L’égalité de traitement ne s’applique pas aux transactions conclues avec d’autres salariés

Selon l’article 2044 du Code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Même lorsqu’elle intervient dans les relations de travail, la transaction est régie par le seul Code civil. Ainsi, malgré la spécificité du droit du travail, le droit commun des obligations s’applique pour permettre aux parties à un contrat de travail de conclure une transaction afin de mettre fin à un différend concernant l’exécution même du contrat. Le juge est donc parfois amené à confronter le droit des obligations et ses principes, parmi lesquels figure la liberté contractuelle, aux spécificités du droit du travail, protectrices des salariés, comme l’égalité de traitement entre les salariés.

Des salariées revendiquent le bénéfice d’une indemnité transactionnelle

En l’espèce, la société La Halle avait conclu le 27 août 2015 avec les organisations syndicales représentatives un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) prévoyant notamment, dans un chapitre 8, le bénéfice d’une indemnité supra-conventionnelle s’adressant « aux salariés qui quittent l’entreprise dans le cadre du plan de départ volontaire externe, dont le poste est supprimé et qui acceptent un poste de remplacement en interne, dont le poste est supprimé et dont le licenciement ne peut être évité, qui sont transférés au service du repreneur d’un fonds de commerce dans les conditions de l’article L 1224-1 du Code du travail ».

La société avait ensuite conclu des transactions avec plusieurs salariés qui revendiquaient le paiement de l’indemnité prévue au chapitre 8 du PSE. Ces salariés avaient ainsi perçu une indemnité transactionnelle en octobre 2016.

Par suite, plusieurs salariées avaient, elles-aussi, sollicité de l’employeur le paiement de l’indemnité prévue au chapitre 8 ou d’un montant équivalent sous forme de dommages-intérêts en invoquant le principe d’égalité de traitement entre les salariés et en visant les salariés qui avaient bénéficié d’une indemnité transactionnelle.

La cour d’appel sanctionne l’employeur au titre du principe d’égalité de traitement

En appel, les juges du fond avaient condamné la société à payer aux salariées une somme au titre de leur préjudice né de la violation du principe d’égalité de traitement entre les salariés ainsi qu’une somme au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail. Pour en arriver à cette conclusion, ils avaient retenu que l’employeur n’avait pas proposé de protocole transactionnel comme il l’avait fait pour d’autres salariés, alors que leur situation était équivalente en terme d’ancienneté, de poste, de modification du contrat de travail pour raison économique et qu’elles avaient, comme eux, sollicité le bénéfice de l’indemnité supra-conventionnelle prévue par le PSE.

Le principe d’égalité de traitement n’est pas applicable aux transactions

Au visa de l’article 2044 du Code civil et du principe d’égalité de traitement entre les salariés, la Cour de cassation sanctionne ce raisonnement et casse l’arrêt de la cour d’appel. Pour cela, elle rappelle, en premier lieu, la nature de la transaction qui est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Elle précise, ensuite, qu’un salarié ne peut invoquer le principe d’égalité de traitement pour revendiquer les droits et avantages issus d’une transaction conclue par l’employeur avec d’autres salariés.

A noter : La Cour de cassation confirme ainsi une solution antérieure selon laquelle le principe d’égalité de traitement ne peut pas être invoqué par un salarié pour remettre en cause les droits et avantages d’une transaction revêtue de l’autorité de la chose jugée et dont il ne conteste pas la validité (Cass. soc. 30-11-2011 n° 10-21.119 FS-PB).

La liberté contractuelle et l’autorité de la chose jugée entre les parties, attachées à la transaction en tant que contrat, s’opposent naturellement à ce que les stipulations qui y sont prévues et par lesquelles les parties s’accordent pour éteindre ou prévenir leur différend entrent dans le champ d’application du principe d’égalité de traitement entre les salariés. La transaction suppose, par ailleurs, des concessions réciproques qui peuvent engendrer une différence de traitement par rapport à d’autres salariés qui y sont étrangers.

Yves DUFOUR

Pour en savoir plus sur le principe d’égalité de traitement et notamment d’égalité de rémunération, voir Mémento social n° 32110 s.

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Cass. soc. 12-5-2021 n° 20-10.796 F-P