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Sanction des clauses abusives : le juge a des pouvoirs étendus pour éviter la nullité du contrat

Lorsqu’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne peut pas subsister après la suppression d’une clause abusive, qu’il n’existe aucune disposition de droit national à caractère supplétif et que l’annulation de ce contrat aurait des conséquences particulièrement préjudiciables pour le consommateur, le juge national doit prendre toutes les mesures nécessaires afin de protéger le consommateur de ces conséquences.

La Cour de justice de l’Union européenne a été appelée à rappeler ce principe, saisie par un juge roumain qui avait déclaré abusive la clause fixant le taux d’intérêt variable d’un prêt consenti à un consommateur et l’avait annulée. Estimant que le prêt ne pouvait pas subsister sans cette clause, qu’il n’existait pas de disposition supplétive permettant de fixer ce taux d’intérêt en droit roumain et que l’annulation du contrat exposait le consommateur à l’obligation de rembourser le capital sans tarder, le juge interrogeait la CJUE sur les conséquences qu’il convient de tirer de la constatation du caractère abusif de cette clause et sur les solutions permettant, dans ce contexte, d’assurer la protection des consommateurs

La CJUE a précisé que le juge national peut, dans de telles circonstances, inviter les parties à négocier en vue de fixer les modalités de calcul du taux d’intérêt, pourvu qu’il fixe le cadre de ces négociations et que celles-ci visent à établir entre les droits et les obligations des parties un équilibre réel tenant notamment compte de l’objectif de protection du consommateur. Toutefois, les pouvoirs du juge ne sauraient s’étendre au-delà de ce qui est strictement nécessaire afin de rétablir l’équilibre contractuel entre les parties au contrat et ainsi de protéger le consommateur, sans qu’il soit permis au juge de modifier ou de modérer le contenu des clauses abusives.  

A noter : Les clauses abusives ne lient pas les consommateurs. L’inefficacité de ces clauses n’a, en principe, pas d’incidence sur le contrat dans lequel elles figurent, lequel reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives, s’il peut subsister sans celles-ci (Dir. 93/13 du 4-4-1993 art. 6 ;  C. consom. art. L 241-1). Si le contrat ne peut pas subsister sans la clause déclarée abusive, il est nul. Lorsque cette annulation expose le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables (par exemple, dans le cas d’un prêt, dès lors que l’annulation emporte obligation de restituer la totalité du capital), le juge national peut remédier à cette nullité et substituer à la clause réputée non écrite une disposition de droit interne à caractère supplétif (CJUE 30-4-2014 aff. 26/13 :  RJDA 7/14 n° 676 ; Cass. 1e civ. 13-3-2019 n° 17-23.169 F-PB :  RJDA 11/19 n° 716), mais pas en réviser le contenu (CJUE 14-6-2012 aff. 618/10 :  RJDA 8-9/12 n° 807). Notamment, il a été décidé que le juge ne pouvait pas remédier aux lacunes d’un contrat en substituant à la clause abusive réputée non écrite des dispositions nationales prévoyant que les effets exprimés dans un acte juridique sont complétés par des effets découlant des principes d’équité (principes de vie en société) ou des usages (CJUE 3-10-2019 aff. 260/18 :  RJDA 3/20 n° 182), car cela constituerait une modification « créative » qui pourrait affecter l’équilibre des intérêts voulu par les parties.

La CJUE précise ici que ces solutions n’ont pas un caractère exhaustif et que la nécessité d’assurer un niveau élevé de protection du consommateur justifie que le juge prenne, en tenant compte de l’ensemble de son droit interne, toutes les mesures nécessaires afin de protéger le consommateur des conséquences particulièrement préjudiciables que l’annulation du contrat pourrait provoquer. 

La solution n’a pas vocation à être appliquée à un contrat de prêt français, puisque la Cour de cassation admet que le taux légal constitue une disposition supplétive pouvant être substituée à la clause d’intérêt déclaré abusive (Cass. 1e civ. 13-3-2019 n° 17-23.169 précité). Elle n’en garde pas moins un intérêt en droit français, en ce qu’elle donne un aperçu de l’étendue des pouvoirs du juge lorsqu’il n’existe pas de disposition supplétive permettant de remédier à la suppression de la clause abusive et qu’il s’agit d’assurer l’effectivité de la protection des consommateurs. 

Maya VANDEVELDE 

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Concurrence Consommation n° 8492

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CJUE 25-11-2020 aff. 269/19

Contrôle de proportionnalité et filiation : toujours pas d’atteinte disproportionnée…

À l’occasion d’une action en constatation de la possession d’état, la Cour de cassation confirme la conventionnalité de principe des délais de prescription prévus par le droit français en matière de filiation. Elle approuve par ailleurs le contrôle de proportionnalité effectué en l’espèce par la cour d’appel et écarte tout atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de la demanderesse.

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Covid-19 : définition des critères d’éligibilité aux mesures relatives aux loyers et aux charges

Un décret du 30 décembre 2020 définit les critères d’éligibilité aux mesures relatives aux loyers et aux charges locatives prévues à l’article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire.

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Le niveau de réparabilité des équipements électriques ou électroniques doit désormais être indiqué

La loi 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage impose aux producteurs, importateurs et distributeurs d’équipements électriques et électroniques (EEE) de communiquer aux vendeurs de leurs produits, ainsi qu’à toute personne qui en fait la demande, l’indice de réparabilité de ces équipements, avec les paramètres ayant permis de l’établir. Les vendeurs d’EEE, y compris les vendeurs en ligne et ceux utilisant une plateforme de vente en ligne, doivent communiquer cette information au consommateur, sans frais, au moment de l’acte d’achat, par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout autre procédé approprié. Cette information doit également être mise en ligne (C. envir. art. L 541-9-2 : BRDA 10/20 inf. 17 n° 14).

Les conditions d’application de ces dispositions viennent d’être précisées par un décret du 29 décembre 2020, ce qui permet l’entrée en vigueur du dispositif le 1er janvier 2021.

L’indice de réparabilité est défini comme étant une note sur dix destinée à être portée à la connaissance des consommateurs au moment de l’achat d’un équipement neuf. Cet indice doit être calculé à partir de cinq critères : la durée de disponibilité de la documentation technique, le caractère démontable de l’équipement, les durées de disponibilité des pièces détachées, le rapport entre le prix de vente des pièces détachées et le prix de vente de l’équipement et un critère spécifique à la catégorie d’équipement concernée.

L’indice et les paramètres ayant permis de l’établir doivent être communiqués par les producteurs ou importateurs, d’une part, aux vendeurs, d’autre part, à toute personne qui en fait la demande pendant une période d’au moins deux ans après la mise sur le marché de la dernière unité d’un modèle d’équipement. Cet indice doit également figurer sur ou à proximité de chaque équipement proposé à la vente en magasin, et, en cas de vente en ligne, dans la présentation de l’équipement et à proximité du prix. Les paramètres de calcul de l’indice doivent être mis à disposition des consommateurs par tout procédé approprié.

Les paramètres généraux de calcul de l’indice de réparabilité, les modalités de l’affichage, le pictogramme et les codes couleurs devant être utilisés sont précisés par un arrêté du 29 décembre 2020.

D’autres arrêtés du même jour précisent les critères de calcul de l’indice spécifiques à certaines catégories d’équipements  : lave-linges ménagers à chargement frontal, ordinateurs portables, téléphones mobiles multifonctions, téléviseurs, tondeuses à gazon électriques filaires, tondeuses électriques à batterie et tondeuses électriques robot.

A noter : Tout manquement à ces obligations est passible d’une amende administrative d’un montant maximal de 3?000?€ pour une personne physique et 15?000?€ pour une personne morale (C. envir. art. L 541-9-4). Les textes d’application de la loi de lutte contre le gaspillage n’ayant été publiés que la veille de l’entrée en vigueur du dispositif, l’administration devrait être tolérante jusqu’au 1er janvier 2022 (lemonde.fr du 4-1-2021). 

La liste des produits concernés devrait progressivement être complétée, en fonction des « travaux concertés » avec les professionnels « dès 2021 », a fait savoir le ministère de la transition écologique (business.lesechos.fr du 31-12-2020).

Dominique LOYER-BOUEZ

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Concurrence Consommation n° 28000

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Décret 2020-1757 du 29-12-2020 : JO 31 texte n° 5 – Arrêté TRED2023670A du 29-12-2020 : JO 31 texte n° 18 – Arrêté TRED2023818A du 29-12-2020 : JO 31 texte n° 19 – Arrêté TRED2023819A du 29-12-2020 : JO 31 texte n° 20 – Arrêté TRED2023820A du 29-12-2020 : JO 31 texte n° 21 – Arrêté TRED2023822A du 29-12-2020 : JO 31 texte n° 22 – Arrêté TRED2023823A du 29-12-2020 : JO 31 texte n° 23 – Arrêté TRED2023824A du 29-12-2020 : JO 31 texte n° 24 – Arrêté TRED2023825A du 29-12-2020 : JO 31 texte n° 25