Le directeur général délégué de société anonyme est bien un dirigeant de droit

Dans les sociétés anonymes (SA) à conseil d’administration, une ou plusieurs personnes physiques portant le titre de directeur général délégué peuvent, on le sait, être nommées par le conseil d’administration en vue d’assister le directeur général (C. com. art. L 225-53, al. 1). Le conseil détermine alors, en accord avec le directeur général, l’étendue et la durée des pouvoirs conférés aux directeurs généraux délégués, lesquels disposent, à l’égard des tiers, des mêmes pouvoirs que le directeur général (art. L 225-56, II).

Il résulte de ces dispositions, énonce pour la première fois la Cour de cassation, que le directeur général délégué, qui est chargé d’assister le directeur général et dispose de pouvoirs dont l’étendue est déterminée par le conseil d’administration, a la qualité de dirigeant de droit au sens de l’article L 651-2 du Code de commerce, de sorte qu’il engage sa responsabilité pour les fautes de gestion commises dans l’exercice des pouvoirs qui lui ont été délégués et qu’il peut être poursuivi à ce titre en comblement du passif social par application de ce texte.

Un directeur général délégué ne peut donc pas échapper à une condamnation à combler le passif de la SA au sein de laquelle il occupe ce poste en faisant valoir que, exerçant une fonction « d’auxiliaire » du directeur général, auquel il est subordonné, il n’a pas qualité de dirigeant de droit.

A noter :

A notre avis, le directeur général délégué doit également être considéré comme un dirigeant de droit pour l’application des autres dispositions visant les « dirigeants de droit » d’une société en redressement ou en liquidation judiciaire : notamment, C. com. art. L 631-19-1, al. 2 (incessibilité ou cession forcée des parts ou actions détenues par ces dirigeants) ; art. L 653-1, 2° (prononcé d’une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer à l’encontre de ces dirigeants).

Même si le directeur général délégué est chargé « d’assister » le directeur général (ou le président du conseil d’administration lorsque celui-ci cumule ses fonctions avec celles de directeur général), ce rôle ne suffit pas à caractériser un lien de subordination par rapport à lui et à mettre ainsi en cause sa qualité de dirigeant de droit ; en effet, ses pouvoirs sont fixés par le conseil, certes en accord avec le directeur général, mais non par celui-ci. A cela s’ajoute que, à l’égard des tiers, le directeur général délégué dispose des mêmes pouvoirs que le directeur général, à savoir le pouvoir de représenter la SA (C. com. art. L 225-56, I-al. 2).

Cette solution s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence rendue avant la loi NRE du 15 mai 2001, qui a dissocié les fonctions de président et de directeur général, le président pouvant cependant être directeur général : les anciens directeurs généraux de SA, à l’instar des directeurs généraux délégués actuels (issus de cette loi), avaient le même rôle qu’eux à l’égard du président du conseil qu’ils devaient assister. Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation avait jugé qu’une personne nommée directeur général de SA dans les formes et conditions prévues par la loi avait reçu du conseil d’administration des pouvoirs d’administration générale faisant de lui un véritable dirigeant de la société, ce qui excluait l’existence d’un lien de subordination (Cass. soc. 27-6-1973 n° 72-11.600 : Bull. civ. V n° 419). De même, le directeur général avait le pouvoir d’agir en justice au nom de la société, au même titre que le président du conseil d’administration et sans avoir à justifier d’une habilitation spéciale (Cass. ass. plén. 18-11-1994 n° 384 P : RJDA 12/94 n° 1308) ; dans ses conclusions sur cet arrêt, le Premier Avocat général M. Jéol avait écrit : « le législateur […] a fait du directeur général – comme du président, même s’il en est l’auxiliaire – un véritable mandataire social, un organe de la société capable d’en assurer à l’extérieur, y compris devant la justice, la représentation légale » (RJDA 12/94 p. 973).

L’arrêt commenté pose néanmoins une borne à la mise en jeu de la responsabilité du directeur général délégué : celle-ci ne peut sanctionner que les fautes de gestion commises « dans l’exercice des pouvoirs qui lui ont été délégués » ; il ne saurait donc être poursuivi pour des fautes commises dans l’exercice de la direction générale, dont il n’a pas la charge. A l’instar de l’administrateur, qui ne peut être poursuivi que pour manquement aux missions dont le conseil d’administration a la charge (le conseil détermine les orientations de l’activité de la société, veille à leur mise en œuvre, se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société, règle par ses délibérations les affaires qui la concernent et procède aux contrôles et vérifications qu’il juge opportuns).

On rappelle que ce dernier a, au sens des textes relatifs à la responsabilité pour insuffisance d’actif, la qualité de dirigeant de droit (Cass. com. 31-5-2011 n° 09-13.975 : RJDA 8-9/11 n° 725). Tel n’est pas le cas, en revanche, des membres du conseil de surveillance (Cass. com. 8-1-2020 n° 18-23.991 F-PB : RJDA 3/20 n° 164 rendu en matière d’interdiction de gérer mais applicable au comblement de passif).

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales n° 42640

Suivez les dernières actualités juridiques et assurez la reprise de l’activité pour vos clients ou votre entreprise avec Navis :

Vous êtes abonné ? Accédez à votre Navis à distance.

Pas encore abonné ? Nous vous offrons un accès au fonds documentaire NAVIS toutes matières pendant 10 jours.


Cass. com. 5-5-2021 n° 19-23.575 F-P