Vol en retard : pas d’indemnisation si le transporteur prouve un retard inférieur à 3 heures

Le passager d’un vol en provenance de Milan qui devait atterrir à l’aéroport d’Orly à 22 h 30 et qui, en raison d’un départ retardé, avait finalement atterri à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle à 0 h 18 (l’aéroport d’Orly fermant ses portes à 23 h 30) poursuit la compagnie aérienne en indemnisation sur le fondement du règlement CE 261/2004 du 11 février 2004.

1. A droit à une indemnisation le passager d’un vol qui a atteint sa destination finale avec un retard de trois heures ou plus par rapport à l’heure prévue initialement (Règl. 261/2004 art. 6 et 7) ; cette destination finale est définie comme étant celle figurant sur le billet présenté au comptoir d’enregistrement ou, dans le cas des vols avec correspondance, la destination du dernier vol (Règl. art. 2, h). Il incombe au transporteur aérien de démontrer qu’il s’est acquitté de ses obligations (cf. C. civ. art. 1353).

La Cour de cassation en déduit que c’était à la compagnie aérienne de prouver que le passager avait atteint l’aéroport d’Orly, sa destination finale, avec un retard inférieur à trois heures. Elle censure donc la décision des juges du fond qui, après avoir constaté que l’avion avait atterri à l’aéroport de Roissy à 0 h 18 et non à celui d’Orly à 22 h 30, avaient retenu que le retard supérieur à trois heures n’était pas établi, inversant ainsi la charge de la preuve.

A noter : Le droit à indemnisation du passager qui subit un retard de trois heures ou plus à l’arrivée s’applique à condition qu’il dispose d’une réservation confirmée pour le vol et se présente à l’enregistrement, sauf en cas d’annulation du vol (Règl. art. 3, 2-a). Là encore, il incombe au transporteur qui entend, pour échapper à l’indemnisation, se prévaloir de l’absence du passager à bord du vol litigieux de le prouver ; de son côté, le passager n’a qu’à justifier de la confirmation de sa réservation (Cass. 1e civ. 21-10-2020 n° 19-13.016 FS-PBRI : RJDA 1/21 n° 19).

2. Par ailleurs, un transporteur aérien effectif n’est pas tenu d’indemniser le passager s’il est en mesure de prouver que l’annulation ou le retard d’un vol sont dus à des circonstances extraordinaires qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises (Règl. 261/2004 art. 5, 3).

Peuvent être qualifiés de circonstances extraordinaires les événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et échappent à la maîtrise effective de celui-ci (CJCE 22-12-2008 aff. 549/07 ; CJUE 4-5-2017 aff. 315/15 ; CJUE 17-4-2018 aff. 195/17).

En l’espèce, la fermeture de l’aéroport d’Orly, qui avait contraint l’avion à se diriger vers l’aéroport de Roissy, résultait de l’exécution d’une décision ministérielle du 4 avril 1968 excluant tout mouvement aérien à l’aéroport d’Orly entre 23 h 30 et 6 h 15, laquelle ne pouvait pas constituer, selon la Cour de cassation, une circonstance extraordinaire.

A noter : Des circonstances extraordinaires peuvent se produire, en particulier, en cas d’instabilité politique, de conditions météorologiques incompatibles avec la réalisation du vol concerné, de risques liés à la sécurité, de défaillances imprévues pouvant affecter la sécurité du vol, ainsi que de grèves ayant une incidence sur les opérations du transporteur aérien (Règl. considérant 14).

Jugé par exemple que constitue une circonstance extraordinaire la foudre qui frappe l’avion dans lequel les passagers doivent embarquer, obligeant le transporteur à affréter un nouvel appareil et provoquant un retard à l’arrivée de plus de trois heures (Cass. 1e civ. 12-9-2018 n° 17-11.361 FS-PBI : RJDA 1/19 n° 16).

En revanche, un transporteur aérien n’est pas exonéré de son obligation d’indemniser les passagers d’un vol annulé lorsque l’annulation résulte d’une grève spontanée de son personnel après l’annonce d’une restructuration de l’entreprise (CJUE 17-4-2018 aff. 195/17 : RJDA 7/18 n° 572). La Cour de justice a jugé dans cette affaire que la grève, conséquence sociale « ordinaire » d’une mesure normale de gestion (la restructuration), était inhérente à l’exercice normal de l’activité du transporteur et n’échappait pas à sa maîtrise effective (elle avait cessé dès la conclusion d’un accord entre le transporteur et les représentants du personnel).

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Cass. 1e civ. 17-2-2021 n° 19-21.362 F-P