Cabinet Philippe ALLIAUME

Avocat à la Cour d'appel de Paris

Du formalisme [I]ad validitatem[/I] applicable aux engagements d’une société en formation

Le défaut de la mention suivant laquelle le gérant agit pour le compte de la société en formation, fait de la société, dépourvue de personnalité juridique, une partie contractante. Les engagements alors souscrits sont frappés de nullité, ce dont il résulte que la partie cocontractante n’est pas fondée à agir en paiement contre le gérant. 

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Covid-19 : condamnation de l’assureur à indemniser les pertes d’exploitation du restaurateur

L’assureur doit indemniser le restaurateur de ses pertes d’exploitation suite à une fermeture administrative pour cause de covid-19. La clause d’exclusion de garantie, qui ne remplit pas la condition de limitation (C. assur., art. L. 113-1) et qui prive l’obligation essentielle de garantie de sa substance, est réputée non écrite. 

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Du droit à l’entretien avec un avocat en cas d’extension de la garde à vue

Lorsqu’au cours d’une garde à vue, le mis en cause se voit notifier l’extension de cette mesure à d’autres infractions, il doit pouvoir bénéficier, avant toute audition, d’un entretien préalable avec son avocat dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’échange, sauf renonciation, expresse ou tacite, à ce droit. 

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Le signe « Giant » déposé par la société « Quick » à titre de marque n’est pas distinctif  

La société Quick est titulaire de la marque « Giant »  désignant des aliments et plats préparés, en particulier de fast-food. Reprochant à la société Sodebo d’avoir déposé la marque « Pizza Giant Sodebo », sous laquelle elle vend des pizzas en supermarché, la société Quick agit en contrefaçon et nullité de la marque. La société Sodebo réplique en demandant l’annulation de la marque « Giant »  pour défaut de caractère distinctif. 

La Cour de cassation donne raison à cette dernière.

1. L’absence de distinctivité du signe à la date du dépôt, à l’égard des produits ou services désignés, résulte des éléments suivants : dans le domaine des produits alimentaires il est courant d’utiliser des adjectifs qui décrivent la caractéristique mise en avant, notamment s’agissant des quantités importantes ou réduites ; dans le domaine des hamburgers, les quantités importantes sont souvent mises en avant dans la dénomination même du produit, qui est systématiquement anglaise ; la banalité de l’usage des termes « long », « big », « double », etc., dans le secteur du « fast-food », impose que ces signes usuels restent à la disposition de toutes les personnes qui y exercent leur activité et qu’aucun concurrent ne puisse les monopoliser et priver les autres de leur libre usage dans leur profession. Par ailleurs, l’adjectif anglais « giant »  était, à la date du dépôt de la marque « Giant », nécessairement compris par le consommateur francophone d’articles de « fast-food » comme signifiant « géant » et, par extension, « énorme ». Il désignait ainsi une caractéristique des produits couverts par la marque, en l’occurrence leur quantité.  

2. La société Quick ne prouvait pas que le signe avait acquis un caractère distinctif par l’usage à la date de la contrefaçon alléguée contre la société Sodebo, dès lors que le sondage versé aux débats, selon lequel 44 % des Français associent le mot « giant »  à une marque ou à un produit, avait été réalisé plus de deux ans après les faits en question.

A noter : 1. Rendue sur renvoi après cassation, la décision de la Cour de cassation reprend la solution retenue dans la même affaire (Cass. com. 8-6-2017 no 15-20.966 F-D : RJDA 10/17 n° 674). Une marque n’est valable que si elle possède un caractère distinctif, et tel n’est pas le cas du signe qui sert à désigner une caractéristique du produit (CPI art. L 711-2 et L 714-3). Il s’agit d’exclure la réservation de termes ou, plus largement, de signes qui sont utiles pour tous.

Dans le même sens, il a par exemple été jugé que ne pouvaient pas être déposés, en raison de leur caractère descriptif, les signes « Silhouette » pour désigner des produits diététiques à usage médical (Cass. com. 12-7-2005 n° 04-12.146 :  RJDA 11/05 n° 1290) ou « lentillesmoinscher.com » pour désigner des produits pharmaceutiques, désinfectants et articles de lunetterie (Cass. com. 16-5-2018 n° 16-15.115 F-D :  RJDA 8-9/18 n° 684).

Le caractère descriptif de la marque s’apprécie par rapport aux produits désignés dans la demande d’enregistrement. En l’espèce, la société Quick faisait valoir qu’il n’était pas fait mention, dans cette demande, d’une dimension particulière des produits, de sorte que leur taille n’était pas l’une de leurs caractéristiques. La Cour de cassation écarte cet argument.  

2. Le caractère distinctif peut également être acquis par l’usage après le dépôt de la marque (CPI art. L 711-2). En l’espèce, la preuve de cette distinctivité par l’usage au moment des actes de contrefaçon ne pouvait pas résulter de la preuve que le caractère distinctif était acquis deux ans après l’infraction alléguée. 


Cass. com. 27-1-2021 n° 18-20.702 F-D

Preuve des heures supplémentaires : les pauses n’ont pas à figurer dans le décompte du salarié

Un salarié réclame le paiement d’heures supplémentaires. À cette fin, il produit un décompte des heures de travail mentionnant, jour après jour, les heures de prise et de fin de service, ainsi que de ses rendez-vous professionnels avec la mention du magasin visité, le nombre d’heures de travail quotidien et le total hebdomadaire.

Pour la cour d’appel, le décompte du salarié est insuffisamment précis, notamment en ce qu’il ne précise pas la prise éventuelle d’une pause méridienne. En conséquence, elle rejette la demande du salarié.

La Cour de cassation confirme l’abandon de la notion d’étaiement…

La décision des juges du fond est cassée. Pour la Cour de cassation, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires applicables. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

La chambre sociale confirme ainsi sa jurisprudence récente relative à la preuve des heures supplémentaires. Par un arrêt du 18 mars 2020, elle a abandonné la notion d’étaiement en préférant l’expression de présentation par le salarié d’éléments à l’appui de sa demande. Elle met par ailleurs l’accent sur les obligations pesant sur l’employeur quant au contrôle des heures de travail effectuées (Cass. soc. 18-3-2020 no 18-10.919 FP-PBRI). Elle rappelle enfin qu’il appartient aux juges du fond d’apprécier si les éléments produits par le salarié sont suffisamment précis et, si tel est le cas, de déterminer souverainement, au vu des éléments produits par chacune des parties, l’existence d’heures de travail accomplies et la créance salariale s’y rapportant (Cass. soc. 4-12-2013 no 12-22.344 FP-PBR).

… et exerce un contrôle sur la notion d’éléments suffisamment précis

Pour la chambre sociale, la cour d’appel a fait peser en l’espèce la charge de la preuve sur le seul salarié, alors qu’il présentait des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre et que ce dernier ne produisait aucun élément de contrôle de la durée du travail. Ainsi, le salarié n’avait pas à préciser dans le décompte des heures de travail qu’il prétendait avoir accomplies les éventuelles pauses méridiennes.

A noter : Le présent arrêt était l’occasion pour la Cour de cassation d’indiquer si elle entendait exercer un contrôle sur la notion d’élément suffisamment précis ou au contraire l’abandonner aux juges du fond. Elle choisit d’exercer ce contrôle.

Comme le précise la note explicative de l’arrêt, la chambre sociale de la Cour de cassation « explicite avec le présent arrêt le contrôle qu’elle exerce sur la notion “ d’éléments suffisamment précis ” quant aux heures de travail que le salarié prétend avoir accomplies.

S’agissant d’une obligation découlant de l’article 6 du Code de procédure civile, relatif à l’obligation d’alléguer les faits nécessaires au succès des prétentions, et non de l’article L 3171-4 du Code du travail, relatif à la preuve des heures travaillées, la précision des éléments produits doit être examinée au regard de cet objectif d’organisation du débat judiciaire. Elle n’est ni de la même nature, ni de la même intensité que l’obligation qui pèse par ailleurs sur l’employeur dans le cadre du contrôle de la durée du travail. Elle ne peut avoir pour effet de faire peser la charge de la preuve des heures accomplies sur le seul salarié, ni de contraindre ce dernier à indiquer les éventuelles pauses méridiennes qui auraient interrompu le temps de travail. En effet, comme tous les seuils et plafonds, prévus tant par le droit de l’Union européenne que par le droit interne (Cass. soc. 20-2-2013 no 11-28.811 FS-PB), la charge de la preuve de la prise des temps de pause incombe à l’employeur (Cass. soc. 20-2-2013 no 11 21.599 FS-PB). »

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Cass. soc. 27-1-2021 no 17-31.046 FP-PRI