Catégorie : Suisse

Dana Grigorcea porte l’art comme un parfum

Bucarest, Vienne, Berlin ou Zurich: l’art ne connaît pas de frontières, selon l’écrivaine roumano-suisse Dana Grigorcea. Dans son troisième roman Die nicht sterben, le comte Dracula est le miroir de notre monde. De Berlin, elle est venue à Zurich avec son futur mari pour venir recueillir un prix littéraire qu’il avait gagné. Avec l’argent reçu, Perikles Monioudis a invité ses amis artistes. Ils ont pris un bateau sur le lac de Zurich, récité des poèmes et bu du champagne au coucher du soleil. «Tu vois, c’est Zurich», a dit l’écrivain à son épouse. Laquelle a répondu: «Restons-y.» Nous sommes assis devant l’opéra, sur la Sechseläutenplatz à Zurich. Dana Grigorcea rit. Elle écarte les bras comme pour embrasser le monde. «La générosité est ce qui caractérise l’artiste», s’exclame-t-elle. A Zurich, le couple a vécu un temps dans l’appartement de Marianne Oellers, la seconde épouse de Max Frisch. Dana Grigorcea a écrit son premier roman sur le bureau de l’écrivain zurichois où des…

Vieillesse, alcool et déprime: un cocktail toxique

La dépendance à un âge avancé se vit généralement en secret. Les Nations unies parlent d’une «épidémie cachée». Portrait d’un retraité qui y a plongé insidieusement – et qui ne peut désormais plus s’en défaire. Neuf heures et demie du matin et après deux cafés Lutz (café arrosé d’eau-de-vie), la paix revient lentement dans l’esprit de Hans-Peter Koller*. Une heure plus tard, il se sent comme dans du coton. Ensuite, c’est l’heure du déjeuner, avec un verre de vin rouge et un autre de schnaps, les nouvelles, une sieste, puis il sort faire du shopping. Le lundi et le jeudi, il rencontre une connaissance avec qui il prend un verre ou deux. Pour le dîner, il y a de l’eau minérale gazeuse mais, plus tard, quand sa femme va se coucher, il sort une autre bouteille, principalement du vin rouge et du plus lourd. Trois cafés Lutz, un ballon de blanc, ¾ d’une bouteille de rouge: c’est plus ou moins la dose quotidienne, résume ce retraité de 69 ans. «Mais bon, parfois, c’est le double avec en…

Le pari hasardeux de multimillionnaires opposés à l’UE

Qu’ont en commun Brexiters et adversaires suisses de l’Union européenne? Dans leurs rangs figurent de riches entrepreneurs et des gérants de fortunes, unis autour d’un pari incertain. Un constat aussi surprenant qu’explicable. «Souveraineté ou prospérité». C’est, aux dires sans cesse réitérés du gouvernement, de politiciens et représentants des médias, le dilemme auquel fait face la Suisse en matière de rapprochement avec l’UE. Autrement dit, la Confédération devrait renoncer à une partie de sa souveraineté pour maintenir son aisance économique, les entreprises dépendant du libre accès à la zone économique européenne. Ce narratif est désormais ancré dans l’esprit des Suisses. Il peut donc apparaître surprenant que des entrepreneurs, banquiers et gérants de fortune s’unissent contre l’accord-cadre (accord institutionnel). N’a-t-on pas répété à l’envi que l’économie bénéficierait d’une intégration à l’UE? Ce front du refus rappelle la situation outre-Manche. En fers de lance du…

En Suisse, la loi Covid-19 sera soumise au peuple

Les pouvoirs spéciaux du gouvernement pour faire face à la pandémie sont à l’ordre du jour d’une votation nationale en juin. Un groupe de citoyens a lancé un référendum contre la loi Covid, approuvée par le Parlement et mise en œuvre en septembre dernier. Les partisans du référendum contre la loi Covid-19 s’inquiètent du rôle prépondérant du Conseil fédéral dans le système fédéraliste et de démocratie directe du pays. La campagne témoigne aussi d’un certain scepticisme à l’égard de la politique de vaccination du gouvernement. La Suisse est le premier pays au monde à permettre à ses citoyens de se prononcer sur la base juridique de la gestion de la crise sanitaire. La votation est prévue pour le 13 juin, en même temps que quatre autres objets. Quel est l’enjeu? En septembre dernier, le Parlement a approuvé une loi couvrant un large éventail de mesures contre la propagation de la pandémie de Covid-19. Cette loi, qui comportait initialement 14 articles distincts, visait à donner…

Une app suisse sur les traces de Clubhouse

Lorsque le média social Clubhouse a franchi la grande muraille numérique chinoise, en début d’année, une application suisse de salle de réunion audio se préparait à faire sa propre entrée dans un espace de plus en plus concurrentiel. En février dernier, Clubhouse a fait les gros titres dans le monde entier lorsqu’elle a échappé à la censure chinoise, permettant à des gens de discuter librement de tout sujet de leur choix – pendant quelques jours, avant d’être fermée. Cette aventure chinoise aurait alors permis à l’application de discussion audio de gagner des millions d’utilisateurs hors de Chine. Toute cette agitation n’a pas échappé aux créateurs d’une application suisse concurrente, Angle, lancée le 30 mars. Mais son cofondateur Matthias Strodtkoetter assure en avoir eu l’idée indépendamment de cela, avant même de connaître Clubhouse. Chercheur en informatique quantique à l’Université de Tokyo en 2016, Matthias Strodtkoetter était frustré de ne pas pouvoir trouver un endroit…

«Le tourisme suisse pourrait profiter de la crise»

Le Suisse David Ruetz dirige le Salon international du tourisme de Berlin depuis 2003. Il s’agit du plus grand rassemblement mondial de l’industrie, qui permet de prendre le pouls de l’industrie du tourisme fortement impactée par la crise de la Covid-19. Interview. La pandémie a vidé les hôtels, les plages ou les centres-villes de leurs touristes. Après des années de croissance, l’industrie du voyage a subi un coup d’arrêt brutal. Les fournisseurs regardent toutefois vers l’avenir et développent de nouveaux concepts, affirme David Ruetz, directeur de l’ITB de Berlin, le plus grand salon du tourisme au monde. L’expert de la branche est convaincu que la Suisse profitera de l’essor attendu, car la demande de vacances dans la nature et en plein air a augmenté pendant la pause forcée. En outre, la sécurité devient un critère important pour choisir une destination. Âgé de 51 ans, le directeur de l’ITB est également l’auteur de plusieurs ouvrages sur les tendances touristiques et donne…

«La Suisse n’était plus la meilleure option pour nous»

Qu’est-ce que la patrie? Est-ce l’endroit où l’on est né, ou le pays qui offre une meilleure qualité de vie? À 85 ans, Thomas W. Voute a passé la majeure partie de sa vie aux États-Unis. Un crochet de quelques années en Suisse lui a toutefois fait prendre conscience de l’écart qui peut exister entre souvenirs et réalité. «Pour passer le contrôle technique en Suisse, il faut astiquer sa voiture dans tous les recoins et pratiquement la refaire à neuf», se désole Thomas Voute quand il repense aux quatre années qu’il a passées en Suisse au début des années 1990. Un criant retour à une réalité helvétique que ce Valaisan avait sans doute un peu oublié depuis son expatriation aux États-Unis quelque 30 ans auparavant. Né en 1936, Thomas Voute grandit à Crans-Montana. «On était bilingues, mais à la maison on parlait le suisse-allemand.» Il passe par la case pensionnat à Schiers (canton des Grisons) puis celle de l’apprentissage d’employé de commerce à Bâle. «La seule chose que j’aie faite…

Napoléon: un bicentenaire pas vraiment dans l’air du temps

La France s’apprête à célébrer le bicentenaire de la mort de Napoléon Bonaparte (5 mai), mais les célébrations autour de l’un des personnages les plus célèbres au monde font grincer quelques dents. Comme pour d’autres personnages historiques récemment critiqués et déboulonnés de leur piédestal, certaines des ses actions font polémique. Décryptage avec un historien spécialiste de la Révolution française et des relations franco-suisses. La charge peut-être la plus virulente contre les commémorations nous vient des États-Unis. Dans une opinion publiée dans le New York Times, une universitaire américaine d’origine haïtienne estime que «Napoléon n’est pas un héros à célébrer». Marlene L. Daut y décrit notamment Napoléon comme «le plus grand tyran de France», un «architecte des génocides modernes», «un belliciste raciste et génocidaire» ou encore une «icône de la suprématie blanche». Elle lui reproche en particulier d’avoir rétabli l’esclavage dans les Caraïbes françaises. En France…

L’action climatique de la Suisse se décide dans les urnes

Le peuple suisse est appelé à se prononcer sur l’un des piliers de la politique climatique nationale. Le 13 juin, les citoyens voteront sur la nouvelle loi visant la réduction des émissions de CO2, un texte qui divise aussi bien le monde des affaires que le mouvement climatique. Une crise ne doit pas en éclipser une autre. C’est l’avertissement lancé par des associations, des politiciens et des jeunes du monde entier, pour qui la situation liée au coronavirus ne doit pas détourner l’attention d’une crise dont les répercussions pourraient être encore plus graves et durables: le dérèglement climatique. Après une baisse en 2020, encouragée par le ralentissement de l’activité économique, les émissions mondiales de gaz à effet de serre sont reparties à la hausse. L’objectif de maintenir le réchauffement bien en deçà de 2°C semble de plus en plus éloigné, à moins d’un revirement rapide et décisif. En Suisse, ce changement se décidera dans les urnes: le 13 juin, le peuple se prononcera…

La Chine pose un dilemme à l’industrie des machines textiles suisse

Face aux accusations de travail forcé dans la chaîne du vêtement au Xingjiang, les liens et la dépendance des fabricants suisses de machines textiles vis-à-vis de la Chine posent d’épineuses questions. En 2014, année de l’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange entre la Suisse et la Chine, un groupe de membres de l’industrie ont visité des égreneuses de coton et des filatures au Xinjiang (ouest de la Chine). Un représentant de l’entreprise suisse Uster Technologies se trouvait parmi eux. Le voyage comprenait une visite avec le commandant adjoint de Xinjiang Construction and Production Corps, aussi connu sous le nom de XPCC. Au cours des années qui ont suivi, l’industrie des machines textiles helvétique a tiré profit de l’expansion de la production textile au Xinjiang. Les données douanières montrent qu’en 2017, la Suisse était le principal exportateur de composants pour machines à tricoter vers le Xinjiang. C’était deux ans avant que soient publiés les «China Cables»…