié (Cass. soc. 21-10-1998 n° 96-19.865 : RJS 2/99 n° 206).

Il serait pertinent de saisir la prochaine intervention d’une ordonnance pour mieux préciser dans ce sens le mode de mise en œuvre du principe de subsidiarité. Si dans le cas d’une procédure de sauvegarde, le mandataire judiciaire justifie à l’AGS lors de sa demande que l’insuffisance de fonds disponibles est caractérisée (C. trav. art. L 3253-20), cette précision n’est pas apportée en cas de redressement ou de liquidation judiciaire. Pour autant, le principe de subsidiarité est également applicable dans ces situations, étant antérieur à cet ajout législatif concernant la procédure de sauvegarde par l’article 178 de la loi du 26 juillet 2005. Il a donc préexisté dans le droit positif pendant plus de 30 ans avant cet ajout et il serait spécieux et irrespectueux du législateur de considérer que cet ajout montre qu’il était inapplicable en cas de redressement ou de liquidation judiciaire durant ces 30 années ! Il faut le rappeler dans un contexte où un auteur souligne que de longue date et de manière persistante, « la pratique s’était instauré de demander à l’AGS de faire l’avance des créances superprivilégiées même s’il y avait dans l’entreprise certaines liquidités, de façon à faire bénéficier celle-ci d’un crédit gratuit très favorable pour la poursuite de son activité » et que cette pratique s’est maintenue « et l’on a continué à voir figurer les avances de l’AGS dans la plupart des plans de financement d’entreprises en règlement collectif » (C. Souweine, note sous Cass. soc. 15-12-1998, D.1999, p.205). Si dans le cas d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, la situation étant celle d’une présomption de l’absence de fonds disponibles (D. Arlie, Les plafonds de garantie des créances salariales sous l’éclairage de quelques arrêts récents, JCP E, n°31-35, 30 juillet 2015, spéc. n° 24), ce serait, à l’inverse de ce qui est légalement prévu dans la cadre d’une procédure de sauvegarde, à l’AGS de contester le cas échéant l’absence de fonds disponibles devant le juge ayant ouvert la procédure collective en application de l’article R 662-3 du Code du commerce.

Mais la clarification de la possibilité de bénéficier des fonds issus de la cession de l’entreprise dans une procédure collective suppose aussi de préciser ce qu’il faut entendre par « fonds disponibles ».

Si le débiteur en procédure collective ne peut librement disposer de ces biens, on ne peut en déduire, sauf à priver la disposition légale de toute portée, que les fonds ne sont jamais « disponibles ».

Du reste, l’AGS a bien durant l’année 2020, appliqué ces dispositions en ne procédant pas à des avances dès lors que des fonds étaient disponibles dans les dossiers Camaïeu, Un Jour Ailleurs ou encore Courtepaille.

Que faut-il entendre concrètement par fonds disponibles ?

Charles Croze : La notion de fonds disponibles n’est pas définie par la loi. En l’absence de définition, il y a lieu de considérer que sont disponibles les fonds détenus par l’entreprise et/ou par les organes de la procédure collective pour le compte de l’entreprise tant issus de l’activité courante de l’entreprise que, le cas échéant, de la réalisation de tout ou partie de ses actifs, sauf hypothèse où la loi ou une décision juridictionnelle viendrait à considérer que les fonds sont expressément indisponibles.

S’agissant des fonds issus de l’exploitation courante, l’entreprise en a la libre disposition que ce soit à l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Elle peut donc en disposer librement pour assumer le paiement des charges qui sont les siennes, sous réserve naturellement de respecter, d’une part les restrictions de pouvoirs inhérentes à la désignation des organes de la procédure collective au premier rang desquels les pouvoirs de l’administrateur judiciaire et, d’autre part, les interdictions légales de paiements de certaines dettes, en l’occurrence les dettes antérieures et les dettes dites postérieures non privilégiées (C. com. art. L 622-7 et L 622-17).

Il en est de même en liquidation judiciaire, sous les mêmes réserves, à savoir le respect des règles inhérentes au dessaisissement du débiteur (C. com. art. L 641-9) et l’interdiction de paiement des créances antérieures ou postérieures non privilégiées.

L’entreprise est donc habilitée à disposer de sa trésorerie aux fins de paiement de créances salariales, qu’il s’agisse de salaires et/ou d’indemnités de rupture de contrats de travail. La trésorerie courante constitue la première source de fonds disponibles.

Le même raisonnement doit s’imposer sur les fonds issus de la réalisation d’actifs, sauf disposition légale contraire.

Franck Morel : Si on considère que le jugement de cession ne valant pas cession, le prix ne serait ainsi pas « disponible », il faut cependant souligner que ce jugement permet de produire des effets quand bien même les actes de cession n’ont pas été passés. Le repreneur peut ainsi disposer du bien si le prix de cession est intégralement payé (C. com. art. L 642-9). Dès lors pourquoi le mandataire judiciaire ne pourrait-il pas également disposer librement du prix de cession avant la régularisation des actes de cession dès que le repreneur est entré en jouissance du bien ? Certains auteurs ont d’ailleurs pu indiquer que le principe posé par la loi (C. com. art. L 642-11) selon lequel le prix payé par le cessionnaire reste acquis, le législateur ayant précisé que le tribunal peut prononcer la résolution ou résiliation des actes passés en exécution du plan résolu aboutit à permettre « au liquidateur de distribuer le prix de cession sans attendre que le cessionnaire ait exécuté toutes ses obligations » (F. Pérochon, Droit des entreprises en difficulté, LGDJ, 1994, n°1303). Le prix reste acquis donc même en cas de résolution et la Cour de cassation n’a jamais indiqué le contraire y compris dans un arrêt ou il était question d’une situation caractérisée par l’absence de paiement du prix de cession (Cass. com. 1-2-2000 n° 97-14.234 D).

N’existe-t-il pas des obstacles au paiement sur les fonds disponibles des créances salariales liés notamment à l’ordre légal des paiements en liquidation judiciaire ?

Charles Croze : Considérer que l’entreprise en difficulté qui détient des fonds disponibles ne peut pas faire appel à la garantie de l’AGS n’aurait pas de sens si simultanément l’entreprise n’était pas autorisée par la loi à procéder au paiement des créances salariales dues.

S’agissant de certaines créances salariales antérieures à l’ouverture de la procédure collective, l’entreprise et les organes de la procédure collective peuvent, en présence de fonds disponibles, régler lesdites créances, en application des articles L 625-8 et L 631-18 du Code de commerce, puisque la loi n’interdit pas le paiement de cette typologie de créances antérieures, mais au contraire le prévoit expressément sur les premiers fonds disponibles.

S’agissant des créances salariales nées après ouverture de la procédure collective, la jurisprudence (Cass. soc. 2-10-2001 n° 97-21.827 FS-P : RJS 12/01 n° 1435 ; Cass. soc. 16-6-2010 n° 08-19.351 F-PB : RJS 10/10 n° 766) admet de manière constante que les créances salariales qui naissent postérieurement à l’ouverture d’une procédure collective sont des créances dites postérieures privilégiées (C. com. art. L 622-17 et art. L 641-13), qu’il s’agisse des salaires dus en contrepartie de la prestation de travail et/ou des indemnités de rupture des contrats de travail autorisée soit par le juge-commissaire soit par le tribunal. Lorsque ces créances deviennent exigibles à l’égard de l’employeur en difficulté, les salariés sont donc légitimes à prétendre au paiement à échéance des sommes qui leur sont dues et l’employeur est légitime à procéder au paiement de cette dette postérieure privilégiée. C’est bien sur ce fondement que l’employeur en période d’observation de sauvegarde ou de redressement judiciaire assume tous les mois le règlement des salaires dus aux salariés. Le même raisonnement est transposable aux indemnités de rupture dues aux salariés licenciés. Rien dans la loi n’exclut non plus ce modus operandi en liquidation judiciaire, eu égard aux dispositions de l’article L 641-13 du Code de commerce.

Les dispositions relatives à l’ordre des paiements ne constituent donc pas un obstacle de nature à empêcher tant l’entreprise en difficulté que les organes de la procédure collective de régler les créances salariales dues, puisqu’il n’y a  pas lieu à classement des créances salariales nées postérieurement à l’ouverture de la procédure collective. Ce n’est que dans l’hypothèse où les créances salariales ne sont pas payées par l’entreprise en difficulté et/ou les organes de la procédure collective à échéance qu’il y a lieu à classement et de les intégrer au sein de l’ordre légal des paiements (C. com. art. L 641-13 III), que le salarié demeure créancier et/ou que l’AGS ait avancé au bénéfice du salarié les sommes dues et vienne en ses lieux et place au passif de l’entreprise.

Franck MOREL est avocat associé chez Flichy Grangé Avocats et ancien conseiller social du Premier ministre

Patrick MORVAN est professeur à l’université Paris II Panthéon-Assas

Charles CROZE est avocat associé chez Carnot Avocats

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L’absence d’exploitation des locaux par le locataire commercial ne justifie pas la résolution du bail

La résiliation judiciaire d’un bail commercial pour défaut d’exploitation des locaux ne peut pas être prononcée si aucune stipulation expresse du bail ne fait obligation au locataire d’exploiter son fonds de commerce dans les lieux loués.

Après avoir rappelé ce principe, la Cour de cassation a censuré la décision d’une cour d’appel qui avait prononcé la résiliation du bail commercial aux torts partagés entre le locataire et le bailleur en retenant que le locataire avait commis une faute grave en cessant toute exploitation et en quittant les locaux loués, alors même que l’exercice d’une activité commerciale n’était pas entravé. En effet, relève la Cour de cassation, le contrat de bail ne comportait aucune obligation d’exploitation permanente.

A noter : 1. Jurisprudence constante. Le défaut d’exploitation du locataire ne constitue pas une faute justifiant la résolution du bail commercial, sauf si le contrat contient une clause imposant l’exploitation effective et continue dans les lieux loués (Cass. 3e civ. 10-6-2009 n° 07-18.618 et n° 08-14.422 : RJDA 8-9/09 n° 705 ; Cass. 3e civ. 16-10-2012 n° 11-25.234 F-D : RJDA 1/13 n° 16). 

En l’espèce, le locataire, invoquant des infiltrations d’eau, avait quitté les locaux mais il résulte de l’arrêt d’appel que les infiltrations, auxquelles il avait pu mettre fin, ne l’empêchaient pas d’exploiter son fonds.

2. Même lorsqu’il n’est pas une cause de résolution du bail, le défaut d’exploitation du fonds de commerce par le locataire n’est pas sans risque. En effet, l’exploitation effective d’un fonds de commerce dans les lieux est une condition d’application du statut des baux commerciaux (C. com. art. L 145-1) mais également du droit au renouvellement du bail du locataire (C. com. art. L 145-8).

Vanessa VÉLIN

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 5241

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Cass. 3e civ. 3-12-2020 n° 19-20.613 F-D