Du calendrier et du libre choix de stratégie de l’avocat 

Les lecteurs fidèles de ce blog l’auront noté, M° Gilles Huvelin ne porte pas aux calendriers la même affection qu’un facteur de la Poste à l’approche des étrennes. Je en parle pas des calendriers Ferrari ou Aubade, au sujet desquels son opinion reste de la sphère privée, mais plutôt des calendriers http://avocats.fr/space/gilles.huvelin/content/les-calendriers-de-procedure-devant-les-tribunaux-de-commerce-doivent-etre-contractuellement-acceptes-_5722A5D5-4625-4B5E-8698-2A74CD74BBE8  ou  http://avocats.fr/space/gilles.huvelin/content/il-est-temps-de-dire-que-nous-ne-sommes-pas-d-accord-_C859D8D7-A4C5-482E-A61C-B92580A826B9 que leur diversité brouillonne condamna à leurs débuts à finir épinglés contre le mur, avec ou sans croc de boucher.  Et comme pour planter le clou il faut être deux, il arrive à l’excellente Corinne Blery de tenir avec son talent habituel  le marteau lorsque M° Huvelin tient le clou :http://avocats.fr/space/gilles.huvelin/content/protocole-de-procedure-devant-le-t-c–de-bobigny_3D1A6290-3407-4F0C-AE60-C9A42B31A595 .

Mais même lorsqu’ils ne sont pas entachés de ces vices originels, les calendriers de procédure ne sont pas sans poser question. L’expérience aidant, on les voit créer aux avocats d’autres problèmes plus complexes.

Oublions l’entrave à la liberté de lire le dossier la veille de l’audience et de conclure le matin, l’idée n’est pas de jeter des pierres sur les cailloux.

Mais lorsque par exemple, les parties indiquent vouloir transiger, et que le juge chargé d’établir le calendrier que les parties n’ont pas réussi à élaborer les pousse un peu en disant, très bien … donc vous indiquez que vous aurez sans aucun doute abouti à une négociation d’ici trois mois au grand maximum. Très  bien ;  non, nous ne nous revoyons pas dans trois mois, nous notons comme première étape du calendrier que vous notifierez au tribunal, dans trois mois, soit fin juin 2013,  la conclusion ou l’échec de la négociation.  Et nous planifions l’étape suivante, les conclusions en réponse du DEF. Pardon ? Ah plutôt quatre mois pour les négos. Très bien quatre mois et donc fin Juillet 2013. C’est vous qui conduisez l’instance, le tribunal ne fait que l’organiser.  Et donc ensuite pour les conclusions en réponse du DEF ? Ah oui, il vous faut un bon mois, non deux avec les vacances. Pas de problème donc CCL DEF a fin septembre 2013. Très bien. Donc jusqu’à fin Juillet pour les négos, après vous notifiez un désistement ou un échec, puis jusqu’à fin Septembre pour les CCL DEF. Pardon ? Ah oui, finalement rien ne vous interdit de poursuivre les négos jusqu’à fin Septembre ? Non bien sur ? Et dans ce cas, ça change la date des CCL en réponse ? Non ? Ah vous pouvez rédiger vos CCL en DEF en 48 heures ? Ah bon ! Pardon, j’avais entendu 2 mois minimum.

Compliqué aussi lorsque l’une des parties entend conclure sur des incidents qui sont sans doute soulevés de bonne foi mais qui ont un caractère éventuellement dilatoire (au sens commun). Bien sur, Maître. Donc vous concluez sur l’incident pour fin Avril 2013, le demandeur réplique pour fin Mai 2013, et ensuite vous concluez en défense au fond pour ????  Pardon ? Ah .. on verra le calendrier plus tard .. non.. non.. on fait un vrai calendrier ..  Donc au cas où l’incident ne serait pas retenu, vous concluez en défense au fond pour quand ?  Y répond en général un œil de chien battu identique à celui qui dans une audience correctionnelle simple où les faits sont évidents mais la police a un peu brusqué les choses suit la décision « nous joignons l’incident au fond ».. Traduction à mi-voix pour le client dans le box : « c’est mal barré, ils vont rejeter l’incident »

Compliqué encore lorsque via une chaîne d’assurance ou de transport, il est probable que les appels en garantie successifs vont se multiplier et où l’on entend faire surgir par avance les évidences en matière d’appel en garantie, et éviter qu’il se passe trois mois + vacances entre chaque là où un mois peut largement suffire. Face au « mais je ne sais pas  encore qui je vais appeler en garantie »,  le « ben vous pensez sérieusement que l’ensemble de la chaîne ne va pas intervenir, volontairement ou  contrainte ? » n’a pas toujours l’effet « eureka » qu’on pourrait attendre. Encore un calendrier qui s’oppose à la liberté de flâner. .Et sans la liberté de flâner il n’est pas de plaidoirie flatteuse, comme disait un beau marcheur.   Quelle vie !

 Et que dire lorsque à une audience de rappel le dominus litis sorti de sa lointaine réserve car étonné de cette procédure qui viserait à le contraindre, et venu « substituer son mandataire ou son collaborateur », indique d’un ton indigné qu’en aucun cas il n’a été informé des contraintes figurant dans l’ordonnance calendrier, et qu’en tout état de cause, ce qui a été convenu avec son collaborateur trop tendre ou son mandataire ne saurait lui être opposable.

Et oui… il semble aussi que le calendrier soit un outil pour faciliter les négociations en leur fixant une date butoir et en leur évitant de déraper, et aussi un outil à accélérer la discussion au fond plutôt que le concours d’incidents.

Mais ce faisant, ne risque-t-il pas de faire passer l’article 3 du CPC avant l’article 2 ?  En a-t-il le pouvoir ? Sous quelles limites ?

A vos claviers ..