Auteur/autrice : maitrepadpad

L’aventure d’un retour en Suisse

Le rêve de Lotti Pfyl s’est brisé. L’expatriée suisse doit revenir au pays après cinq ans passés en Allemagne. Dans son journal de bord, elle nous raconte comment elle vit ce retour forcé. «En septembre, la visite de Suisse que j’attendais tant est enfin arrivée. Mon fils est venu me voir, les valises chargées de nouvelles sur sa vie. Il a l’opportunité de reprendre, au printemps prochain, un restaurant prisé des touristes en Suisse centrale. Après son départ, j’ai eu un véritable coup de blues. C’était comme une crise douloureuse, avec le cœur qui s’emballe et de l’essoufflement. Je n’avais jamais vécu cela auparavant. Bien sûr j’avais déjà ressenti un peu de mélancolie entre deux adieux, mais cela n’avait jamais été aussi intense. Désormais, le fait de ne plus avoir aucun contact à cause du coronavirus rend le désir de famille et de se retrouver chez soi plus fort que jamais. J’ai eu du mal à reconnaître que mon rêve d’une vie différente à l’étranger s’est brisé, à m’avouer…

Quand la Suisse n’aime plus ses barrages

La Grande-Dixence, grande oubliée de la Confédération

Article original : https://www.letemps.ch/economie/grandedixence-grande-oubliee-confederation

Pour en savoir plus : https://www.suissemagazine.com/DisplayImg.php?VarI=8&VarT2=1998&VarAlt=

ÉNERGIE

La centrale hydraulique la plus célèbre de Suisse est en chantier, sans aucun soutien de Berne et dans une conjoncture morose. La stratégie énergétique nationale cible les nouveaux projets renouvelables et omet les anciennes infrastructures. Elles jouent pourtant un rôle immense

La neige poudreuse absorbe les sons, on n’entend que le bruit du vent, faible ce jeudi 10 décembre, sur le barrage de la Grande-Dixence. Le soleil radieux donne envie de skier. Ici, le coronavirus n’est pas arrivé. Des sédiments d’argile donnent au lac des Dix, qui s’étend sur cinq kilomètres, une couleur grise. Son niveau est bas, à une cinquantaine de mètres du sommet de l’édifice. La semaine dernière, il a baissé d’un mètre par jour. L’eau vient des glaciers et des vallées par le biais d’un réseau de galeries et de stations de pompage.Anzeige      https://imasdk.googleapis.com/js/core/bridge3.432.0_en.html#goog_2118119420

De l’autre côté, une façade de 285 mètres plonge sur une chapelle et un hôtel, le Ritz, occupé par des ouvriers. Certains appellent la Grande-Dixence le «mur», d’autres y voient un «monstre majestueux». Ses 6 millions de m³ de béton, 15 millions de tonnes et 200 mètres de large à sa base retiennent 400 millions de m³ d’eau. «Si le barrage était un mur de 1,5 mètre et 10 cm de large, il ferait le tour de la Terre à l’équateur», indique le responsable d’un chantier du barrage, Patrick Sierro. Lui évoque une «vieille dame». Ici, tout le monde connaît l’un des 3000 ouvriers, ou leurs descendants, qui ont participé à sa création en 1961. Le monument suscite l’émotion, son histoire a marqué la Suisse.

«La Grande-Dixence se porte bien»

Chez Alpiq, le principal actionnaire de Grande Dixence SA, on l’appellerait aussi volontiers la grande oubliée. Le barrage-poids le plus haut du monde (2635 mètres d’altitude) a beau représenter le cinquième de toute l’énergie accumulée du pays, il ne bénéficie d’aucune subvention. Dans sa Stratégie énergétique 2050, Berne privilégie les nouvelles installations.

La force hydraulique représente 57% de la production électrique du pays, selon l’Association des entreprises électriques suisses (AES). Elle est largement constituée de dames âgées, en forme mais qui doivent être soignées. Un suivi d’autant plus complexe que les prix de l’électricité sont bas et que de telles centrales ne sont souvent plus rentables.Abonnez-vous à cette newsletter J’accepte de recevoir les offres promotionnelles et rabais spéciaux.

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«La Grande-Dixence se porte bien, le béton est sain, les conduites d’eau aussi, j’ai un immense respect pour ceux qui l’ont construit, leur tâche a été titanesque», indique Eric Papilloud, chef de projet de la réhabilitation de la centrale. Mais il faut la rénover: 87 chantiers sont ouverts, ou prévus, le long d’une artère qui achemine l’eau vers une usine à Fionnay puis une autre à Nendaz. Budget des travaux: 60 millions de francs.

Si en surface tout est silencieux, rien de tel sous terre où les galeries de granit côtoient des conduites d’eau qui s’étendent jusqu’à la vallée du Rhône. Parmi les trois tuyaux qui sortent du barrage, l’un part vers l’usine de Chandoline, à Sion, fermée car elle n’est plus assez performante. Construite en 1930, elle peut traiter 25 m³ par seconde. Elle est la première génération de la Grande-Dixence.

La deuxième génération de conduites, capables d’expédier 45 m³ d’eau par seconde, est aussi à l’arrêt. Des microfissures ont été repérées sur des soudures entre Fionnay et Nendaz, à la hauteur du village des Condémines, et ont engendré leur fermeture en 2016. Les exploitants en profitent pour rénover d’autres parties du circuit.

Un tuyau de 4,6 mètres de diamètre est retapé à 300 mètres du barrage. Des «vannes papillon» (qui peuvent se fermer) ont été ôtées pour être réparées. A Condémines, les conduites – à l’air libre car le terrain ne se prête pas aux tunnels – ont été acheminées à la casse et seront remplacées. Les pieux qui les maintiendront s’enfoncent à 22 mètres de profondeur. Le circuit descend ensuite sous terre vers l’usine de Nendaz, en chantier.

Là-bas, des portes sont érigées dans la paroi montagneuse. Elles donnent sur un couloir orné d’une peinture bleue qui mène vers six turbines et autant de transformateurs à l’arrêt. Douze vannes – deux par turbine – sont alignées. Un transformateur du groupe genevois Sécheron sent l’huile, il peut en contenir 26 tonnes. Lui aussi semble attendre la réouverture de l’usine prévue dans trois ans.

A côté, les vibrations et le bruit sont constants. Cleuson-Dixence, la troisième génération du complexe, mise en service en 1992, tourne à plein régime. «C’est l’usine des superlatifs, le graal des hydrauliciens», selon Eric Papilloud. Une conduite crache 70 m³ d’eau par seconde (soit le débit du Rhône à cette hauteur) à 690 km/h. Trois turbines captent cette formidable énergie par le biais de leurs augets (ces pétales en acier qui les entourent): chacun d’entre eux reçoit 35 jets – qui correspondent chacun à une charge de 80 tonnes – par seconde. Ils font tourner des alternateurs géants dans des salles adjacentes.

L’eau part dans le Rhône, qui double de taille, et le courant électrique sur le réseau. Son transport est géré par le groupe Swissgrid et sa distribution par des entreprises régionales, de Romande Energie à SIG.

«Si on devait construire un tel complexe aujourd’hui, ce serait assez similaire. Fondamentalement, la technique n’a pas changé», relève Eric Papilloud.

En Suisse, un tiers de la demande en électricité vient des consommateurs, un tiers de l’industrie et un tiers des services. Alpiq indique que la centrale alimente 17 cantons, mais l’électricité peut aussi être exportée. La Grande-Dixence ajuste constamment sa puissance selon la demande, l’électricité ne pouvant être stockée. La cadence augmente souvent à l’aube et ralentit à midi. C’est à Lausanne, où siège Alpiq, qu’on tient les manettes.

En hiver, la puissance hydraulique baisse car l’eau est moins abondante et la Suisse importe plus d’électricité. En France, cette énergie est surtout nucléaire, en Italie, elle émane d’abord du gaz et en Allemagne du charbon.

Décarboner, donc électrifier

Ces derniers mois, les exploitants de la Grande-Dixence ont payé en moyenne 6,7 centimes pour produire un kilowattheure (kwh) d’énergie, les coûts de production surpassant les prix. Alpiq compense auprès d’autres centrales ou en vendant l’énergie au moment le plus opportun. Le groupe accumule tout de même les pertes.

Les difficultés du secteur se sont accentuées depuis une décennie, quand les cours du pétrole se sont mis à baisser et que l’offre des énergies renouvelables s’est précisée. Les bâtiments sont mieux isolés et les véhicules électriques se font encore rares.

«Si la Suisse veut décarboner l’économie, il faut l’électrifier, or la situation des installations hydroélectriques reste tendue au vu des prix de gros sur le marché de l’électricité. Il n’y a aucun subside pour renouveler les infrastructures existantes et donc peu d’incitations pour investir dans ces infrastructures et s’assurer qu’elles continuent à produire de l’électricité», selon Amédée Murisier, responsable de la production hydroélectrique d’Alpiq.

Seules les nouvelles centrales ou les projets qui visent à augmenter la puissance énergétique d’un aménagement sont soutenus par Berne. Selon la Stratégie énergétique 2050 de la Confédération, la force hydraulique restera le principal pilier de l’approvisionnement en électricité du pays. Le maintien des installations hydroélectriques existantes est donc primordial, souligne la branche.

Chez Alpiq, on relève que les centrales de pompage-turbinage ne bénéficient d’aucun soutien non plus or elles deviennent indispensables. Une telle station pompe l’eau depuis un bassin inférieur et l’achemine vers des lacs de retenue en altitude afin de la réutiliser plus tard pour produire de l’électricité. Elle ne crée pas forcément plus d’énergie mais en augmente la capacité disponible. Avec l’essor du solaire et de l’éolien, impuissants de nuit ou quand il n’y a pas de vent, cette flexibilité devient clé.

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Une révision de la loi sur l’énergie est en cours et le Conseil fédéral a proposé que les critères pour l’octroi de subventions soient assouplis, relève Marianne Zünd, porte-parole de l’Office fédéral de l’énergie. Le parlement a inclus dans la Stratégie énergétique des primes de marché pour la grande hydraulique, qui seront versées jusqu’en 2022.

«Les propriétaires de grandes installations hydroélectriques peuvent demander une prime de marché pour l’électricité produite qu’ils ont dû écouler sur le marché à un prix inférieur au coût de revient», dit-elle. La prime peut aller jusqu’à 1 centime par kilowattheure d’énergie produite.

L’AES recense 1500 centrales hydroélectriques en Suisse et estime que le potentiel d’expansion de l’énergie hydraulique est «pratiquement épuisé». Maintenir les infrastructures existantes coûte un demi-milliard de francs par an, selon la branche.

La Grande-Dixence est confrontée à un autre défi, qui touche d’autres barrages: les sédiments d’argile s’accumulent au fond du lac des Dix et se rapprochent de ses prises d’eau, à 200 mètres de profondeur. Or les solutions pour les enlever sont complexes.

«Nous sommes les gardiens d’un morceau d’histoire, c’est une fierté de pouvoir faire perdurer l’œuvre de nos prédécesseurs», selon Eric Papilloud. Si le niveau du lac est bas, relève-t-il, «c’est bon signe». Signe que la centrale a produit beaucoup d’électricité, qu’elle tourne et qu’elle respire. Les prix ont plutôt augmenté ces dernières semaines. Si elle est bien entretenue, la Grande-Dixence peut, selon lui, vivre encore très longtemps.

Correction: Une première version de l’article indique que 70000 m³ d’eau arrivent chaque seconde dans la centrale de Cleuson-Dixence. Il s’agit en fait de 70 m³ d’eau, soit le débit du Rhône à cette hauteur.PUBLICITÉ

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