La qualité d’agent commercial reconnue à celui qui ne peut pas modifier les prix de son mandant

1. L’agent commercial est un mandataire indépendant qui est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de son mandant (producteur, industriel, commerçant ou autre agent commercial) (C. com. art. L 134-1). Cet agent commercial, dit « statutaire », est en droit de réclamer une indemnité compensatrice à son mandant lorsque ce dernier rompt unilatéralement le contrat en dehors de toute faute grave de l’agent (C. com. art. L 134-12 et L 134-13, 1°) mais aussi lorsque l’agent le rompt lui-même en raison de son âge, de sa santé ou de circonstances imputables au mandant. Tel est souvent l’enjeu de la qualification du contrat d’agence commerciale.

2. A la suite d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), la Cour de cassation vient de procéder à un revirement de jurisprudence sur la qualification de ce contrat.

La Cour de cassation, qui retenait une conception étroite de la notion de négociation…

3. L’article L 134-1 du Code de commerce résulte de la transposition de la directive européenne 86/653 du 18 décembre 1986 relative à la coordination des droits des Etats membres concernant les agents commerciaux indépendants. En vertu de l’article 1 de cette directive, l’agent commercial est celui qui, en tant qu’intermédiaire indépendant, est chargé de façon permanente soit de négocier la vente ou l’achat de marchandises pour une autre personne, dénommée « commettant », soit de négocier et de conclure ces opérations au nom et pour le compte du commettant.

4. La Cour de cassation a retenu une acception stricte de la notion de négociation, non définie par la directive, consacrant par là même une approche restrictive de la qualification d’agent commercial.

Afin de pouvoir distinguer l’agent commercial d’autres intermédiaires commerciaux, lesquels ne bénéficient pas du même statut protecteur, elle retenait jusqu’à présent que la négociation supposait que l’intermédiaire dispose d’une marge de manœuvre certaine pour influer sur les éléments constitutifs de la convention avant la conclusion du contrat avec le client, de nature à en permettre la réalisation (Cass. com. 14-6-2005 n° 03-14.401 F-D ; Cass. com. 10-10-2018 n° 17-17.290 F-D). Elle en déduisait que le terme de « négociation » ne pouvait se résumer à une simple promotion du produit, et pas davantage à la seule prospection de la clientèle ou encore à un rôle d’intermédiaire passif, mais s’entendait de la possibilité offerte à l’intermédiaire de modifier les clauses contractuelles initialement envisagées par le mandant, s’agissant notamment des prix et des conditions de vente des produits.

Pour des illustrations, voir Cass. com. 15-1-2008 n° 06-14.698 : RJDA 4/08 n° 396 et Cass. com. 9-12-2014 n°13-22.476 FS-D : BRDA 2/15 inf. 15, écartant la qualification d’agent commercial ; Cass. com. 19-6-2019 n° 18-11.727 F-D : BRDA 22/19 inf. 15, la retenant.

… adopte la solution retenue par la CJUE

5. La CJUE a précisé en 2020 l’interprétation qui doit être donnée à l’article 1 de la directive de 1986 : une personne ne doit pas nécessairement disposer de la faculté de modifier les prix des marchandises dont elle assure la vente pour le compte du commettant pour être qualifiée d’agent commercial, au sens de cette disposition (CJUE 4-6-2020 aff. 828/18).

6. Il en résulte, juge la Cour de cassation, que doit désormais être qualifié d’agent commercial le mandataire, personne physique ou morale, qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux, quoiqu’il ne dispose pas du pouvoir de modifier les prix de ces produits ou services.

Par suite, elle a cassé l’arrêt d’une cour d’appel qui avait refusé le bénéfice du statut d’agent commercial à une personne au motif que celle-ci était dans l’impossibilité de négocier les prix fixés par son mandant.

7. La Cour de cassation aligne donc sa jurisprudence sur celle de la CJUE. Cette dernière a précisé, dans sa décision de juin 2020, que la notion de « négociation » visée par la directive est, en l’absence de définition donnée par la directive ou de renvoi de celle-ci vers les droits nationaux, une notion autonome du droit de l’Union qui doit être interprétée de manière uniforme sur le territoire de cette dernière. Admettre que la qualité d’agent commercial puisse être exclue lorsque le mandataire ne dispose pas du pouvoir de modifier les tarifs permettrait au mandant, a-t-elle ajouté, de se soustraire, par une simple clause excluant ce pouvoir, aux dispositions impératives de la directive, telle celle relative à l’indemnisation de l’agent en cas de cessation du contrat, ce qui porterait atteinte à l’objet de la directive. Une telle clause est désormais sans incidence sur la qualification du contrat d’agence commerciale.

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Cass. com. 2-12-2020 n° 18-20.231 F-P