La lettre recommandée électronique en question

La Quotidienne : Qu’est-ce qu’une lettre recommandée électronique ?

Guillaume de Malzac : La lettre recommandée électronique (LRE) est le pendant électronique de la lettre recommandée avec accusé de réception au format papier. Elle peut être utilisée pour adresser aussi bien des particuliers que des professionnels et sa valeur est probante.

La Quotidienne : Existe-t-il différents types d’envoi électronique ?

G.M. : En effet, l’évolution législative de la LRE conduit à distinguer plusieurs types d’envoi électronique :

1. La lettre recommandée électronique, qui a une valeur probante. C’est le produit le plus fiable et le plus sécurisé mais c’est aussi celui qui demande le plus d’efforts de la part de celui qui l’envoie et de celui qui le reçoit. La LRE est qualifiée eIDAS (electronic IDentification Authentication and trust Services, est le règlement UE n° 910/2014 du 23 juillet 2014sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur).

2. L’envoi recommandé électronique (ERE), qui est le pendant non sécurisé et non probant de la lettre recommandée électronique. Ce type de recommandé, puisqu’il est moins sécurisé, est plus facile d’utilisation mais il ne bénéficie pas de la présomption de fiabilité et de la valeur probante de la LRE. En outre, il n’est pas qualifié eIDAS.

3. L’avis électronique, qui a été créé en 2020 pour les syndics de copropriété (décret 2020-834 du 2 juillet 2020). Il s’agit d’un mode de notification réservé aux syndics pour les convocations aux assemblées générales (AG), les procès-verbaux des AG par exemple… Il ne fait pas partie du périmètre du règlement eIDAS. C’est une spécificité du droit français réservée à un secteur d’activité et des usages précis.

La Quotidienne : Qu’est-ce qu’une qualification eIDAS ? Et quelles sont les prérequis pour certifier une LRE ?

G.M. : La qualification eIDAS est une certification décernée en France par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI). Pour obtenir cette qualification, plusieurs prérequis techniques et organisationnels doivent être mis en place tels que, par exemple, disposer de serveurs ultra sécurisés implantés en France, des clefs de sécurité… Une fois ces prérequis techniques mis en place, il faut déterminer un process pour la création de la LRE, sa sécurisation, sa remise et la vérification des identités, notamment. Au-delà de ses prérequis technique et process, il faut aussi que le périmètre de l’offre remplisse bien tous les critères d’une lettre recommandée (anonymat de l’expéditeur, délais d’instance…). L’offre doit ensuite être validée par l’ANSSI qui vient en parallèle auditer le site où sont implantés des data centers. Une fois l’audit effectué et le process validé par l’ANSSI, la qualification eIDAS peut être décernée. D’un point de vue utilisateur, le label eIDAS est synonyme de confiance.

La Quotidienne : Quels sont les contours de cette certification ?

G.M. : Certains services sont qualifiés dans un périmètre restreint, d’autres sont universels. Il existe ainsi des prestataires qui n’ont le droit de proposer des LRE que dans des cas précis : par exemple, dans le cas où l’expéditeur et le destinataire ont tous les deux une clef de signature électronique. Il existe aujourd’hui aussi un service qui a la capacité d’effectuer des vérifications d’identité à travers une webcam. Chaque service essaye de se démarquer et les utilisateurs doivent être attentifs à la fiabilité du prestataire et aux moyens d’identification qu’il a le droit de mettre en œuvre.

La Quotidienne : En pratique, comment déterminer si une lettre recommandée électronique est fiable ?

G.M. : Il faut en premier lieu vérifier que le prestataire qui offre ce service est qualifié eIDAS. Pour s’assurer de la fiabilité d’un prestataire, il suffit de se renseigner sur le site de l’ANSSI via n’importe quel moteur de recherche.

La Quotidienne : Quelle est la valeur juridique d’une lettre recommandée électronique ?

G.M. : Les envois de LRE ont été introduits dans le droit français en 2005, le décret d’application datant de 2011 (décret 2011-144 du 2 février 2011). La loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 prévoit un régime général des LRE afin qu’elles apportent les mêmes garanties que les lettres recommandées papier. Elle inclut notamment de nouvelles obligations pour les prestataires et de nouvelles sécurités pour les utilisateurs.

Depuis 2016, l’article L 100 du Code des postes et des communications électroniques prévoit que : « L’envoi recommandé électronique est équivalent à l’envoi par lettre recommandée, dès lors qu’il satisfait aux exigences de l’article 44 du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE. Dans le cas où le destinataire n’est pas un professionnel, celui-ci doit avoir exprimé à l’expéditeur son consentement à recevoir des envois recommandés électroniques. » Une LRE qui respecte un cahier des charges strict est donc la garantie pour l’utilisateur de pouvoir s’en servir en justice le cas échéant. L’article L 101 du même Code prévoit une amende de 50 000 euros à l’encontre de quiconque proposerait des services frauduleux de LRE.

A retenir : dès lors qu’on recherche la probité, la fiabilité ou lorsqu’un contrat l’exige, il faut utiliser la LRE. Par exemple, lors de la résiliation d’un abonnement internet, la LRE apportera la preuve devant un juge en cas de conflit. En revanche, les envois recommandés électroniques non qualifiés peuvent être utilisés lorsqu’on souhaite envoyer un recommandé qui ne requiert pas la probité. Pour une simple relance de paiement, par exemple.

Propos recueillis par Angeline DOUDOUX 

Guillaume de MALZAC, directeur général d’AR24, plateforme d’envoi de lettres recommandées électroniques, filiale de Docaposte