Cabinet Philippe ALLIAUME

Avocat à la Cour d'appel de Paris

L’insaisissabilité des biens des banques centrales

L’article L. 153-1 du code monétaire et financier déclare insaisissables les biens et avoirs des banques centrales et autorités monétaires. La Cour de cassation estime que cette insaisissabilité ne contrevient pas aux dispositions de l’article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et à l’article 1er, alinéa 1, de son protocole additionnel n° 1.

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Le directeur général délégué de société anonyme est bien un dirigeant de droit

Dans les sociétés anonymes (SA) à conseil d’administration, une ou plusieurs personnes physiques portant le titre de directeur général délégué peuvent, on le sait, être nommées par le conseil d’administration en vue d’assister le directeur général (C. com. art. L 225-53, al. 1). Le conseil détermine alors, en accord avec le directeur général, l’étendue et la durée des pouvoirs conférés aux directeurs généraux délégués, lesquels disposent, à l’égard des tiers, des mêmes pouvoirs que le directeur général (art. L 225-56, II).

Il résulte de ces dispositions, énonce pour la première fois la Cour de cassation, que le directeur général délégué, qui est chargé d’assister le directeur général et dispose de pouvoirs dont l’étendue est déterminée par le conseil d’administration, a la qualité de dirigeant de droit au sens de l’article L 651-2 du Code de commerce, de sorte qu’il engage sa responsabilité pour les fautes de gestion commises dans l’exercice des pouvoirs qui lui ont été délégués et qu’il peut être poursuivi à ce titre en comblement du passif social par application de ce texte.

Un directeur général délégué ne peut donc pas échapper à une condamnation à combler le passif de la SA au sein de laquelle il occupe ce poste en faisant valoir que, exerçant une fonction « d’auxiliaire » du directeur général, auquel il est subordonné, il n’a pas qualité de dirigeant de droit.

A noter :

A notre avis, le directeur général délégué doit également être considéré comme un dirigeant de droit pour l’application des autres dispositions visant les « dirigeants de droit » d’une société en redressement ou en liquidation judiciaire : notamment, C. com. art. L 631-19-1, al. 2 (incessibilité ou cession forcée des parts ou actions détenues par ces dirigeants) ; art. L 653-1, 2° (prononcé d’une mesure de faillite personnelle ou d’interdiction de gérer à l’encontre de ces dirigeants).

Même si le directeur général délégué est chargé « d’assister » le directeur général (ou le président du conseil d’administration lorsque celui-ci cumule ses fonctions avec celles de directeur général), ce rôle ne suffit pas à caractériser un lien de subordination par rapport à lui et à mettre ainsi en cause sa qualité de dirigeant de droit ; en effet, ses pouvoirs sont fixés par le conseil, certes en accord avec le directeur général, mais non par celui-ci. A cela s’ajoute que, à l’égard des tiers, le directeur général délégué dispose des mêmes pouvoirs que le directeur général, à savoir le pouvoir de représenter la SA (C. com. art. L 225-56, I-al. 2).

Cette solution s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence rendue avant la loi NRE du 15 mai 2001, qui a dissocié les fonctions de président et de directeur général, le président pouvant cependant être directeur général : les anciens directeurs généraux de SA, à l’instar des directeurs généraux délégués actuels (issus de cette loi), avaient le même rôle qu’eux à l’égard du président du conseil qu’ils devaient assister. Ainsi, la chambre sociale de la Cour de cassation avait jugé qu’une personne nommée directeur général de SA dans les formes et conditions prévues par la loi avait reçu du conseil d’administration des pouvoirs d’administration générale faisant de lui un véritable dirigeant de la société, ce qui excluait l’existence d’un lien de subordination (Cass. soc. 27-6-1973 n° 72-11.600 : Bull. civ. V n° 419). De même, le directeur général avait le pouvoir d’agir en justice au nom de la société, au même titre que le président du conseil d’administration et sans avoir à justifier d’une habilitation spéciale (Cass. ass. plén. 18-11-1994 n° 384 P : RJDA 12/94 n° 1308) ; dans ses conclusions sur cet arrêt, le Premier Avocat général M. Jéol avait écrit : « le législateur […] a fait du directeur général – comme du président, même s’il en est l’auxiliaire – un véritable mandataire social, un organe de la société capable d’en assurer à l’extérieur, y compris devant la justice, la représentation légale » (RJDA 12/94 p. 973).

L’arrêt commenté pose néanmoins une borne à la mise en jeu de la responsabilité du directeur général délégué : celle-ci ne peut sanctionner que les fautes de gestion commises « dans l’exercice des pouvoirs qui lui ont été délégués » ; il ne saurait donc être poursuivi pour des fautes commises dans l’exercice de la direction générale, dont il n’a pas la charge. A l’instar de l’administrateur, qui ne peut être poursuivi que pour manquement aux missions dont le conseil d’administration a la charge (le conseil détermine les orientations de l’activité de la société, veille à leur mise en œuvre, se saisit de toute question intéressant la bonne marche de la société, règle par ses délibérations les affaires qui la concernent et procède aux contrôles et vérifications qu’il juge opportuns).

On rappelle que ce dernier a, au sens des textes relatifs à la responsabilité pour insuffisance d’actif, la qualité de dirigeant de droit (Cass. com. 31-5-2011 n° 09-13.975 : RJDA 8-9/11 n° 725). Tel n’est pas le cas, en revanche, des membres du conseil de surveillance (Cass. com. 8-1-2020 n° 18-23.991 F-PB : RJDA 3/20 n° 164 rendu en matière d’interdiction de gérer mais applicable au comblement de passif).

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Sociétés commerciales n° 42640

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Cass. com. 5-5-2021 n° 19-23.575 F-P

[Conférence] Lutte anticorruption : comment impliquer la direction générale et les salariés ?

Lefebvre Dalloz, Le Cercle Montesquieu et Le Droit Pour Moi vous convient à une conférence digitale gratuite consacrée à la sensibilisation des directions générales et des collaborateurs à la lutte anticorruption en entreprise. Cette conférence se tiendra le mardi 15 juin de 9h à 10h15

Experts et professionnels de terrain vous partageront leurs bonnes pratiques et leur retour d’expérience sur les actions concrètes à mener pour mobiliser tous les acteurs de l’entreprise autour de ce sujet majeur pour les organisations.

Avec la participation de : 

– Pascale Neyret, Directrice Juridique, Ethique et Conformité – Bouygues Immobilier

– Michel Sapin, Senior Advisor – Cabinet Franklin, Ancien Ministre 

– Sophie Scemla, Avocat aux Barreaux de Paris et de New York, Associée – Gide

Cette conférence s’adresse en particulier aux Directeurs juridiques, Directeurs Compliance, Directeurs des achats et aux Directeurs généraux.

Informations et inscription

Une semaine de jurisprudence sociale à la Cour de cassation 

Embauche

Ayant constaté que le contrat de travail, exécuté à compter du 13 juin, stipulait une période d’essai de 10 jours et qu’il se bornait à énoncer que la période d’essai est une période de travail effectif et que toute suspension qui l’affecterait (maladie, fermeture pour congés payés…) la prolongerait d’une durée égale, la cour d’appel ne pouvait pas en déduire que la période d’essai devait se décompter en jours de travail effectif et décider que sa rupture à effet du 24 juin était intervenue avant son expiration (Cass. soc. 19-5-2021 n° 19-20.429 F-D).

Durée du travail

Une cour d’appel ne saurait condamner l’employeur au paiement d’une certaine somme à titre d’indemnité compensatrice de congés RTT en retenant que la salariée fait valoir qu’elle avait droit à 10 jours de réduction de temps de travail par an, qu’elle n’a pas pris l’intégralité de ces jours et qu’elle justifie de ses dires par la production de questionnaires de congés payés sans rechercher si l’absence de prise de ces jours de repos était imputable à l’employeur (Cass. soc. 19-5-2021 n° 19-24.701 F-D).La mise en place de la modulation du temps de travail antérieure à l’entrée en vigueur de l’article 45 de la loi 2012-387 du 22 mars 2012 constitue une modification du contrat de travail, qui requiert l’accord exprès du salarié (Cass. soc. 19-5-2021 n°s 19-22.524 F-D et 19-22.525 F-D).Une cour d’appel ne saurait, pour dire que les conditions de validité de la convention individuelle de forfait en jours sur l’année étaient réunies et débouter le salarié de ses demandes en paiement d’heures supplémentaires et des indemnités subséquentes, retenir qu’il n’est pas contesté qu’un accord collectif relatif à l’aménagement et à l’organisation du temps de travail au sein de la société a été régulièrement négocié et signé par les partenaires sociaux prévoyant que les cadres autonomes, bénéficiant d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps, bénéficiaient d’une durée de travail organisée selon un régime de forfait annuel en jours, complété par un accord relatif à l’aménagement et à l’organisation du temps de travail, spécifique à l’encadrement, alors qu’il lui appartenait de contrôler, même d’office, si les stipulations de l’accord collectif applicable étaient de nature à assurer la protection de la sécurité et de la santé des salariés (Cass. soc. 19-5-2021 n° 19-16.362 F-D).

Paie

Les éléments de rémunération dont les modalités de fixation permettent leur rattachement direct à l’activité personnelle du salarié doivent être intégrés dans la base de calcul des majorations pour heures supplémentaires. Une cour d’appel ne peut donc pas débouter le salarié de sa demande tendant à faire juger que la base de calcul de la rémunération des heures supplémentaires entre la 35e et la 38e heure inclut les commissions sur chiffre d’affaires prévues par son contrat de travail alors qu’elle avait constaté que ce contrat stipulait qu’en contrepartie de ses fonctions, le salarié percevrait une rémunération comportant des commissions sur l’ensemble du chiffre d’affaires lorsqu’il atteignait un certain montant et que ces commissions porteraient sur tous les bons de commande signés personnellement par lui, ce dont il résultait que ces commissions se rattachaient directement à l’activité personnelle du salarié, peu important que ce ne fût pas exclusivement (Cass. soc. 19-5-2021 n° 19-20.995 F-D).

Rupture du contrat

Il résulte du Code du travail, dans sa rédaction antérieure aux ordonnances du 22 septembre 2017, que pour être valable, le licenciement prononcé en raison de la fin du chantier pour lequel il a été conclu doit revêtir un caractère normal selon la pratique habituelle et l’exercice régulier de la profession. L’employeur n’ayant pas rapprorté une telle preuve, le licenciement prononcé pour fin de chantier ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 19-5-2021 n° 19-20.031 F-D).Ayant constaté l’absence de passé disciplinaire du salarié et relevé que son état de service avait donné satisfaction à l’employeur, la cour d’appel a pu en déduire que les faits reprochés à l’intéressé, consistant à avoir adressé à son supérieur hiérarchique un message agressif et insultant avec plusieurs personnes en copie, commis au cours d’une période de dépression sévère, ne constituaient pas une faute grave (Cass. soc. 19-5-2021 n° 19-20.566 F-D).A statué par des motifs insuffisants à caractériser un abus du droit de l’employeur de ne pas consentir à une rupture conventionnelle la cour d’appel retenant que la décision de ce dernier, directeur d’un cabinet d’assurances, de ne pas signer le formulaire de rupture conventionnelle était motivée par le fait que le salarié avait, avant son départ, transféré dans une autre agence les différents contrats d’assurance des membres de sa famille (Cass. soc. 19-5-2021 n° 19-20.526 F-D).Ayant retenu que l’employeur avait unilatéralement réduit puis supprimé la prime contractuellement prévue, saisi tardivement l’assureur en vue de la prise en charge de l’arrêt de travail du salarié, ce qui avait conduit à une baisse notable des revenus de ce dernier, reversé tout autant tardivement les indemnités de prévoyance qui lui étaient dues, et qu’il n’avait fourni aucune explication à son retard dans l’établissement de l’attestation de salaire en vue du versement des indemnités journalières de la sécurité sociale, la cour d’appel a pu décider que le manquement de l’employeur à ses obligations salariales était d’une gravité suffisante pour empêcher la poursuite du contrat de travail (Cass. soc. 19-5-2021 n° 20-14.062 F-D).

Santé et sécurité

Les dispositions spéciales du Code de l’aviation civile et du Code des transports prévoyant la compétence du conseil médical de l’aéronautique civile pour se prononcer sur le caractère définitif des inaptitudes des personnels navigants titulaires d’un titre aéronautique n’ont pas le même objet que les dispositions d’ordre public du Code du travail, de sorte que le médecin du travail doit se prononcer sur l’inaptitude du salarié (Cass. soc. 19-5-2021 n° 19-25.614 F-D).

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