Le 7 juin 2021, Isabelle Rome, la haute-fonctionnaire à l’égalité femmes-hommes, s’est rendue à l’École nationale de l’administration pénitentiaire (ENAP) et à la cour d’appel d’Agen. Une visite sous le signe de l’engagement, de l’action, de la cohésion et de la solidarité.
Le 7 juin 2021, Isabelle Rome s’est déplacée à l’Ecole nationale de l’administration pénitentiaire (ENAP). Les acteurs de l’établissement lui ont présenté le travail mené auprès des élèves et des stagiaires – destinés à être de futurs agents de l’administration pénitentiaire – sur la sensibilisation à l’égalité femmes-hommes et la lutte contre les violences conjugales à la suite du Grenelle sur ces violences.
Isabelle Rome était accompagnée de Marc Etienvre, directeur adjoint des ressources humaines, et de Corinne Harlicot, cheffe de projet ressources humaines à la DAP. Le directeur de l’ENAP, Christophe Millescamps, a insisté sur l’importance de promouvoir une réponse non pas seulement juridique, mais aussi et surtout culturelle.
ZéroDiscrim, une plateforme pour accompagner les victimes
La matinée a été ponctuée par l’intervention des différents référents de l’ENAP. Jeanne-Marguerite Krzyzaniak, la DRH, a présenté l’engagement de l’école en matière d’égalité professionnelle. Objectif : déconstruire les stéréotypes et faire changer les mentalités à partir d’un travail transversal. Une équipe de 11 référents a ainsi été constituée à l’ENAP pour écouter les victimes de violences sexistes et sexuelles, recueillir leur parole et les suivre. Une plateforme spécifique à l’école, ZéroDiscrim, a aussi été créée pour accompagner les victimes.
« La féminisation à l’épreuve de la prison »
L’enseignante-chercheuse en sociologie Cécile Rambourg a présenté ses travaux sur la féminisation des personnels pénitentiaires, « La féminisation à l’épreuve de la prison ». Elle a démontréles difficultés qui pèsent sur la féminisation de ces professions. Elle a notamment insisté sur la persistance de tabous et des stéréotypes à l’encontre des femmes. Dans un tel environnement, les caractéristiques attribuées à la « féminité »peuvent être dévalorisées et entraîner une hiérarchisation néfaste au bon fonctionnement du système. L’enseignante-chercheuse a suggéré qu’il était essentiel d’essayer de ne pas voir négativement l’approche considérée comme « féminine »du métier.Cette dernière a beaucoup à apporter aux pratiques de surveillance et de sécurité.
Qu’est-ce que la sécurité dynamique ?
Lors des échanges qui ont suivi, il a été soulignée que la féminisation pouvait être appréciée comme une opportunité de progression des pratiques professionnelles, à intégrer notamment dans le développement du concept de sécurité dynamique. Cette notion a été présentée par Jean-Philippe Mayol, directeur adjoint de l’ENAP, et Paul Mbanzoulou, directeur de la recherche, de la documentation et des relations internationales. Il s’agit dans les grandes lignes d’une vision originale de la sécurité, reposant sur une co-production participative de celle-ci par les détenus, en relation directe et positive avec les surveillants.
L’importance de la prévention proactive
Le procureur général d’Agen, Patrick Mathe, est à son tour intervenu pour rappeler l’engagement de la cour d’appel dans la lutte contre les violences faites aux femmes, un terme préféré à celui de « violences conjugales »car il témoigne de la problématique prégnante de domination patriarcale qui sous-tend ces violences. Il a insisté sur l’importance majeure du travail en amont et de la prévention proactive. Ces axes s’inscrivent selon lui dans une double révolution culturelle : celle du renversement du primat de la domination masculine et de l’intervention rapide sur des faits légers, pour éviter l’aboutissement à l’irréparable.
L’impact du Grenelle sur la formation
Michel Flauder, chef du département probation et criminologie de l’ENAP, a ensuite exposé l’impact du Grenelle des violences conjugales dans la politique de l’ENAP. L’école a tenu à inclure des séances dans la formation initiale, articulée autour de six grands axes : la lutte contre les violences sexuelles, sexistes et les discriminations, les instruments de l’évaluation criminologique, le travail sur la représentation dans la prise en charge des auteurs de violences, l’identification des dynamiques de violences intrafamiliales au niveau psycho-criminologique, le travail avec les auteurs et les enjeux du maintien des liens familiaux.
Hugues Belliard, directeur adjoint de la formation à l’ENAP, a présenté les deux projets de mallettes pédagogiques développées avec la mission interministérielle de protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite (MIPROF). Une mallette sur les violences au sein du couple à destination des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) va être opérationnelle à la rentrée 2021. Une autre mallette autour des violences sexistes et sexuelles à destination de l’administration pénitentiaire est en cours de développement.
L’ENAP, « un haut lieu d’émancipation »
L’après-midi, la haute-fonctionnaire a rencontré des élèves formateurs et responsables de formation à l’occasion d’une animation autour du genre, proposée par le psychologue Sylvain Akermann. Cette rencontre a donné lieu à des échanges d’une grande richesse. Isabelle Rome a tenu à saluer « la grande liberté de parole rendue possible à l’ENAP, faisant de l’école un haut lieu d’émancipation. »
L’action culturelle de l’ENAP en lien avec l’égalité femmes-hommes a ensuite été présentée par l’équipe en charge de la culture. Dans l’optique de développer l’interconnaissance, l’expression des identités et le vivre-ensemble, des formations par et avec l’art autour du spectacle vivant, des projets d’élèves – avec un atelier théâtre forum par exemple – ont été mis en place. Une résidence d’artistes a été installée au sein de l’école, dans une démarche réflexive et transversale, en collaboration avec les élèves.
La nécessaire exemplarité des élèves
La haute fonctionnaire a ensuite échangé avec les délégués des élèves présents sur site. Elle a insisté sur l’importance de l’exemplarité. Elle a précisé que l’égalité femmes-hommes était un sujet qui devait tous nous rassembler. Elle a répondu aux questions des délégués sur son parcours, ou encore sur les dispositifs de lutte contre les violences conjugales mis en œuvre par la justice à la suite du Grenelle.
Proactivité, protection et probation
Le 8 juin, Isabelle Rome s’est rendue à la cour d’appel d’Agen pour rencontrer les acteurs impliqués dans la lutte contre les violences conjugales sur le territoire.
Accueillie par le procureur général, Patrick Mathé, et le premier président, Stéphane Brossard, Isabelle Rome avait aussi convié l’Ordre national des médecins, représenté par son vice-président, Jean-Marcel Mourgues.
Elle a ouvert l’échange en rappelant les deux idées fortes dans la lutte contre les violences faites aux femmes : la reconnaissance de la notion d’emprise – nécessitant une sensibilisation de tous les acteurs – et l’impact des violences au sein du couple sur les enfants. Elle a aussi souligné l’importance d’agir ensemble en gardant à l’esprit trois mots-clés :proactivité, protection et probation.
Prévenir pour protéger
La matinée a permis aux acteurs présents de s’exprimer au sujet de leurs actions et de leur engagement. Le procureur général a insisté sur l’action en amont et l’intervention rapide, cruciales pour protéger les victimes, mais aussi particulièrement efficaces pour prévenir l’engrenage de la violence. Les représentants de l’Ordre national et de l’Ordre départemental des médecins, impliqués dans l’aide au signalement par les soignants et dans l’accompagnement des victimes, se sont également exprimés. Dans la continuité, madame Rabat – représentant le parquet d’Agen- a présenté la plateforme de signalement, de dépôt de plainte et de prise en charge de victimes de violences sexuelles et sexistes au sein des structures hospitalières.
Célérité et efficacité
Policiers et gendarmes étaient également présents pour rappeler leur action et leur mobilisation dans cette lutte partagée. Ils ont expliqué le développement de formations pour l’accueil des victimes de violences conjugales. Le procureur de la République d’Auch a aussi appuyé sur deux notions-phares pour la progression de tous les acteurs sur cette thématique : célérité et efficacité. Il a présenté le protocole signé entre son parquet et le conseil départemental de l’Ordre des médecins, en application du nouvel article 226-14-3 du code pénal.
« Bousculer l’ordre établi pour sauver des vies »
Le dispositif Cave Canem a ensuite été présenté à la haute fonctionnaire par le procureur de la République de Cahors, monsieur Almendros. Il s’agit d’un dispositif original proposant aux victimes de violences conjugales d’être accompagnées par un chien pour les apaiser au quotidien.
Au cours de cette matinée, les associations, avocats, CPIP, magistrats, médecins ainsi que le directeur de l’ENAP étaient ainsi tous rassemblés pour unir leurs forces et partager les bonnes pratiques pour lutter sans relâche contre les violences faites aux femmes. « Bousculer l’ordre établi pour sauver des vies » : voilà l’esprit qui a guidé cette rencontre, lors de laquelle les expériences ont pu s’enrichir les unes des autres.