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Sans clause de neutralité dans le règlement intérieur, difficile d’interdire le port du voile

Une salariée, vendeuse dans un magasin d’habillement depuis plusieurs années, reprend le travail après un congé parental d’éducation. Elle se présente à son poste avec un foulard islamique, que l’employeur lui demande de retirer. L’intéressée ayant refusé, elle est placée en dispense d’activité puis licenciée. Soutenant être victime de discrimination en raison de ses convictions religieuses, elle saisit le juge d’une demande en nullité de ce licenciement.

La Cour de cassation, appliquant les principes issus de sa jurisprudence « Micropole » de 2017, lui donne raison.

A noter : L’arrêt « Micropole » a en effet fixé le cadre applicable en droit français en matière de port du voile (Cass. soc. 22-11-2017 n° 13-19.855 FS-PBRI), en s’appuyant sur les règles dégagées au niveau européen par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE 14-3-2017 aff. 157/15 et 188/15).

Pas de clause de neutralité dans l’entreprise

La Cour de cassation rappelle le principe issu de l’arrêt « Micropole », selon lequel l’employeur peut prévoir, dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que celui-ci, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail. Cette clause n’est toutefois valable que si elle est générale et indifférenciée et si elle n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients.

En l’espèce, aucune clause de neutralité n’était prévue dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service. L’employeur ne contestait pas cette évidence, mais tentait de convaincre les juges que la constance de la politique de neutralité mise en œuvre dans l’entreprise – consistant, manifestement, à mettre à l’écart toutes les salariées refusant d’ôter leur foulard – pouvait revêtir la même portée qu’une clause de neutralité. Il soulignait en outre que le Code du travail n’exige pas que la politique de neutralité de l’entreprise s’appuie sur une source formelle.

A noter : On notera qu’en tout état de cause, cette « politique de neutralité » ne semblait pas remplir le critère de généralité exigé par la Cour de cassation, puisque le foulard islamique était apparemment le seul signe religieux dont le port était prohibé dans l’entreprise.

L’argument a été balayé par la cour d’appel, dont l’analyse est approuvée par la Cour de cassation. À défaut de clause de neutralité, l’interdiction faite à la salariée de porter un foulard islamique caractérisait donc l’existence d’une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l’intéressée.

A noter : On rappellera que pour la CJUE, dans les arrêts de 2017 précités, avait admis qu’une « règle interne à l’entreprise » puisse imposer une obligation de neutralité générale, sans préciser si cette règle était nécessairement écrite. La Cour de cassation a choisi d’interpréter strictement cette notion : s’agissant d’une mesure relevant de la discipline de l’entreprise, elle doit être écrite et figurer dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service équivalente. La Haute Cour avait d’ailleurs précisé, dans la note explicative de l’arrêt « Micropole », que l’insertion d’une clause de neutralité dans une charte d’éthique négociée dans l’entreprise n’a pas de force obligatoire et ne peut pas fonder un licenciement disciplinaire du salarié en cas de non-respect.

L’image de l’entreprise n’est pas une exigence professionnelle nécessaire et déterminante

La Cour de cassation rappelle ensuite que, selon la CJUE, en l’absence de clause de neutralité, la qualification de discrimination peut être écartée si l’employeur fait la preuve d’une exigence professionnelle et déterminante, au sens de l’article 4 § 1 de la directive 2000/78 du 27 novembre 2000, qui justifierait une interdiction du port du voile. Cette notion, qui renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d’exercice de l’activité professionnelle en cause, ne peut pas couvrir des considérations subjectives, telles que la volonté de l’employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client (CJUE 14-3-2017 et Cass. soc. 22-11-2017 précités).

Sans surprise, les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, ont écarté les arguments de l’employeur qui s’était placé sur le terrain de l’image de l’entreprise « au regard de l’atteinte à sa politique commerciale », laquelle serait selon lui « susceptible d’être contrariée au préjudice de l’entreprise » par le port du foulard islamique par l’une de ses vendeuses. L’employeur ne faisait donc pas état de doléances exprimées par des clients, mais de leurs attentes présumées, ainsi que d’un potentiel préjudice commercial.

Par conséquent, la salariée pouvait légitimement refuser d’ôter son foulard et son licenciement est nul car discriminatoire.

A noter : En pratique, seul un impératif d’hygiène et de sécurité devrait pouvoir répondre à ce critère. La Cour de cassation a ainsi retenu, à propos d’une barbe considérée comme « provocante » par l’employeur, que l’objectif légitime de sécurité du personnel et des clients de l’entreprise permet d’imposer aux salariés une apparence neutre lorsque celle-ci est rendue nécessaire afin de prévenir un danger objectif. Dans cette affaire, cependant, le licenciement avait été jugé discriminatoire car l’employeur n’était pas parvenu à prouver les impératifs de sécurité justifiant, selon lui, que le salarié rase sa barbe (Cass. soc. 8-7-2020 n° 18-23.743 FS-PBRI).

Laurence MECHIN

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Cass. soc. 14-4-2021 n° 19-24.079 FS-P

Ils bougent…  Allen & Overy coopte 2 associés et confirme son positionnement d’acteur majeur du droit des affaires, notamment sur les enjeux bancaires, corporates et de financement

Allen & Overy, acteur incontournable du droit implanté à Paris depuis plus de 20 ans et partenaire stratégique de ses clients en France et à l’international, annonce la cooptation de Thomas Roy et Olivier Thébault en qualité d’associés, respectivement au sein des départements Banque & Finance et Corporate (Equity Capital Markets).

Fort de ces deux promotions stratégiques qui viennent compléter la palette d’expertises du cabinet, Allen & Overy déploie ainsi en France l’équipe la plus complète du marché, pour répondre aux besoins ses clients sur l’ensemble de leurs problématiques juridiques en financement, ainsi qu’en corporate.

En France, Allen & Overy se positionne comme un cabinet de premier plan et compte désormais plus de 140 avocats dont 36 associés, actifs sur l’ensemble des expertises du droit des affaires. En 2021, le cabinet ambitionne de poursuivre son développement afin de continuer à accompagner ses clients dans leurs enjeux stratégiques et préparer l’après-crise. 

Allen & Overy, cabinet d’avocats d’affaires international, membre du Magic Circle, qui compte 584 associés opérant dans plus de 40 pays, continue d’affirmer sa place d’acteur leader du droit des affaires avec la nomination de 30 nouveaux associés à l’international, dont 2 au sein de son bureau parisien. 

A Paris, Allen & Overy renforce son département Banking and Finance et consolide sa place d’acteur numéro 1 en financement avec la nomination de Thomas Roy en tant qu’associé. Le cabinet déploie désormais une plateforme cross-practices forte de 13 associés et 50 collaborateurs, soit la plus importante du marché, intervenant sur l’ensemble des problématiques de financement de ses clients : fonds d’investissement, banques et institutions financières, entreprises cotées et non cotées, investisseurs financiers, etc. 

Allen & Overy conforte également le positionnement de son département Corporate avec la nomination en qualité d’associé d’Olivier Thébault, qui consacre le développement de l’activité Equity Capital Markets du cabinet ces dernières années et le succès des opérations réalisées. Cette nomination permet également au bureau parisien de poursuivre le développement d’une plateforme Corporate et Equity Capital Markets, à l’heure où ses clients sont, plus que jamais, confrontés à des problématiques complexes de gouvernance et public M&A. 

Hervé Ekué, Managing Partner du cabinet Allen & Overy, déclare : « Les nominations de Thomas Roy et Olivier Thébault s’inscrivent dans notre démarche stratégique pour le développement d’Allen & Overy, qui dispose à la fois d’une force de frappe sans équivalent en France sur l’ensemble des enjeux de financement, ainsi qu’une offre complète en corporate. Dans un contexte économique exceptionnel, Allen & Overy entend continuer à accompagner ses clients au plus près, en leur fournissant des solutions juridiques de premier plan. Face à leurs nombreux défis, nous restons pleinement mobilisés aux côtés de nos clients, à la fois sur leurs opérations au quotidien mais aussi pour leurs dossiers complexes et stratégiques domestiques ou multi-juridictionnels ».

 « Je me félicite de la nomination en tant qu’associé de Thomas Roy, qui s’inscrit parfaitement dans le développement de notre practice leveraged finance et consolide ainsi notre accompagnement côté prêteurs, à l’heure où nous observons notamment une convergence entre les activités de Large Cap et Smid Cap. Ses grandes capacités de travail, ses expertises des opérations de financement LBO et des marchés du crédit syndiqué, couplées à sa compréhension fine des enjeux actuels du secteur, notamment sur les aspects ESG, sont des atouts importants pour nos clients acteurs bancaires, fonds de dette et sponsors, confrontés en cette période à des choix cruciaux », complète Jean-Christophe David, Associé au sein du département Banque & Finance du cabinet Allen & Overy. 

 « La nomination d’Olivier Thébault concrétise le passage d’un nouveau cap pour notre pratique Equity Capital Markets, qui offre à nos clients une palette complète de compétences. Alors que nous avons déjà des liens très forts avec les acteurs historiques de la place : grands groupes, banques, fonds d’investissement et institutions publiques, l’association d’Olivier consolide notre capacité à les accompagner pour l’ensemble de leurs besoins. L’expertise très large d’Olivier sur tous les aspects des marchés de capitaux, combinée à sa compréhension des problématiques actuelles qui sous-tendent le marché, nous permettent de renforcer les synergies avec les autres départements du cabinet », conclut Marc Castagnède, Associé au sein du département Corporate/M&A du cabinet Allen & Overy à Paris.

Biographies 

Thomas Roy, 36 ans, est titulaire d’un Master 2 en droit des affaires internationales (Bourgogne – Dijon, 2008) et d’un LLM en droit financier international (Manchester, 2011). 

Thomas a débuté sa carrière au sein du département Banque-Finance d’Hogan Lovells (2011), avant de rejoindre Allen & Overy (2014), puis d’y être nommé counsel (2019).

Spécialisé en leveraged finance, Thomas intervient côté prêteur sur des opérations de financement complexes, tant en France qu’à l’international. Il conseille depuis plus de 10 ans de grandes banques françaises et étrangères et des fonds de dette (senior ou subordonné) à tous les niveaux de la structure de capital (TLB senior, dette first lien / second lien, unitranche, mezzanine et PIK). 

Thomas a également une connaissance approfondie des marchés du crédit syndiqué et conseille régulièrement les arrangeurs, agents, prêteurs et emprunteurs dans le cadre de leurs opérations de financement corporate, y compris celles liées au développement durable (sustainability linked financing), ou de financement d’acquisition M&A. 

Il a également exercé plusieurs mois dans l’équipe leveraged finance du siège londonien d’Allen & Overy. Il est intervenant dans le cadre du Master 2 Droit des Affaires Internationales de la Faculté de Droit de Dijon et du LLM Droit Financier International de Paris II Panthéon Assas ainsi que pour l’organisme de formation professionnelle Dalloz Formation.

Olivier Thébault, 41 ans, est diplômé du DESS Droit des Affaires et Fiscalité de l’Université Paris II Panthéon-Assas (2001 – 2002), du DEA de Droit International Privé Paris 1 Panthéon-Sorbonne (2002 – 2003) et de l’Ecole de Formation du Barreau de Paris (2004).

Olivier a démarré sa carrière au sein du cabinet Debevoise & Plimpton LLP à Paris au sein du département Corporate (2005 – 2011). Il rejoint Allen & Overy en qualité de collaborateur du département Corporate (2011), avant d’être coopté Counsel (2015).

Olivier est en charge de l’activité marchés de capitaux (equity) au sein du bureau de Paris. Olivier intervient sur les problématiques liées au droit des sociétés et aux marchés de capitaux. Olivier conseille des sociétés, des actionnaires et investisseurs (notamment, des entités publiques ou des fonds d’investissement) ainsi que des établissements financiers dans le cadre de l’ensemble des opérations de marchés de capitaux (equity), notamment des introductions en bourse, des augmentations de capital avec ou sans droit préférentiel de souscription, des émissions de titres financiers (obligations convertibles, obligations échangeables, bons de souscription d’actions) ou des cessions de blocs, ainsi que des opérations de fusion, d’acquisition ou de cession. La pratique d’Olivier recouvre également les problématiques réglementaires liées aux marchés de capitaux ainsi que les questions liées à la gouvernance.

Olivier intervient régulièrement lors de conférences et séminaires organisés par Allen & Overy ou des associations de marché.

À propos d’Allen & Overy 

Allen & Overy est une structure internationale d’avocats d’affaires de 5 400 personnes, dont 584 associés, répartis dans 44 bureaux à travers le monde. À Paris, Allen & Overy compte plus de 140 avocats dont 36 associés, spécialisés en droits français, anglais et américain dans les domaines clés du droit des affaires, notamment : banque et finance, marchés de capitaux internationaux, fusions & acquisitions, fiscalité, arbitrage international, droit social, droit de la concurrence et droit Européen, droit public et droit de l’environnement, propriété intellectuelle, contentieux, droit immobilier, innovation et digital. 

Créances exclues du paiement préférentiel dans le cadre d’une procédure collective

En cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire, ne sont pas soumises à l’obligation de déclaration et bénéficient d’un paiement à l’échéance ou par privilège les créances nées régulièrement après le jugement d’ouverture pour les besoins du déroulement de la procédure ou de la période d’observation, ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur pendant cette période (C. com. art. L 622-17, I et L 631-14).

Ne bénéficient pas de ce traitement préférentiel :

–  la créance de dommages-intérêts née de la mauvaise exécution d’un contrat, pendant la période d’observation, par une entreprise en procédure collective, car il ne s’agit pas d’une créance née en contrepartie d’une prestation ; en l’espèce, les dommages-intérêts étaient réclamés par une personne qui avait confié la réparation de son véhicule à un garagiste en redressement judiciaire, une expertise ayant retenu que la mauvaise exécution des travaux était à l’origine de la panne ensuite subie par le véhicule (arrêt n° 19-22.791) ;

– la créance d’indemnité destinée à réparer le trouble de jouissance subi par un copropriétaire, victime des fuites d’eau en provenance d’un appartement appartenant à une SCI en redressement judiciaire ; là encore, la créance ne répond pas aux besoins du déroulement de la procédure collective ou de la période d’observation et ne constitue pas non plus la contrepartie d’une prestation fournie à la SCI (arrêt n° 19-19.590).

A noter :

1. Ces cas d’exclusion du paiement à l’échéance ou par préférence s’appliquent aussi à la liquidation judiciaire (C. com. art. L 641-13, I, qui retient des critères similaires à ceux de l’art. L 622-17, I).

En ont été par exemple exclues, faute d’être nées pour les besoins du déroulement de la procédure collective ou de la période d’observation ou en contrepartie d’une prestation fournie au débiteur :

– la créance correspondant au coût des travaux de reprise de malfaçons et de non-façons et à des pénalités de retard dues en application du contrat de construction exécuté par une entreprise après le jugement ayant ouvert une procédure collective à son encontre (Cass. com. 18-6-2013 n° 12-18.420 F-PB : RJDA 12/13 n° 1034) ;

– la créance du franchiseur sur son ancien franchisé au titre de l’utilisation par celui-ci, après sa mise en procédure collective et la rupture du contrat de franchise, des signes de ralliement de la clientèle attachés au réseau (Cass. com. 20-9-2016 n° 15-12.724 F-D : RJDA 1/17 n° 33) ;

– les dommages-intérêts demandés par le bailleur pour la perte de la chance de pouvoir relouer immédiatement les locaux (Cass. com. 2-12-2014 n° 13-11.059 FS-PB : RJDA 3/15 n° 203).

2. Les créanciers dont les créances éligibles au traitement préférentiel n’ont pas été payées à l’échéance peuvent exercer leur droit de poursuite individuelle pour en obtenir le paiement (Cass. com. 28-6-2016 n° 14-21.668 FS-PB : RJDA 10/16 n° 709 ; Cass. com. 9-5-2018 n° 16-24.065 F-P :  RJDA 8-9/18 n° 657).

A l’inverse, une créance qui ne bénéficie pas de ce traitement ne peut pas être payée par le débiteur, l’administrateur ou le liquidateur (art. L 622-7, I) et le créancier ne peut pas agir en paiement ni procéder à une saisie (art. L 622-21, I-al. 1) ; il doit déclarer sa créance entre les mains du mandataire ou du liquidateur judiciaire (art. L 622-24, al. 6) ; si elle est admise au passif par le juge-commissaire, la créance peut être payée (souvent en partie) selon les répartitions fixées par le tribunal.

Attention, la créance née irrégulièrement après l’ouverture de la procédure collective – c’est-à-dire née sans que soit respectée la répartition des pouvoirs de gestion entre le débiteur et les différents organes de la procédure – est inopposable à la procédure collective (Cass. com. 21-2-2012 n° 11-12.235 F-D).

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 62220 s.

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Cass. com. 10-3-2021 n° 19-22.791 F-D – Cass. com. 10-3-2021 n° 19-19.590 F-D