Délit d’écocide : l’avis (très) défavorable du Conseil d’Etat
Les sanctions prévues en cas de délit d’écocide, dont l’intentionnalité est l’un des éléments constitutifs, sont conséquentes : une peine de dix ans d’emprisonnement et 4,5 millions d’euros d’amende, ce montant pouvant être porté jusqu’au décuple de l’avantage tiré de l’infraction.
Dans un avis publié le 10 février 2021, jour de la présentation du projet de loi en Conseil des ministres, le Conseil d’Etat a considéré qu’il ne pouvait donner un avis favorable à ce délit d’écocide.
Selon le Conseil d’Etat, « le projet de loi n’assure [pas] une répression cohérente, graduée et proportionnée des atteintes graves et durables à l’environnement selon l’existence ou non d’une intention ».
Le Conseil d’Etat rappelle que « la connaissance du risque d’atteinte à l’environnement à raison du non-respect de cette règlementation est déjà incluse dans les éléments constitutifs de ces infractions[3] » et considère qu’il « n’est ainsi pas possible de prévoir l’aggravation de ces infractions à raison d’une circonstance aggravante [l’intention] qui est déjà l’un de leurs éléments constitutifs, le Conseil constitutionnel censurant, au nom du principe d’égalité devant la loi pénale, des dispositions législatives qualifiant des faits de manière identique, tout en faisant encourir à leur auteur, selon le texte d’incrimination sur lequel se fondent les autorités de poursuites, des peines de nature différentes (décision n° 2013-328 QPC du 28 juin 2013). »
Le Conseil d’Etat invite ainsi le Gouvernement à « rechercher, pour atteindre les objectifs poursuivis, d’autres choix de politique pénale s’inscrivant dans le respect des principes constitutionnels » et précise que les « options devront veiller, d’une part, à ce que le champ d’application des infractions ou des causes aggravantes de peine soit cohérent avec l’objectif de renforcement de la protection judiciaire de l’environnement, d’autre part, à ce que le quantum des peines soit gradué et proportionné aux infractions ou aux causes d’aggravation qu’elles sanctionnent. »
Une attention particulière devra donc être portée à ces dispositions du projet de loi Climat et Résilience qui ont vocation à être (encore) largement modifiées au cours des débats parlementaires.
[1] Par la création notamment d’un nouvel article L.230-1 du Code de l’environnement visant le « fait, en violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, d’émettre dans l’air, de jeter, déverser ou laisser s’écouler dans les eaux superficielles, souterraines ou les eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales, directement ou indirectement, une ou des substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets nuisibles graves et durables sur la santé, la flore, la faune, à l’exception des dommages visés aux articles L.218?73 et L.432?2, ou des modifications graves du régime normal d’alimentation en eau » et d’un nouvel article L.230-2 : « Le fait d’abandonner, déposer ou faire déposer des déchets, dans des conditions contraires aux dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre V et le fait de gérer des déchets, au sens de l’article L. 541?1?1, sans satisfaire aux prescriptions concernant les caractéristiques, les quantités, les conditions techniques de prise en charge des déchets et les procédés de traitement mis en œuvre fixées en application des articles L. 541?2, L. 541?2?1, L. 541?7?2, L. 541?21?1 et L. 541?22, lorsqu’ils entraînent le dépôt, le déversement ou l’écoulement dans ou sur les sols de substances dont l’action ou les réactions entraînent des effets qui portent une atteinte grave et durable sur la santé, la flore, la faune ou la qualité des sols ».
[2] Et non un « crime d’écocide » tel que cela avait été proposé par la Convention citoyenne pour le climat (voir sur ce thème : « Projet de loi climat : un délit d’écocide improuvable », Option finance du 5 février 2021).
[3] Mentionnées aux nouveaux articles L.230-1 et L.230-2 du Code de l’environnement
Par Céline CLOCHE-DUBOIS, associée et Anne PLISSON, avocat au sein du cabinet CMS Francis Lefebvre Avocats
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