Cabinet Philippe ALLIAUME

Avocat à la Cour d'appel de Paris

Le juge du fond et le prononcé de l’irrégularité de la déclaration de créance

Le juge du fond statuant dans l’instance en paiement opposant un créancier à la caution du débiteur principal soumis à une procédure collective, ne fait pas application de l’article L. 624-2 du code de commerce. Par conséquent, la décision par laquelle le juge du cautionnement retient que la déclaration de créance est irrégulière ne constitue pas une décision de rejet de cette créance entraînant l’extinction de celle-ci.

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Le juge du fond et le prononcé de l’irrégularité de la déclaration de créance

Le juge du fond statuant dans l’instance en paiement opposant un créancier à la caution du débiteur principal soumis à une procédure collective, ne fait pas application de l’article L. 624-2 du code de commerce. Par conséquent, la décision par laquelle le juge du cautionnement retient que la déclaration de créance est irrégulière ne constitue pas une décision de rejet de cette créance entraînant l’extinction de celle-ci.

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La modification d’une relation établie ne vaut rupture que si elle est substantielle : illustration

Un fabricant de bouteilles en verre destinées notamment au secteur viticole confie la distribution de ses produits à trois sociétés coopératives agricoles. Après avoir regroupé leurs achats au sein d’une autre société dédiée, les trois coopératives informent le fabricant de la cessation de la distribution de ses produits. Le fabricant engage alors à leur encontre une action en réparation pour rupture brutale d’une relation commerciale établie (C. com. ex-art. L 442-6, I-5°, devenu art. L 442-1, II).

La Cour de cassation rappelle que constitue une rupture brutale le fait d’imposer à un partenaire une modification substantielle de la relation. Elle censure alors pour motifs insuffisants la décision de la cour d’appel de Paris qui avait jugé que les sociétés avaient souhaité regrouper leurs achats au sein d’une société d’union d’achats et de services, ouverte à tous autres coopérateurs, à laquelle les factures devaient être adressées, ce qui avait entraîné un arrêt de leurs propres approvisionnements auprès du fabricant et que ce changement de cocontractant constituait une modification substantielle de la relation que le fabricant était libre de refuser.

A noter : Une relation commerciale nouée avec un partenaire économique et poursuivie avec un autre peut être qualifiée de relation établie dès lors que les parties entendent s’inscrire dans la relation initialement nouée (Cass. com. 15-9-2015 n° 14-17.964 : RJDA 11/15 n° 785 ; Cass. com. 3-5-2016 n° 15-10.158 : RJDA 11/16 n° 822).

Lorsque le courant d’affaires se poursuit, seule une modification substantielle peut caractériser une rupture brutale de la relation commerciale. Tel est le cas d’une baisse brutale et délibérée des commandes (Cass. com. 23-1-2007 n° 04-16.779 F-PB : Bull. civ. IV n° 8).

Au cas particulier, les trois sociétés coopératives avaient souhaité regrouper leurs achats dans une nouvelle société, sans aucune autre modification, notamment en termes de commandes ou de tarifs. La Cour de cassation ne pouvait donc que censurer l’arrêt d’appel dès lors que la relation n’était pas autrement modifiée, et que le fabricant qui se prétendait victime était libre de refuser ce changement.

Dominique LOYER-BOUEZ 

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Concurrence consommation n° 85112


Cass. com. 31-3-2021 n° 19-14.547 F-D, Sté Comptoir agricole d’achat et de vente c/ Sté Verallia France

Clause de non-concurrence : un périmètre mondial n’est pas permis

Conditions de validité de la clause de non-concurrence

Pour permettre la conciliation de la clause de non-concurrence avec le principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle et les dispositions légales protégeant les libertés du salarié (C. trav. art. L 1121-1), la Cour de cassation a défini les conditions de validité de la clause : elle n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et qu’elle comporte une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives (Cass. soc. 10-7-2002 n°s 00-45.135 FP-PBRI, 00-45.387 FP-PBRI et 99-43.334 FP-PBRI. RJS 10/02 n° 1119).

La limitation dans le temps et dans l’espace fait généralement l’objet d’une appréciation au cas par cas par les tribunaux qui se prononcent en examinant l’ensemble des éléments de la clause. La Cour de cassation a ainsi pu admettre la validité d’une clause s’appliquant en Europe et en Asie-Pacifique, pour un salarié au contact de la clientèle dans le secteur de la haute couture (Cass. soc. 3-7-2019 n° 18-16.134 FS-D : RJS 10/19 n° 562).

L’arrêt du 8 avril 2021 se prononce une nouvelle fois sur la limitation dans l’espace de la clause de non-concurrence. Une clause de non-concurrence peut-elle s’appliquer au monde entier si les données de l’espèce le justifient ?

Une généticienne mise en demeure de respecter sa clause

En l’espèce, après avoir démissionné, une généticienne pourtant soumise à une clause de non-concurrence applicable « au niveau mondial » est engagée dans une entreprise concurrente. Très rapidement, son employeur lui adresse une mise en demeure de respecter son obligation de non-concurrence puis saisit la juridiction prud’homale en référé.

Appliquant le raisonnement habituel de la Cour de cassation, la cour d’appel avait vérifié que la salariée ne se trouvait pas dans l’impossibilité d’exercer une activité et estimé que le fait que la délimitation géographique de l’obligation de non-concurrence soit le monde entier ne rendait pas en soi impossible par la salariée l’exercice d’une activité professionnelle. Elle avait ainsi ordonné à la salariée de cesser toute activité concurrente de celle de son ancien employeur, tout en la condamnant à payer des sommes à titre provisionnel.

La clause dont la délimitation s’étend au monde entier n’est pas délimitée

L’arrêt d’appel est toutefois cassé par la Cour de cassation qui considère que la clause de non-concurrence n’est pas délimitée dans l’espace lorsque la délimitation géographique de l’obligation de non-concurrence s’étend au monde entier. Il en résulte que la demande de l’employeur se heurtait à une contestation sérieuse et que la méconnaissance de la clause ne constituait pas un trouble manifestement illicite.

Si la Cour de cassation a déjà invalidé des clauses de non-concurrence non limitées dans l’espace, il résulte de ces arrêts que les clauses s’appliquaient en quelque sorte au monde entier uniquement parce qu’elles ne comportaient pas de mention de leur champ d’application géographique (Cass. soc. 11-5-1994, n° 90-40.312 D et Cass. soc. 29-10-2003, n° 01-44.755 D).

Dans l’arrêt du 8 avril 2021, la situation était bien différente, puisque le périmètre mondial de la clause était mentionné expressément. La Cour de cassation, eu égard aux libertés en présence en matière d’obligation de non-concurrence, décide d’interpréter strictement la condition de limitation dans l’espace, en excluant du champ de la licéité l’hypothèse d’une clause applicable au niveau mondial.

Clément GEIGER

Pour en savoir plus sur les conditions de validité de la clause de non-concurrence : voir Mémento social n° 69630 s.

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Cass. soc. 8-4-2021 n° 19-22.097 F-D, Y. c/ Sté Hendrix genetics recherche technologie et services