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Analyses du Conseil d’État de janvier 2021

L’Essentiel

Les décisions à publier au Recueil

Procédure. Lorsque, postérieurement à la clôture de l’instruction, le juge informe les parties, en application de l’article R. 611-7 du CJA, que sa décision est susceptible d’être fondée sur un moyen relevé d’office, cette information n’a pas par elle-même pour effet de rouvrir l’instruction. Il en va de même de la communication aux parties des observations reçues sur ce moyen. Lorsqu’en réponse à la communication qui lui a été faite par le juge qu’un moyen était susceptible d’être relevé d’office, une partie présente, postérieurement à la clôture de l’instruction, une argumentation qui doit la faire regarder comme ayant expressément repris ce moyen, et qu’il s’avère que ce moyen n’avait pas à être relevé d’office, il n’y a pas lieu pour le juge d’examiner son bien-fondé. CE, Section, 25 janvier 2021, Mme L… et autres, n° 425539, A.

Santé publique. Les décrets permettant la prescription d’hydroxychloroquine hors de son autorisation de mise sur le marché (AMM) en la limitant aux patients hospitalisés et dans un état grave ne méconnaissent pas, eu égard aux données acquises de la science à la date de leur édiction, le droit pour le médecin de prescrire un médicament hors AMM en l’absence d’alternative médicamenteuse lorsqu’il l’estime indispensable. CE, 28 janvier 2021, M. B… et autres, n° 439764, A.

Services publics locaux. Dans le périmètre des zones desservies par le réseau de distribution d’eau, les communes ou EPCI compétents sont en principe tenus de faire droit aux demandes de réalisation de travaux de raccordement, dans un délai raisonnable. En dehors de ces zones, ils apprécient la suite à donner aux demandes d’exécution de travaux de raccordement en fonction, notamment, de leur coût, de l’intérêt public et des conditions d’accès à d’autres sources d’alimentation en eau potable. CE, 26 janvier 2021, M. J… et Mme R…, n° 431494, A.

Quelques décisions à mentionner aux Tables

Asile. Les parents d’un enfant né après l’enregistrement de leur demande d’asile peuvent présenter, postérieurement au rejet définitif de leur propre demande, une demande au nom de leur enfant. Cette demande doit alors être regardée comme une demande de réexamen dans tous les cas, y compris lorsque l’enfant est né après le rejet définitif de la demande des parents. CE, 27 janvier 2021, OFII c/ Mme A…, n°445958, B.

Etat d’urgence sanitaire. Si le Premier ministre peut, en vertu des pouvoirs qu’il tient du 6° du I de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, aux fins de garantir la santé publique, réglementer les rassemblements sur la voie publique ainsi que les réunions de toute nature et, le cas échéant, les interdire, il ne peut légalement, en l’absence de disposition législative lui donnant compétence à cette fin, subordonner les manifestations sur la voie publique à un régime d’autorisation. CE, 15 janvier 2021, Confédération générale du travail et autres, n° 441265, B.

Fiscalité. Il appartient au juge de l’impôt, lorsqu’il est saisi du recouvrement d’une créance fiscale auprès d’un débiteur qui réside à l’étranger, de déterminer si une norme du droit de l’Union ou un traité international autorise des modalités de notification ou de signification à l’étranger qui dérogent aux modalités qui sont prévues, en l’absence de tels textes, par l’article 683 du code de procédure civile. CE, 26 janvier 2021, M. T… et ministre de l’action et des comptes public, n°s 429381 429410, B.

Nationalité. La personne ayant fait l’objet d’un décret la libérant de ses liens d’allégeance avec la France peut, eu égard aux effets d’une telle décision, demander à l’administration à tout moment de la retirer s’il s’avère qu’elle n’a pas été effectivement prise sur sa demande ou qu’elle est entachée d’un vice du consentement. CE, 28 janvier 2021, M. C…, n° 435279, B.

Urbanisme. Un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire que lors de l’élaboration ou de la révision d’un PLU, mais non lors de sa modification. CE, 28 janvier 2021, Société Denali Consulting, n° 433619, B.

L’inexactitude du taux de période d’un crédit n’entraîne pas la déchéance du droit aux intérêts  

Un emprunteur ayant souscrit un crédit immobilier fait valoir que le taux de période est un élément déterminant du taux effectif global (TEG), car il assure, selon la méthode des intérêts composés, l’égalité entre les sommes prêtées et tous les versements dus par l’emprunteur au titre du prêt, doit être exprimé de manière exacte sans arrondi et que, à défaut, le TEG étant irrégulier, la déchéance du droit aux intérêts est encourue.

Sa demande est rejetée par la Cour de cassation. Si la règle de l’arrondi est inapplicable au calcul du taux de période, l’inexactitude de ce taux, contrairement à celle du TEG, n’est pas de nature à entraîner la déchéance du droit aux intérêts.

A noter : Précision inédite.

Pour les opérations de crédit destinées à financer les besoins d’une activité professionnelle ou destinées à des personnes morales de droit public, le TEG est un taux annuel, proportionnel au taux de période, à terme échu et exprimé pour cent unités monétaires ; le taux de période et la durée de la période doivent être expressément communiqués à l’emprunteur (C. consom. art. R 314-2, al. 1).

La sanction du défaut de communication du taux et de la durée de la période est la déchéance, totale ou partielle, du droit aux intérêts conventionnels, et non la nullité du taux d’intérêt conventionnel avec la substitution du taux légal (Cass. 1e civ. 5-2-2020 n° 19-11.939 FS-PBI : BRDA 7/20 inf. 17). La solution se déduit de l’article L 341-34 du Code de la consommation (ex-art. L 312-33), qui prévoit que la déchéance du droit aux intérêts est encourue par le prêteur en cas d’erreur affectant le TEG mentionné dans l’offre (en ce sens, Cass. 1e civ. 30-9-2010 n° 09-67.930 F-PBI : RJDA 1/11 no 74?; Cass. 1e civ. 6-6-2018 no 17-16.300 F-D : RJDA 2/19 no 127?; Cass. 1e civ. 23-1-2019 no 17-22.420 F-D : RJDA 5/19 no 369). Mais cette sanction ne joue qu’en cas d’écart entre le taux mentionné dans le prêt et le taux réel avancé par l’emprunteur supérieur à la décimale prescrite par l’article R 314-2 du Code de la consommation (même arrêt).

En revanche, s’agissant de l’inexactitude du taux de période et non de celle du TEG, la déchéance du droit aux intérêts n’est pas encourue. Au cas particulier, l’emprunteur reprochait à la banque d’avoir « arrondi » le taux de période. La Cour suprême relève que la règle de l’arrondi est certes inapplicable au calcul du taux de période, mais elle ne prononce néanmoins pas de sanction : en effet, dans ce cas, l’emprunteur ne subit pas de préjudice. Or la Cour de cassation exige désormais, en cas de défaut de mention ou d’irrégularité du TEG, que l’emprunteur démontre avoir subi un préjudice pour bénéficier de la déchéance du droit aux intérêts (Cass. 1e civ. 12-10-2016 no 15-25.034 F-PB : RJDA 2/17 no 109 ; Cass. 1e civ. 20-5-2020 no 19-11.618 F-D : RJDA 8-9/20 no 447).

Cet arrêt s’inscrit dans un courant qui accorde moins d’importance au taux de période, qui n’est qu’un élément du TEG : ainsi, il a été jugé que l’obligation de mentionner le taux de période ne s’applique pas à l’avenant qui modifie le prêt initial (Cass. 1e civ. 12-11-2020 n° 19-17.061 FD : BRDA 24/20 inf.19) .

Sophie CLAUDE-FENDT

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Concurrence consommation n° 89335

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Cass. 1e civ. 6-1-2021 n° 18-25.865 F-P

Convention de reclassement personnalisé : intégration de la contribution de l’employeur au plafond de garantie par l’AGS

Le montant des contributions de l’employeur au dispositif de la convention de reclassement personnalisé est une créance du salarié au sens de l’article L. 3253-17 du code du travail dans sa version en vigueur avant la loi du 18 novembre 2016 et entre de ce fait dans le calcul des créances garanties par l’AGS ainsi que dans la détermination de son plafond de garantie.

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Procédure collective et intervention forcée d’un tiers en appel, pas d’éclaircies à l’horizon

L’ouverture, postérieure au jugement, d’une procédure collective à l’égard d’une société intimée n’a pas pour effet de modifier les données juridiques du litige et ne constitue pas une évolution de celui-ci, permettant, pour la première fois devant la cour d’appel, la mise en cause de sa compagnie d’assurance contre laquelle la société appelante était déjà en mesure d’agir devant le premier juge.

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