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Les télétravailleurs à domicile n’ont pas droit aux titres-restaurant

Les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise. Il s’agit d’une règle d’ordre public rappelée à l’article 4 de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 19 juillet 2005 relatif au télétravail et reprise dans le Code du travail à l’article L 1222-9.

Le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié travaillant dans les locaux de l’entreprise

Selon le ministère du travail, le titre-restaurant est un avantage consenti par l’employeur qui ne résulte d’aucune obligation légale et son attribution est possible si, et seulement si, en application de l’article R 3262-7 du Code du travail, le repas du salarié est compris dans son horaire de travail journalier. Toutefois, il déduit du principe d’égalité de traitement entre salariés et donc des règles mentionnées ci-dessus que, dès lors que les salariés exerçant leur activité dans les locaux de l’entreprise bénéficient de titres-restaurant, les télétravailleurs doivent également en recevoir si leurs conditions de travail sont équivalentes (QR min. trav. 9-3-2021).

A noter : La position du ministère du travail rejoint celle exprimée par les Urssaf le 8 septembre 2015 sur leur site internet et selon laquelle, si les salariés de l’entreprise bénéficient des titres-restaurant, il en est de même pour les télétravailleurs à domicile, nomades ou en bureau satellite, dès lors que leurs conditions de travail sont équivalentes à celles des travailleurs exerçant leur activité dans les locaux de l’entreprise. Ainsi, dès lors que leur journée est organisée en 2 vacations entrecoupées d’une pause réservée à la prise d’un repas, ils doivent recevoir un titre-restaurant. On relèvera toutefois qu’à compter du 1er avril 2021 le bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS) adoptera une position moins affirmative en prévoyant que, au regard des dispositions de l’article 4 de l’ANI du 19 juillet 2005, lorsque les travailleurs bénéficient des titres-restaurant, il peut en être de même pour les télétravailleurs à domicile, nomades ou en bureau satellite.

Dans un jugement du 10 mars 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre ne partage pas cette analyse pour les télétravailleurs à domicile et considère que ces derniers, qui ne sont pas dans une situation comparable à celle des salariés travaillant sur site et n’ayant pas accès à un restaurant d’entreprise, ne peuvent pas prétendre à l’attribution de titres-restaurant.

En l’espèce, avant leur fusion, les directions des groupes Malakoff Médéric et Humanis décident d’attribuer des titres-restaurant aux salariés affectés sur un site non doté d’un restaurant d’entreprise ou inter-entreprises qui sont en télétravail. Après la fusion, et comme nombre d’entreprises, les entités composant l’UES Malakoff Humanis placent la plupart de leurs salariés en télétravail à compter du 17 mars 2020 en raison de l’état d’urgence sanitaire lié à l’épidémie de Covid-19 et n’attribuent plus de titres-restaurant aux salariés de l’entreprise affectés sur un site non doté d’un restaurant d’entreprise et placés en télétravail.

Estimant que les salariés des sociétés composant l’UES qui n’ont pas accès à un restaurant d’entreprise ou interentreprises placés en télétravail doivent bénéficier des titres-restaurant, pour chaque jour travaillé au cours duquel un repas est compris dans leur horaire de travail journalier, une fédération syndicale saisit le tribunal judiciaire afin d’obtenir la régularisation de leurs droits depuis le 17 mars 2020.

Pas de titres-restaurant sans surcoût lié à la restauration hors du domicile

Le tribunal judiciaire déboute la fédération de sa demande, considérant que la situation des télétravailleurs et celle des salariés sur site qui n’ont pas accès à un restaurant d’entreprise et auxquels sont remis des titres-restaurant ne sont pas comparables.

Tout d’abord, le tribunal rappelle, comme le ministère du travail, que le titre-restaurant est un avantage consenti par l’employeur qui ne résulte d’aucune obligation légale et que la loi ne définit pas ses conditions d’attribution si ce n’est que le repas du salarié pris en charge doit être compris dans son horaire de travail journalier.

Il ajoute ensuite que, s’il est incontestable que les télétravailleurs doivent bénéficier de titres-restaurant si leurs conditions de travail sont équivalentes à celles des salariés travaillant sur site sans restaurant d’entreprise, l’objectif poursuivi par l’employeur en finançant ces titres en tout ou en partie est de permettre à ses salariés de faire face au surcoût lié à la restauration hors de leur domicile pour ceux qui seraient dans l’impossibilité de prendre leur repas à leur domicile, ce qui n’est pas le cas des salariés de l’UES placés en télétravail à leur domicile. Dès lors, en l’absence de surcoût lié à leur restauration hors de leur domicile, ceux-ci ne peuvent pas prétendre à l’attribution de titres-restaurant.

Une telle décision peut sembler surprenante. En effet, même si les télétravailleurs à domicile prennent leur repas au sein de ce dernier, cela ne signifie pas que la prise de ce repas n’engendre pas un surcoût pour eux.

En outre, comme le rappelle le tribunal judiciaire, le titre-restaurant est un avantage consenti par l’employeur qui ne résulte d’aucune obligation légale. Il n’est donc pas interdit de subordonner l’attribution de cet avantage à certains critères. Toutefois, ceux-ci doivent être objectifs, c’est-à-dire qu’ils doivent s’appliquer autant aux télétravailleurs qu’aux salariés travaillant dans l’entreprise. Il a ainsi été jugé que l’employeur peut différencier l’attribution des titres-repas en fonction de l’éloignement du travail par rapport au domicile, dès lors que cette différenciation est fondée sur un critère objectif, c’est-à-dire la distance séparant le lieu de travail du domicile (Cass. soc. 22-1-1992 n° 88-40.938 PF : RJS 3/92 n° 296 ; CA Nîmes 27-3-2012 n° 10-4144).

A notre avis : Il sera donc intéressant d’attendre que la Cour de cassation, si elle est saisie de cette question, se prononce sur le point de savoir si le surcoût lié à la restauration hors du domicile constitue un critère objectif pouvant justifier une différence de traitement entre les télétravailleurs à domicile et les salariés travaillant sur site qui n’ont pas accès à un restaurant d’entreprise. Dans cette attente, un appel a été interjeté devant la cour d’appel de Versailles qui réexaminera la question.

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TJ Nanterre 10-3-2021 n° 20/09616

Une grève de la SNCF jugée prévisible et surmontable pour un commissionnaire de transport

Un commissionnaire autrichien de transport international met en place une liaison multimodale entre Milan et Paris : l’essentiel du trajet est réalisé par voie ferroviaire et celui entre le terminal ferroviaire et le destinataire final s’effectue par camion. Pour cette dernière partie du transport, le commissionnaire fait appel, à partir de novembre 2011, à un transporteur français qui dédie quatre camions à cette activité. A la suite d’une grève de la SNCF en mars 2016, le commissionnaire réduit, à compter de mai, l’affrètement de camions du transporteur à deux. Puis, par courrier du 29 novembre 2016, il l’informe qu’il n’occupera que deux véhicules jusqu’à fin février 2017. Enfin, il lui notifie, le 23 décembre suivant, qu’il n’utilisera plus qu’un seul camion en mars 2017 et que leur collaboration cessera complètement au 31 mars 2017.

Le transporteur poursuit le commissionnaire au titre de la réduction sans préavis de ses prestations à deux camions à partir de mai 2016, invoquant une rupture de relations commerciales établies, et il lui réclame une indemnisation correspondant à trois mois de chiffre d’affaires par camion (environ 50 000 €). Le commissionnaire soutient alors que la grève de la SNCF du printemps 2016, qui a fortement affecté la liaison Milan-Paris (suppression de trains de fret et baisse de 29 % en moyenne du trafic sur l’année 2016), était imprévisible dans son ampleur et insurmontable dans ses effets et qu’elle a constitué un cas de force majeure justifiant la réduction de l’affrètement des camions du transporteur sans préavis.

La cour d’appel de Paris rejette ces arguments et condamne le commissionnaire à verser au transporteur l’indemnité réclamée. Après avoir affirmé que, en matière contractuelle, la force majeure suppose que l’événement échappe au contrôle du débiteur d’une obligation et ne puisse pas raisonnablement être prévu lors de la conclusion du contrat, ses effets ne pouvant pas être évités par des mesures appropriées, la cour d’appel juge que, même si la grève était extérieure au commissionnaire, ces deux dernières conditions n’étaient pas remplies. En effet, le commissionnaire ne contestait pas sa dépendance à la SNCF, inhérente à son activité ; il en avait fait un élément de négociation des tarifs, après les grèves de 2010 et de 2013, refusant notamment de s’engager sur une période de plus de 21 jours de prestations par mois, et n’acceptant de dédommager son transporteur à hauteur d’une somme forfaitaire de 250 € HT, en cas d’annulation, que quand celle-ci était décidée moins de 24 heures avant ; pendant les grèves de 2016, le commissionnaire avait fait appel à un transporteur ferroviaire italien qui faisait également la liaison Milan-Paris, ce qui lui avait permis de maintenir son activité et de ne pas subir une trop forte perte de chiffre d’affaires sur la période de grève et sur l’année 2016.

A noter : La rupture d’une relation commerciale établie sans préavis suffisant (au regard de la durée de la relation et des usages du commerce ou des accords interprofessionnels) engage la responsabilité de son auteur à moins qu’il ne justifie d’un cas de force majeure (C. com. art. L 442-1, II-al. 3 ; ex-art. L 442-6, I-5° sous l’empire duquel est rendue cette décision). De manière plus générale, la force majeure exonère le cocontractant qui, en raison de celle-ci, a été défaillant dans l’exécution du contrat (C. civ. art. 1218 et 1231-1 issus de ord. 2016-131 du 10-2-2016).

Dans cet arrêt, la cour d’appel de Paris se réfère d’abord aux critères de la force majeure fixés par la jurisprudence avant l’entrée en vigueur de l’article 1218 du Code civil : événement imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible pour celui qui l’invoque. L’article 1218, applicable depuis le 1er octobre 2016, définit la force majeure comme un événement incontrôlable, imprévisible et irrésistible. Ce texte n’avait pas vocation à régir la réduction d’affrètement décidée par le commissionnaire en mai 2016. La cour d’appel fait toutefois référence à cette nouvelle définition dans un second temps. La transposabilité de la solution retenue en l’espèce au régime actuel de la force majeure ne fait donc aucun doute.

Une grève, qu’elle soit interne ou externe à une entreprise, peut constituer un cas de force majeure pour celle-ci (pour des grèves internes, Cass. 1e civ. 11-6-1996 n° 94-14.124 P : RJDA 3/97 n° 324 ; Cass. soc. 11-1-2000 n° 97-18.215 PB : RJDA 2/00 n° 201), dans la mesure où les conditions précitées sont remplies. Par exemple, la SNCF n’a pas pu s’exonérer de sa responsabilité à l’égard d’une entreprise qui lui avait confié le transport ferroviaire de produits frais, abîmés par l’immobilisation du convoi en raison d’une grève des cheminots, dès lors que celle-ci avait été annoncée une semaine avant que la SNCF n’accepte le transport et que cette dernière disposait d’une option pour l’effectuer (Cass. com. 6-5-1997 n° 94-15.589 P : RJDA 8-9/97 n° 1044).

Pour en savoir plus sur ce sujet : voir Mémento Concurrence consommation n° 85151


CA Paris 9-2-2021 n° 20/05074

Entre symbole et précision : la ratification implicite de la créance déclarée sans pouvoir

Depuis l’ordonnance du 12 mars 2014, le créancier peut ratifier la déclaration faite en son nom jusqu’à ce que le juge statue sur l’admission de la créance. Selon la Cour de cassation, puisqu’aucune forme particulière n’est prévue pour cette ratification, celle-ci peut être implicite. Dès lors, un créancier qui conclut devant une cour d’appel à l’admission de la créance déclarée en son nom par un préposé, mais sans pouvoir, a nécessairement ratifié la déclaration, ne serait-ce qu’implicitement.

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