Auteur/autrice : maitrepadpad

Retour vers le futur …. Une audience au commerce en 2025

2025 …. Il s’en est passé des choses … mais on les a vite oubliées. Cela fait déjà 8 ans que Madame Taubira est dictateur à vie de la Guyane devenue indépendante en 2017, et Emmanuel Macron en est à son 16ième refus de liberté conditionnelle, la Cour des comptes n’ayant pas encore fini de rétablir la vérité des comptes de l’année 2016.

Mais au tribunal de commerce, cela fait longtemps que tout ce qui était papier a été brûlé dans un gigantesque autodafé. Tout, absolument tout. Les dossiers, les conclusions, et même les vieux codes de procédure civile qui n’étaient même pas déballés. En fait, ils servaient à caler les estrades mais comme chaque année ils prenaient quelques pages de jurisprudence, les estrades devenaient bancales.

Dans la salle des pas perdus, des avocats hagards campent depuis le milieu de la nuit devant l’entrée de la salle d’audience. Eh oui, il n’y a plus de rôle mais seulement un écran qui défile les affaires à toute vitesse. Il est bien sûr strictement impossible de lire et noter plus qu’une ou deux affaires à la fois, ce qui oblige les avocats, qui ont échangé la robe contre un sac de couchage, à passer la nuit devant l’écran en espérant enfin que leur affaire apparaisse. Les crises de nerfs sont nombreuses, car le système d’affichage bugge et repart au départ sans préavis. Imaginez ce qu’il en est quand vous avez patienté plus d’une heure en surveillant 200 affaires, que vous espérez que vos affaires, au rang 207 et suivant vont enfin s’afficher et que paf, c’est à ce moment là que l’écran tombe en panne.

Mais l’heure de l’audience approche … alors un employé d’un prestataire de service passe rapidement essuyer avec un chiffon en peau de chat, survivance d’une ancienne tradition, les crachats qui décorent l’écran, signe de l’épuisement des avocats qui le contemplent depuis 12 heures.

La sonnette retentit sur les téléphones 8G des avocats et chacun à son tour tente d’ouvrir la porte de la salle d’audience en présentant au scanner de sécurité son œil, son doigt ou … non, quand même … L’habitude de faire postuler les dossiers par des non-avocats n’a pas disparu, mais du coup, les clercs ont, grâce au scanner, trouvé le moyen de contourner le système. Chacun est muni de l’un des doigts sanguinolents de son patron, qu’il présente au scanner pour ouvrir. Une motion est d’ailleurs en cours au niveau du barreau car cela limite à 10 le nombre de clercs de chaque avocat, raison pour laquelle ils demandent à pouvoir enregistrer aussi les empreintes de leurs doigts de pied pour démultiplier le nombre. Bête comme ses pieds a une nouvelle signification.

En file indienne, les avocats vont s’asseoir à la place qui leur est désignée par l’écran de contrôle. Aujourd’hui, ils sont tous assignés au dernier rang. Non, ce ne sont pas des cancres collés au radiateur, mais il y a encore un bug dans le système de placement qui considère que chacun de ceux qui ont postulé au moins une fois dans chaque dossier sont réputés présents. Du coup, les 22 premiers rangs sont réservés à des avocats qui ont cessé depuis longtemps de se présenter et les survivants se tassent au fond.

L’appel des causes commence. L’huissier ne lit plus les noms des parties, mais agite au dessus de sa tête le code barre de chaque affaire. Evidemment les avocats ne voient rien, comme ils sont au fond de la salle, et se repassent tous une paire de jumelles pour essayer de lire le code barre. En vain, il est faux, ce qui est la vraie raison de les cantonner au fond, mais chut ..

Le greffe s’énerve un peu et demande aux avocats de s’avancer cinq par cinq. Malgré leur protestations, le greffe leur explique que la nouvelle application e-audience est prévue pour qu’il y ait exactement cinq avocats par affaires, ni plus ni moins. A ceux qui protestent qu’ils ne sont pas dans l’affaire, est répondu qu’on s’en fout, l’avocat étant dispensé de pouvoir, le greffe n’est pas non plus tenu de vérifier que l’avocat est bien mandaté dans l’affaire. Non mais sans blague. La notion de demandeur et de défendeur a été abrogée depuis longtemps. On parle de numéro 1, numéro 2, numéro 3, numéro 4, numéro 5.

Aucun échange de conclusions à la barre, depuis longtemps le RPVTC a pris le dessus. La vérification du bon échange de conclusions est remplacé par un jeu en ligne où les avocats doivent appuyer assez vite sur la manette pour dégommer le maximum de cibles en un minimum de temps. Cela fait maintenant cinq ans que le CAPA a été remplacé par un M2 de jeux vidéo sur ordinateur, compte tenu de l’évolution de la technologie. Cela a aussi permis de rééquilibrer la province et Paris, puisque les avocats peuvent rester devant leur télévision à domicile.

Toute la profession s’extasie sur la dextérité de Maître AVigdor COlombus, qui bat tous ses confrères de plusieurs milliers de points. Il nous a avoué, en off, qu’il s’entraîne sur la version kalachnikov du jeu d’adresse, qu’il a pu facilement pirater, compte tenu des nombreux trous du système e-audience, et sur laquelle un de ses amis a remplacé le portrait de Rambo par celui du greffier qui a inventé e-audience. Ah ben bien sûr. Avec une pareille motivation cela frise la triche.

Toutefois, suite à une remarque de l’inspection générale, les avocats ne sont pas dispensés de remettre un paquet de feuilles papier intitulé conclusions. Le Greffe a décidé que pour gagner du temps, ce paquet devrait faire exactement 7 feuilles pas une de plus pas une de moins. Comme cela fait longtemps que ni les avocats ni les juges ne lisent plus les conclusions, ce paquet est constitué de feuilles vierges, mais pour distinguer les conclusions de chaque avocat, chacun s’est vu attribuer une couleur différente. On reconnaît d’ailleurs les jeunes avocats qui ne savent pas qu’on peut acheter le papier de couleur au temps qu’ils passent à peindre des papiers blancs avec des stabylos, habitude prise à la fac.

Le greffier est muni d’un scanner hyper moderne. Comme le scanner standard était trop lent et que l’absence chronique de sécurité avait fini par provoquer la fuite de dossiers, le scanner a été remplacé depuis 3 ans par un broyeur d’archives qui déglutit rapidement les conclusions et en fait des copeaux qui sont stockés dans les caisses d’archives. C’est d’ailleurs à cause de cette réforme que le costume des avocats a perdu sa bavette, il y avait eu trop d’accidents d’avocates penchées sur le broyeur et dont la cravate s’était coincée dans le mécanisme, provoquant leur hachage rapide.

Ce qui prend encore pas mal de temps, c’est la gestion des renvois. Le renvoi n’est plus à date choisie, mais est optimisé par e-audience. C’est donc une sorte de loto où les avocats attendent inquiets que le greffier leur annonce le verdict de la machine. Et c’est encore un morceau de l’application un peu buggée. Régulièrement, au lieu d’afficher une date, le pc du greffier se bloque, ce qui l’oblige à le rebooter. Et comme le système ne fait pas de sauvegarde, à chaque reboot, le commis greffier doit ressaisir les dates à partir de la première affaire. Du coup, il demande à l’huissier de rappeler la première affaire et on recommence ….. Les tribunaux de la couronne s’arrachent les meilleurs commis qui arrivent à saisir parfois jusqu’à cinquante affaires avant que tout ne plante et ne doive être recommencé. Pour les juniors, on leur demande à l’examen de saisir une seule affaire, et on constate qu’environ 2 sur 3 échouent.

Evidemment cela fait longtemps qu’il n’y a plus de juges sur le siège.

Au début on les a remplacés par un système expert heuristique. Mais ça n’a pas marché longtemps …. Evidemment le système expert apprenait au fur et à mesure et a fini par rendre les jugements de plus en plus vite et de plus en plus courts. D’ailleurs à la fin, les jugements étaient quasiment tous sous la forme G. F…. et personne ne savait les exécuter. Jusqu’au moment où on est tombé sur un huissier parlant anglais, qui a prétendu comprendre le sens, mais qui a tellement ri qu’il n’a jamais pu exécuter.

Mais une fois que e-audience a été généralisé, on a pu se dispenser des jugements. Le système est devenu tellement long que l’ensemble des sociétés finissent en liquidation avant d’être jugées, et on a donc, dans une version simplifiée du CPC, décidé de déclarer gagnant le dernier avocat encore debout à la fin de l’audience de mise en état quand tous ses confrères ont été évacués pour crise de nerf.

C’est à cause de cela que maintenant on demande aux avocats qui entrent en audience non seulement de laisser leur carte de crédit, le greffe ayant une nouvelle application pour débiter les dépens en temps réel, mais aussi leur carte vitale pour pouvoir les hospitaliser plus vite.

Quant à la procédure, le principal est sauf ….. la procédure est toujours Oh râle Oh désespoir .. même si d’aucuns avaient craint qu’elle ne devienne prescrite par un an, mais avec une double dose de haine.

C’est bien ce que disaient  les avocats avant-gardistes quand on leur en parlait en 2015. E audience, on va l’avoir en prescription …

Dématérialisation et preuve papier

Un fidèle lecteur « Bobby93 » m’adresse un arrêt de la Cour d’Appel de Versailles qui le réjouit, à juste titre , me semble-t-il,

car il constate ainsi dit-il:

a) que la Cour d’Appel de Versailles fait primer le CPC sur les dysfonctionnements de l’informatique

b) que la Cour d’Appel de Versailles accepte des commencements de preuve par écrit face à la parole d’un greffe soutenant ne pas avoir reçu ses conclusions.

Moralité, quand on vous parle de zéro papier, commencez donc par imprimer et archiver les copies écran de ce que vous faites sur e-barreau,

ca peut s’avérer indispensable …

Cette remarque, ajouterais-je, est un délice de fin gourmet. Ne perdons pas de vue également que l’humain doit primer. Que l’informatique est un moyen et non une fin en soi.

Mots-clés:

La preuve dans les  procédures de mise en état  à l’épreuve des négligences des intervenants.

Au sujet du RPVA et du RPVTC, il a été beaucoup discuté du droit de la preuve et notamment de la preuve de la remise effective d’un acte, ou de conclusions,  à une partie ou à son conseil.

Rappelons d’abord ce que dit le code

Pour l’assignation, pas de doute, ce sont les articles 656 et suivants qui remettent cela entre les mains de l’huissier, dont les actes ont une valeur probante particulière, même si l’on sait que dans certaines zones de «non droit» , le facteur des lettres simples passera là où celui des recommandés ne passera pas, et celui des recommandés passera là où l’huissier n’ira pas .. ce qui fait qu’un courrier simple fera se présenter à la barre une partie assignée en 659 CPC.

Pour les conclusions et pièces, la circulaire d’application du  décret de 2010 dit précisément :

Il convient de rappeler que dès lors que le calendrier s’accompagnera, en application d’une disposition propre à une juridiction, d’une dispense accordée aux parties de se déplacer à l’audience, ces échanges interviendront par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par notification entre avocats, éventuellement par communication électronique.

 En voulant éviter de recourir à une procédure qui marche bien, à savoir le dépôt à la barre, sous la responsabilité  d’un greffier professionnel apte à viser et coter immédiatement des écritures, après avoir contrôlé leur caractère parfaitement contradictoire,  la circulaire affaiblit grandement la sécurité juridique du processus. En outre la réalité est pire.

Oublions la signification palais, ce n’est pas le sujet, et oublions pour une fois le RPVTC qui permettra donc à tel ou tel d’écrire directement à telle ou telle autre partie, en incluant automatiquement une copie dans le dossier du juge, charge à ce pauvre juge, qui ne sera plus aidé en cela par son greffier remplacé par un système informatique, de trier dans ce qui aura « plus ou moins circulé », ce qui est plus ou moins contradictoire et à quelle date. Bon courage et multiplicité des cassations pour violation du contradictoire à prévoir. Ce sujet a été abondamment débattu par ailleurs et l’est encore.

Intéressons nous plutôt à la bonne vielle lettre recommandée dont il est commun de penser qu’un tiers externe assermenté, le facteur de la Poste, assure en toute indépendance le contrôle effectif de sa remise, comme d’ailleurs le rappelle un arrêté du 21 Mai 2013. http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027470308  qui vise a renforcer le contrôle du destinataire

<<Si la personne qui accepte l’envoi a déjà précédemment justifié de son identité à l’adresse, conformément à l’article 4 du présent arrêté, auprès du même employé chargé de la distribution soit en tant que destinataire, soit en tant que titulaire d’un mandat du destinataire en cours de validité, l’employé peut remettre l’envoi sans nouvelle présentation d’une pièce d’identité. L’employé indique alors sur la preuve de distribution et, le cas échéant, sur l’avis de réception, que tel est bien le cas et appose sa signature sur ces mêmes supports pour en attester.
(..)
Au moment du retrait par le destinataire de l’envoi mis en instance, l’employé consigne sur la preuve de distribution les informations suivantes :
– les nom et prénom de la personne ayant accepté l’envoi et sa signature (le destinataire ou son mandataire) ;
– la pièce justifiant son identité ;
– la date de distribution.
La preuve de distribution comporte également la date de présentation de l’envoi.
(..)
Les mentions portées sur la preuve de dépôt, la preuve de distribution et, le cas échéant, l’accusé de réception doivent être libellées en caractères lisibles et sur support durable.>>

Le soussigné, qui lui aussi pensait que le recommandé était quelque chose de sérieux,  a eu l’occasion de faire récemment trois expériences qui laissent songeur.

Tout d’abord en tant que destinataire. Une locataire, habitant au dessus de ses bureaux, lui adresse une LRAR à fin de congés d’un bail. Alors qu’il est présent dans ses bureaux, le facteur dépose un avis de passage, et ne tente même pas de présenter la lettre, malgré les procurations postales dûment déposées. Rien que du classique me direz-vous.

Oui mais quand le destinataire se présente à la poste, on lui indique que le pli est « reparti à l’expéditeur » .. ben voyons .. sauf que l’expéditeur, qui je le rappelle habite le même immeuble que le destinataire, ne le recevra jamais non plus.

Le pli a donc été non présenté, puis perdu.

L’expéditeur peut rapporter la preuve d’avoir envoyé un pli AR.

Le destinataire peut rapporter la preuve que la poste a été incapable de lui remettre le pli.

Jolie trame de jugement à venir s’il y a litige entre le locataire et le bailleur.

Et pas question bien entendu du moindre remboursement ni de la prise en compte du dommage créé, en l’espèce le décalage de la date d’un préavis.

Ensuite en tant qu’expéditeur :   Utilisant cette fois la LRE, la lettre recommandée électronique, le même envoie  un recommandé à un courtier. Quelle n’est pas sa surprise de recevoir deux jours de suite non pas un mais deux accusés de réception « roses », portant tous les deux exactement les mêmes mentions et références, et même n° de série «unique»,  mais attestant  de deux remises au destinataire  à deux dates distinctes  (pour une seule lettre envoyée). Disons par exemple une fois « reçu le 8 », une fois « reçu le 10 ».

Etonné l’expéditeur adresse une réclamation à la Poste portant notamment sur deux sujets :

–  pourquoi une seule lettre envoyée est devenue deux lettres remises ?

–  a quelle date précise « la » lettre a été reçue ?

La poste commencera  par ignorer soigneusement la première question, organisera des recherches sur le second, et transmettra quelques jours plus tard la réponse …  Selon elle la lettre a été remise à son destinataire ni le 8, ni le 10 comme indiqué mais le 7.

Ah bon, et alors comment se fait-il que l’AR soit du 8 ?

Après de multiples relances, et toujours sans la moindre gène, la Poste répondra que  le 7 c’est la date à laquelle la Poste a remis le courrier à la « société chargée de la distribution » ( non titulaire d’une procuration) et qu’elle ne peut savoir à quelle date le courrier a été effectivement remis au destinataire.

En investiguant, le soussigné a constaté – et que ce soit par exemple dans des greffes recevant beaucoup de courriers ou dans des entreprises privées ou des centres d’affaires que la procédure appliquée avec la «complicité » de la Poste  est la suivante :

  • le facteur dépose l’ensemble des courriers et liasses de recommandés sans la moindre vérification
  • les employés, externes ou internes du destinataire ont toute latitude pour trier le courrier, l’ouvrir, et ensuite et ensuite seulement décider
    • de remplir l’AR à telle date qui leur plait
    • de ne pas remplir cet AR et de faire disparaître, après l’avoir lu, le courrier
    • de répondre et de retarder à plus tard l’envoi de l’AR
  • a la suite de quoi, il rendent le lendemain en bloc à la Poste un « tas » de liasses de distribution et d’AR que la Poste récupère, sans contrôle, et réachemine.

Autrement dit, afin de se simplifier la vie, la Poste

  • n’assure absolument pas le travail qu’elle est payée pour faire
  • se décharge sur un tiers non neutre (parfois une société prestataire du destinataire, parfois le préposé du destinataire, un comble) , du soin d’attester de la remise ce qui vicie complètement de sens la preuve que la Poste est censée fournir
  • viole avec application et régularité l’arrêté cité supra qui ne faisait que renforcer un arrêté précédent.

Imaginez les conséquences juridiques et judicaires qui peuvent en être tirées, si, comme démontré ci-dessus,  la mention de la date de première présentation tout comme la mention de la date de réception du pli voire même la mention de remise ou non remise du pli sont  fausses par construction et de surcroît laissées au choix du destinataire !

Que doit en penser le juge qui va décider au vu entre autres

  • de la production ou non d’une mise en demeure faisant courir des intérêts
  • des possibilités ouvertes ou pas au destinataire d’échapper à telle forclusion
  • de la nécessité de rejeter ou pas des écritures que l’un prétendra avoir adressées en RAR mais que l’autre prétendra ne pas avoir reçues à la date indiquée
  • de la possibilité d’accepter un désistement quand par miracle des écritures reconventionnelles seront parties entre la date où le destinataire a eu en mains les écritures en demandes et celles où il a bien voulu en attester en rendant à la Poste ‘lAR
  • etc ..

Bref, nous avons largement parlé des dangers d’une procédure informatisée à la va vite sans prendre en compte son articulation fine avec le CPC, et qui risque de générer des incidents innombrables.

Mais à ceux qui penseraient que l’informatique en est (seule) responsable, il sera  ici démontré que c’est plutôt la perte du bon sens qui génère ce genre de situation, et que la même chose peut se produire lorsqu’un maillon de la chaîne, ici le service public des Postes,  décide de s’exonérer des obligations qui sont les siennes au visa d’un improbable « fini parti » qui préfère laisser à d’autres le soin de faire le travail correctement.

 

 

D’où l’intérêt d’avoir une audience publique

https://blogavocat.fr/space/gilles.huvelin/content/d-où-l-interet-d-avoir-une-audience-publique…_bdfe9079-7b83-46fc-9dc9-8f49ff95f431

Et la déontologie, messieurs les avocats.

Audience pénale ordinaire, dans un TGI chaud vue par un magistrat civil dans le public.

Quatre jeunes personnes, deux hommes et deux femmes, gens du voyage selon les termes du VP rapporteur, poursuivis pour vol avec deux circonstances, deux d’entre eux en récidive, donc concourant pour dix ans.

L’un des avocats indique en riant qu’il va y avoir une demande de renvoi. Agacement du président qui vient d’en accorder de mauvaises grâce deux ou trois à des prévenus qui n’ont pas été très diligents dans leur défense.

Mais cette demande de renvoi est plus étrange. l’avocat A, qui défend les prévenus 1 et 2 était aussi le défenseur de la prévenue 3. L’avocat B défend la prévenue 4 et fait part du fait que la prévenue 3 souhaite être défendue par lui et que l’avocat A a indiqué s’y opposer et lui a interdit de plaider pour elle.

Renseignement pris, A estime être créancier d’une partie de ses honoraires et s’opposer donc à ce que B lui succède. Soit.

La prévenue 3, loin d’être une sainte, indique que l’avocat A a été choisi et payé par une belle-mère qui .. l’aimerait bien en tôle.

Il tente bien de désigner l’avocat B au titre de l’AJ, mais … ce dernier lui fait remarquer que cela de ne libère pas de son obligation confraternelle de ne pas succéder au sortant.

Qu’à cela ne tienne, le président estimant que la situation est de la faute de la prévenue 3, passe outre et refuse le renvoi.

Après les réquisitions, l’avocat A plaidera pour les prévenus 1 et 2, et l’avocat B uniquement pour la prévenue 4.

3 ne sera donc pas défendu, son nouvel avocat B ayant reçu interdiction de le faire, et son ancien/actuel avocat A n’ayant pas jugé bon de plaider pour elle.

Tiens, moi qui croyais que comme un médecin, un avocat soigne même s’il n’est pas sur d’être payé.

Saluons au passage le ministère public qui bien qu’agacé par l’absence de regrets des prévenus, aura requis sans le dire moins que les peines planchers.

Et tout le monde de se mettre d’accord sur .. vous verrez avec le JAP.

Voilà … sans doute une condamnation méritée pour les prévenus, mais dommage de condamner en même temps les droits de la défense.

Du calendrier et du libre choix de stratégie de l’avocat 

Les lecteurs fidèles de ce blog l’auront noté, M° Gilles Huvelin ne porte pas aux calendriers la même affection qu’un facteur de la Poste à l’approche des étrennes. Je en parle pas des calendriers Ferrari ou Aubade, au sujet desquels son opinion reste de la sphère privée, mais plutôt des calendriers http://avocats.fr/space/gilles.huvelin/content/les-calendriers-de-procedure-devant-les-tribunaux-de-commerce-doivent-etre-contractuellement-acceptes-_5722A5D5-4625-4B5E-8698-2A74CD74BBE8  ou  http://avocats.fr/space/gilles.huvelin/content/il-est-temps-de-dire-que-nous-ne-sommes-pas-d-accord-_C859D8D7-A4C5-482E-A61C-B92580A826B9 que leur diversité brouillonne condamna à leurs débuts à finir épinglés contre le mur, avec ou sans croc de boucher.  Et comme pour planter le clou il faut être deux, il arrive à l’excellente Corinne Blery de tenir avec son talent habituel  le marteau lorsque M° Huvelin tient le clou :http://avocats.fr/space/gilles.huvelin/content/protocole-de-procedure-devant-le-t-c–de-bobigny_3D1A6290-3407-4F0C-AE60-C9A42B31A595 .

Mais même lorsqu’ils ne sont pas entachés de ces vices originels, les calendriers de procédure ne sont pas sans poser question. L’expérience aidant, on les voit créer aux avocats d’autres problèmes plus complexes.

Oublions l’entrave à la liberté de lire le dossier la veille de l’audience et de conclure le matin, l’idée n’est pas de jeter des pierres sur les cailloux.

Mais lorsque par exemple, les parties indiquent vouloir transiger, et que le juge chargé d’établir le calendrier que les parties n’ont pas réussi à élaborer les pousse un peu en disant, très bien … donc vous indiquez que vous aurez sans aucun doute abouti à une négociation d’ici trois mois au grand maximum. Très  bien ;  non, nous ne nous revoyons pas dans trois mois, nous notons comme première étape du calendrier que vous notifierez au tribunal, dans trois mois, soit fin juin 2013,  la conclusion ou l’échec de la négociation.  Et nous planifions l’étape suivante, les conclusions en réponse du DEF. Pardon ? Ah plutôt quatre mois pour les négos. Très bien quatre mois et donc fin Juillet 2013. C’est vous qui conduisez l’instance, le tribunal ne fait que l’organiser.  Et donc ensuite pour les conclusions en réponse du DEF ? Ah oui, il vous faut un bon mois, non deux avec les vacances. Pas de problème donc CCL DEF a fin septembre 2013. Très bien. Donc jusqu’à fin Juillet pour les négos, après vous notifiez un désistement ou un échec, puis jusqu’à fin Septembre pour les CCL DEF. Pardon ? Ah oui, finalement rien ne vous interdit de poursuivre les négos jusqu’à fin Septembre ? Non bien sur ? Et dans ce cas, ça change la date des CCL en réponse ? Non ? Ah vous pouvez rédiger vos CCL en DEF en 48 heures ? Ah bon ! Pardon, j’avais entendu 2 mois minimum.

Compliqué aussi lorsque l’une des parties entend conclure sur des incidents qui sont sans doute soulevés de bonne foi mais qui ont un caractère éventuellement dilatoire (au sens commun). Bien sur, Maître. Donc vous concluez sur l’incident pour fin Avril 2013, le demandeur réplique pour fin Mai 2013, et ensuite vous concluez en défense au fond pour ????  Pardon ? Ah .. on verra le calendrier plus tard .. non.. non.. on fait un vrai calendrier ..  Donc au cas où l’incident ne serait pas retenu, vous concluez en défense au fond pour quand ?  Y répond en général un œil de chien battu identique à celui qui dans une audience correctionnelle simple où les faits sont évidents mais la police a un peu brusqué les choses suit la décision « nous joignons l’incident au fond ».. Traduction à mi-voix pour le client dans le box : « c’est mal barré, ils vont rejeter l’incident »

Compliqué encore lorsque via une chaîne d’assurance ou de transport, il est probable que les appels en garantie successifs vont se multiplier et où l’on entend faire surgir par avance les évidences en matière d’appel en garantie, et éviter qu’il se passe trois mois + vacances entre chaque là où un mois peut largement suffire. Face au « mais je ne sais pas  encore qui je vais appeler en garantie »,  le « ben vous pensez sérieusement que l’ensemble de la chaîne ne va pas intervenir, volontairement ou  contrainte ? » n’a pas toujours l’effet « eureka » qu’on pourrait attendre. Encore un calendrier qui s’oppose à la liberté de flâner. .Et sans la liberté de flâner il n’est pas de plaidoirie flatteuse, comme disait un beau marcheur.   Quelle vie !

 Et que dire lorsque à une audience de rappel le dominus litis sorti de sa lointaine réserve car étonné de cette procédure qui viserait à le contraindre, et venu « substituer son mandataire ou son collaborateur », indique d’un ton indigné qu’en aucun cas il n’a été informé des contraintes figurant dans l’ordonnance calendrier, et qu’en tout état de cause, ce qui a été convenu avec son collaborateur trop tendre ou son mandataire ne saurait lui être opposable.

Et oui… il semble aussi que le calendrier soit un outil pour faciliter les négociations en leur fixant une date butoir et en leur évitant de déraper, et aussi un outil à accélérer la discussion au fond plutôt que le concours d’incidents.

Mais ce faisant, ne risque-t-il pas de faire passer l’article 3 du CPC avant l’article 2 ?  En a-t-il le pouvoir ? Sous quelles limites ?

A vos claviers ..

 

Autant en emporte le temps

Un de nos professionnels du droit auteur anonyme témoin de nos pratiques m’envoie un texte sympathique qui décrit nos « problématiques  » sous le tritre : »Autant en emporte le temps ». Ce regard, à peine extérieur mérite d’être suivi pour nous remettre peut-être en cause :

« D’un côté le métier de l’avocat le conduit à devoir facturer au client qui a parfois du mal à le comprendre le quart d’heure qu’il passe au téléphone sur son dossier, et de l’autre, les tribunaux et les cours excellent à lui faire perdre la moitié de sa journée.

Qui d’entre-vous n’a pas déjà fait 800 kilomètres et perdu une journée pour apprendre à l’arrivée qu’il ne plaiderait pas car le dossier était renvoyé à une audience ultérieure, suite à une manoeuvre peu confraternelle d’un contradicteur, ou pire .. suite à un dossier mal classé par le greffe, une surcharge de l’audience, une erreur dans la citation du prévenu, ou .. une simple envie du siège de profiter du soleil de fin d’après midi pour aller à la pêche.

Lequel n’a pas, jeune avocat, eu la tentation de calculer le ratio entre le temps qu’il passe à plaider et celui qu’il passe à attendre en salle d’audience ou en salle des pas perdus son tour dans un rôle où il est le 23ème sur 22 ?

N’y a-t-il pas une sorte de mépris de la profession qui consiste à convoquer tout le monde à l’ouverture de l’audience, laisser les avocats qui n’ont pas déjeuné négocier avec l’huissier audiencier l’ordre de l’audience, et tenter de retenir telle affaire, pour ensuite les traiter au fil de l’eau, tant pis si cela se traduit par une après midi d’attente pour 10 minutes de plaidoirie.

Certes, diront les victimes de l’informatisation et du Redoutez, (le) Pire (il) Vous Attend, l’attente en salle des pas perdus est un moindre mal par rapport à l’informatisation de certaines juridictions qui ont décidé d’autorité de convoquer les affaires devant chaque juge de 20 minutes en 20 minutes, ce qui conduit mécaniquement l’avocat qui a trois dossiers à être convoqué à la même heure devant trois juges différents dont deux au moins lui reprocheront son retard. Ah bon le quantum n’est pas de 20 minutes ? Bah, c’est pour prendre un exemple ..

Mais ce n’est pas mieux pour le siège ni pour le parquet.

Petite incursion dans une chambre correctionnelle. La longue lecture de la prévention et du casier généralement touffu des invités du jour est sans doute nécessaire pour se faire une idée du sujet. Mais à part le public, on imagine que le parquet et les 2 magistrats autres que le rapporteur et les avocats côté partie civile et côté mis en examen les ont déjà lus non ? Ah bon ..

L’interrogatoire d’identité est certes une sécurité, mais …. est-ce vraiment un acte juridictionnel ou une importation d’une nécessité administrative qui mobilise inutilement 3 juges et un procureur ?

Et que dire de la plus ou moins exacte traduction « live » – de plus en plus courante en correctionnelle ce n’est pas un jugement de valeur ni une position politique c’est une constatation – qui ralentit tout le monde et qui fait parfois trembler quand on a le malheur de comprendre la langue du prévenu et de compter les contre-sens faits par le traducteur. En résumé, l’un lit le casier imprimé par un greffe, que l’autre traduit au fil de l’eau, puis le même lit l’ordonnance de renvoi que le second traduit au fil de l’eau. Ne serait-il pas imaginable de faire traduire par écrit ces documents avant et de les donner à lire aux prévenus pour les occuper pendant leur long séjour à la souricière et se contenter de vérifier qu’ils en ont eu connaissance ?

Et quid d’un parquet, (quand on titre « autant en emporte le temps », il faut bien un personnage couleur « Scarlet »), qui use prématurément les articulations de ses genoux à se dresser pour requérir la même chose 130 fois de suite en 6 heures dans 130 dossiers identiques que, heureusement pour la justice et malheureusement pour son arthrose, le code interdit de traiter en «bloc».

Finalement n’y a-t-il pas une sorte de négation de l’importance de la plaidoirie quand on constate le peu de temps qui y est consacré par rapport au reste du temps d’attente, de déplacement et d’administratif divers ? C’est bien sur dans un contexte de procédure orale, CPH, TC ou TGI en formation correctionnelle, CA .. que se place ce billet, les procédures écrites TGI-Civil ou TA relevant d’une toute autre logique.

Tout ceci est certes une question d’individu, et l’on est parfois « déçu en bien » de voir un procureur que l’on pensait somnolent axer ses réquisitions sur tel détail important de l’interrogatoire du prévenu ou d’un témoin ou le président d’audience que l’on pensait occupé à conférer à voix basse avec son voisin de droite montrer qu’il écoutait néanmoins. Mais j’ai aussi quelques souvenirs récents d’une présidente conférant à voix basse avec une secrétaire qui venait de rentrer, pour ensuite couper l’avocat qui commençait juste à plaider, d’un « finissez maître, je dois descendre dans 5 minutes à une AG qui vote sur la poursuite de notre grève.». Brr ..

Qui n’a pas également dû appeler 20 fois le service des copies pénales, ou lui rendre visite 5 fois, pour se faire 20 fois répondre après 5 minutes de recherches, et donc 1h30 de perdu par ledit service que « nous n’avons pas encore eu le temps de vous faire une copie », tâche qui prend sans doute 10 minutes recherche, photocopie et affranchissement inclus, soit à peine plus que le temps de répondre deux fois de suite « pas le temps, débordés ».

Il ne faut certes pas tomber dans la caricature de l’organisation appliquée à tout prix à un secteur qui relève d’autres logiques. Saint-Louis nous garde d’une justice trop expéditive comme celle que Bravitude-Jane souhaitant prendre comme exemple outre Grande Muraille ou celle qu résulte de la lassitude de l’après midi décrite ici http://avocats.fr/space/gilles.huvelin/content/chronique-d–39-une-justi… et qui ressemble un peu trop à la troisième messe basse de Daudet.

Il n’est pas question de réorganiser les cours à la façon bien connue dont certains consultants proposaient de traiter les orchestres symphoniques http://manag.r.free.fr/humour_orchestre_symphonique.html ni de favoriser les excès rapportés ici http://avocats.fr/space/bogucki/content/ces-tribunaux-qui-refusent-les-p… .

Mais ne serait-il pas quand même temps de remettre en cause certaines habitudes et usages qui certes relèvent d’un charme un rien suranné, mais sont aussi responsables du délai de traitement des causes qui dans certains tribunaux notamment professionnels ou CPH deviennent insupportable au justiciable et d’une perte de temps considérable pour l’ensemble des intervenants de la chaîne judiciaire ?

Mais ça c’est un challenge pour les d’auxiliaires de justice … ou bien ils trouveront le temps et l’énergie d’être force de proposition sur le sujet, ou bien ils peuvent s’attendre un de ces jours à ce que leur tombe dessus une réorganisation pensée par des organisateurs de la chancellerie via un projet dont le nom pourrait être … par exemple … Ruiner Préventivement Votre Agenda ? »

Autojuridication

https://blogavocat.fr/space/gilles.huvelin/content/autojuridication_2b52150d-c713-4761-b751-17579eceea1d

Un lecteur de ce blog fait part de ses réflexions à propos de l’autojuridication comme il est parlé d’automédicamentation. Point de vue intéressant qui ne laissera pas indifférents les praticiens du droit et nos confrères. Nous sommes questionnés:

« Les forums de droit, un enfer pavé (numérique) de bonnes intentions .. ou pas ? « 

« Oui, encore un sujet informatique et droit, vu du point de vue d’un non-avocat. Papier écrit dans la foulée d’un papier paru page 2176 de la semaine juridique de 2012 sous le titre « autojuridication » à la signature de Nicolas Molfessis, professeur à Panthéon Sorbonne, qui a agacé quelques gourous desdits forums qu’il voue sans distinction aux gémonies.

Précision pour commencer, on ne parlera ici que des forums de droit et on se dépêchera d’oublier les avis à deux balles en matière de droit émis sur des forums où l’on échange principalement sur le meilleur régime amaigrissant, les mérites comparés des bains de siège, ou les performances de tel ou tel people à la mode. Remarquez que là aussi, c’est un peu comme pour les questions informatiques devenues grand public … il y a des gens toujours prêts à donner leur avis, et qui ont un avis sur tout ( et surtout un avis). Parfois passent derrière quelques pros qui rectifient le tir, mais pas toujours. D’autres fois on se demande si le plaisantin qui a écrit que le meilleur moyen de dévirusser son macbook est de le mettre 30 secondes aux micro-ondes avec un peu de vinaigre rigole tout seul de sa plaisanterie, ou est un day trader tentant de manipuler le cours des actions Apple.

Revenons donc à deux des forums les plus connus du grand public en France, le Village de la Justice et Net-iris. Typologie fort différente. Le premier est strictement réservé aux gens du droit, et toute personne qui s’aviserait d’y poster une question sortant du cadre se fait rapidement, doucement mais fermement fermer son fil. Résultat, on s’y ennuie un peu, sauf quand on y voit de tous jeunes avocats ou juristes, avec une fraîcheur touchante, y demander des tuyaux pour leurs premiers pas. C’est peut-être pour éviter que leurs clients les voient hésiter qu’on préfère leur en interdire l’accès ? Et alors ? Il n’y a rien de mal à débuter non ? Et mieux vaut quelqu’un qui pose la question humblement que quelqu’un qui fait une bêtise du haut de ses certitudes. Mais le village est un peu assoupi.

Sur le second, Net-iris, règne une ambiance beaucoup plus vivante, mais qui n’est pas sans étonner un observateur extérieur issu du monde normal.

S’y cotoient des intervenants porteurs de problèmes concrets de la vie quotidienne qui valent bien un reportage de Depardon sur la justice de terrain, quelques agités du bocal que les intervenants tentent d’aiguiller ailleurs en leur disant d’abord gentiment que « leur problème ne semble pas juridique », puis moins gentiment « quelle est votre question juridique ? » avant après la troisième sommation, de les évacuer manu militari s’ils ne comprennent toujours pas.

On y trouve aussi quelques intervenants qui apportent la réponse à la question que personne ne veut jamais leur poser, et qui sont bien obligés de s’occuper un bout de la journée entre deux appels destinés à donner leur avis sur le répondeur du « Téléphone sonne » ou de « Là bas si j’y suis », pour ne parler que de France Inter.

Mais ce sont les juristes (au sens large, car il y a aussi des avocats, des conseillers prud’hommes, des magistrats, des conseillers du salarié, etc ….) sur ces sites qui en donnent le ton. Ce sont avant tout bien sur des individus qui donnent bénévolement de leur expérience et de leur temps pour renseigner le quidam. Mais comme toute société humaine, un forum en ligne secrète ses rôles, sa hiérachie, ses territoires, ses jalousies, ses luttes de pouvoir, ses réglements et sa police. Le réglement de Net-Iris contient un certain nombre de règles très précises, qui sont vénérées plus qu’expliquées, et qu’une équipe de modérateurs se charge de faire appliquer avec une servilité et une diligence parfois étonnante. Pourquoi ? Parce que ! Circulez !

Parmi ces règles, ne jamais déterrer un ancien post en postant une question qui prend la suite d’une discussion ancienne. Ne pas multiposter, bien sur. Ne pas citer de nom de marques, ce qui conduit à des périphrases amusantes, comme si en écrivant que R…. vous a escroqué on risquait la diffamation mais en écrivant qu’on est « victime de la marque au losange » on ne risquait rien. Alors on parle de « une grande société nationale de chemins de fers » mais pas de la SNCF, du « service public de distribution du courrier » mais pas de la Poste, par ailleurs S.A., d’un « site en ligne de vente aux enchères le plus connu » mais pas d’Ebay et d’une « banque a l’accent rustique voire agricole » mais pas du Crédit éponyme, etc .. Et il parait, selon les apotres de Net-iris, que comme cela « le moteur de recherche le plus connu », pardon, google, ne voit rien et que la diffamation ne pleut pas.

Autre rituel, ne jamais oublier de dire bonjour au début de chaque post et merci à la fin. Là encore, de courageux modérateurs viennent rajouter à la main [bonjour] et [merci] et [ajout de deux oublis] ce qui donne un charme suranné mais délicieux aux posts étant donné que les échanges électroniques ont depuis longtemps estimé que la politesse, non moins nécessaire que dans la vie réelle, obéissait à d’autres codes. Regardez les posts de Maître Huvelin, sur son blog, qui les préface d’une phrase percutante et qui – encore heureux – nous évite le « bonjour à tous mes lecteurs que je remercie d’être là » au début et « au revoir et portez vous bien et bonjour chez vous » à la fin.

On peut s’étonner du petit nombre d’intervenants «permanents» qui animent le forum de net-iris. Mais si on le regarde évoluer de près, on s’aperçoit que la hiérarchie est stricte et la chasse bien gardée. C’est untel et non un autre qui « dit le droit» dans telle matière. Lorsqu’un de ses vassaux s’exprime, il précise « mais attendez qu’IL/ELLE confirme ». Parfois un franc-tireur se hasarde sur des plates bandes pourtant tracées … et commence un petit jeu que ne renierait pas un troupeau de vaches d’Hérens en plein combat de reines.

Et la patrouille, avec un uniforme aussi impeccable que celui de Lacombe Lucien, va rapidement accrocher au fauteur de trouble un badge « membre sous surveillance » puis un « membre exclus des forums ». L’escalade est rapide, car il suffit de discuter une décision de la modération pour se voir appliquer une sanction.

Du coup se développent des stratégies d&lsquo;évitement ou les fortes têtes soit interviennent sous divers pseudos en s’amusant de ci de là à lancer des trolls qui font courir les modérateurs, soit disparaissent ici pour réapparaitre là … soit organisent des discussions parallèles qui échappent complètement au contrôle de la patrouille. (On m’a instamment prié de ne pas raconter comment, attention, la patrouille a des yeux partout).

Les modérateurs ne sont pas en reste, qui interviennent sous l’anonymat de « modérateur n° X, membre du conseil communautaire de Net-iris », en parfois en parallèle sous leur véritable identité ce qui est un sujet de plaisanterie pour les initiés.

Mais saluons leur dévouement xcommunautaire, selon le terme choisi, à ciseler sans états d’âmes ce qui leur parait normal de ce qui ne leur parait pas normal, et à censurer ce qui est visiblement déviant tout en laissant subsister ce qui l’est plus discrètement voire perversement.

Mais venons en au fond.

Quelle est la qualité et l’utilité de l’info que l’on trouve sur ces forums, et relève-t-elle de l’ « autojuridi cation », que le professeur Mofessis définit comme «l’accès au droit sans l’intermédiaire d’un professionnel » ?

Les deux forums cités ci-dessus, qui sont aussi pris en exemple, ne peuvent ressortir de cette qualification d’automédication. En effet, s’ils se hasardent à distribuer contre rémunération des contrats et formules types, la partie forum est en réalité sous le contrôle bénévole et informel mais néanmoins strict de vrais juristes.

Certes c’est sans doute agaçant pour un professionnel de voir SON domaine d’expertise traité de façon parfois vulgarisatrice, bénévole, et en ligne là où il a passé des années à acquérir de la compétence puis de l’expérience et/ou il reçoit son client dans son cabinet en y passant du temps.

Mais pourquoi tant de haine à l’égard de sites internet, alors que se développent depuis des décennies les revues et guides des droits quotidiens, les émissions de conseils par téléphone ou télévision, et les livres de vulgarisation du sujet dont la qualité n’est pas nécessairement meilleure et qui ignorent le mode « wikipedien » de rectification / relecture à plusieurs.

Certes, la profession d’avocat est un métier réglementé qui doit défendre son pré carré. Mais est-ce que vraiment ces sites lui mangent la laine sur le dos, et font courir un gros risque au client, ou au contraire participent-ils à leur manière à la diffusion d’une culture générale du droit qui fait cruellement défaut aux sociétés latines et aide-t-il au débroussaillage de problèmes afin de les mettre en forme.

En rendant le droit accessible, ne contribuent-ils pas aussi à faire descendre le clerc de son piédestal et à permettre à la « plèbe » de le côtoyer ?

Au-delà de le priver d’une partie de l’éventuel plaisir de facturer, n’est-ce pas rendre service à un avocat que de faire en sorte que son futur client fasse un peu d’ordre dans sa tête et dans son dossier avant que de venir lui présenter son dossier ? On remarquera à ce sujet que lorsque le cas devient un peu complexe, ou nécessite des actes, ou l’examen du dossier, et parfois aussi avouons-le quand le demandeur est un peu trop casse-pied, le verdict tombe assez vite « consultez un avocat ».

Regardez bien ces sites, et ce qui s’y passe et regardez le travail fait par ceux qui essaient d’aider les demandeurs à formuler clairement leur question, qui bien que se laissant parfois aller à juger ou à faire la morale, arrivent à se contenter d’orienter le quidam vers le droit, et demandez-vous si – au-delà de la caricature qu’il est facile d’en faire, et je ne m’en prive pas – ils desservent vraiment le droit, ou si au contraire ils contribuent à en maintenir les parages en bon état.

Alors cessez de vous pincer le nez, point n’est besoin de mettre un masque à gaz pour intervenir sur ce genre de forum.

Et puis après tout, si vous trouvez qu’ils font trop mal où peu ce n’est pas à eux de le faire et bien…. Réinscrivez-vous http://www.paris.fr/pratique/aide-juridique-gratuite/lieux-d-infos-et-d-… il y reste toujours de la place …

Le débat est lancé. Vous en pensez quoi de ces sites, des avis qui y sont donnés, des gens qui y interviennent, des dangers de l’exercice ? « 

Le secret d’e-barrow dévoilé

https://blogavocat.fr/space/gilles.huvelin/content/le-secret-d-e-barrow-devoile_0f450694-4541-485b-90e3-af39ebbc3888

Un informaticien juriste s’est introduit dans la dernier formation sur le RPVA. » Client » anonyme du Barreau il témoigne et vous pourrez rire de notre bêtise qui décidément n’a pas de limite :

« Quelle chance. Chien d’informaticien ayant mis à sac à un poset de DSI les budgets de quelques grosses sociétés, j’ai pu m’introduire incognito à une réunion de la secte des adorateurs de e-barrow.

Je les entendais en parler depuis longtemps, certains avec des sanglots dans la voix, d’autres en rigolant, mais visiblement cette nouvelle divinité n’en laissait aucun indifférent. Quel costume mettre ? Difficile de passer inaperçu s’ils se vêtent de leur robe de cérémonie noire, mais . . qui sait .. la profession est tellement féminisée, peut-être leur maître de cérémonie a-t-il été formé à l’école de Eyes Wide Shut ?

Bref, je me glisse discrètement dans une salle, en slalomant entre deux ou trois qui, gênés de s’adonner à cette passion coupable, insistaient pour assurer à tous leurs voisins que, « rassurez-vous, moi, je n’y comprends rien ».Le ton est donné.

Le grand prêtre du jour est un avoué défroqué, qui rigole par avance du bon tour qu’il va jouer à l’assistance. L’assistance nombreuse, tripote fiévreusement ses talisman-phones, qui sont déjà coupés du réseau. Arrête toi visiteur, ici commence l’empire de la mort, et avant de te parler d’e-barrow, il faut déjà couper ton téléphone.

Devant une assistance médusée, qui avait déjà assisté antérieurement à l’initiation, commence le sacrifice. Et quel sacrifice. Camarades informaticiens qui avez réalisé cela, chapeau bas, vous avez, en quelques mois, vengé des milliers de semblables humiliés par des avocats.

C’est vrai, quel informaticien n’a jamais eu affaire à un de ces avocats à qui il tentait de faire accepter un contrat, mais qui avant de passer aux spécifications, s’obstinait à lui faire perdre des heures avec des mentions légales absconses ? Et bien voilà, retour du berger à la bergère, juste pour se constituer, il lui faudra maintenant remplir une armée de champs disposés un peu partout sur la page, en prévoyant soigneusement de rendre obligatoire des champs impossibles à remplir. Ah la fine idée de l’obliger à préciser Monsieur/Madame/Mademoiselle quand il se constitue pour une administration. Bien fait. Et puis chacun ses armes. Avoir omis dans les programmes de coder de manière appropriée les caractères spéciaux et la ponctuation, afin de les obliger à saisir dans une langue quasi étrangère. Bien fait. Ah ils ont voulu nous impressionner avec leur latin. Ben en latin, y’a pas d’accent. Vlan.

Et puis c’est bien connu, quand on pose une question simple à un avocat, il vous répond par une série de choix auxquels vous n’aviez pas pensé, et qui ne correspondent pas à la question. Et bien ce sera pareil dans les choix déroulants de e-barrow. Ca leur apprendra.

Non, sincères félicitations, camarades informaticiens. Vous avez su réunir l’équipe qu’il fallait. Visiblement le chef de projet a subi un divorce à ses torts exclusifs plaidés par l’avocat tordu de son ex, le directeur de projet a été mis deux ou trois fois en liquidation par un barrow boy adepte des procédures collectivistes, et l’assistant maîtrise d’ouvrage a du attendre trop longtemps en garde à vue que son avocat daigne rentrer de déjeuner. On les aura ! Vengeance.

Mais où cela touche au sublime, c’est la limitation à 4méga octet du total des pièces jointes assortie de l’avis que de toutes façons, dans deux ans, les serveurs de l’obédience seront débordés. Arriver à leur faire gober, en 2013, à l’heure où la moindre messagerie gratuite américaine offre des espaces qui se comptent en milliers de gigaoctets qu’ils doivent se contenter de 4 mégaoctets par message, ça frise le génie. Ah ils n’ont pas le temps de nous écouter, et bien .. à leur tour d’être brefs. Comprimez, écrivez petit, scannez en basse résolution et en noir et blanc. Zou, c’est trop gros, dehors.

Mais bon, il reste encore deux ou trois choses à parfaire comme ils disent. Pour le moment, sur une partie des usages, ils peuvent encore compléter par du papier et partiellement apostatiser e-barrow. Il faut encore travailler pour les contraindre complètement et leur interdire la sortie de la secte. Leur éradication est à ce prix. Et méfiez-vous, camarades informaticiens, on est entrain de leur faire el coup de la grenouille qui ne savait pas qu’elle était cuite, mais il m’a semblé repérer les plus séditieux d’entre eux qui commencent à soupçonner qu’on se soit un peu payé leur tête. Faut dire qu’en l’appelant Rien de Pire pour Votre Avocat, on les a un peu mis sur la voie.. « 

« Alors que non, on ne s’est pas payé leur tête. On a simplement appliqué la méthode qui a permis déjà de faire disparaître d’autres professions derrière des écrans le moins efficaces possibles.

Ce n’est pas compliqué. Il suffit d’organiser un nombre suffisant de groupes de travail pour discuter politique, prix, couleur des écrans, choix purement techniques, afin d’amuser les commanditaires pendant que en douce et à la cave on fait développer le tout par des castrats à qui on a sévèrement interdit de connaître quoi que ce soit au code de procédure et à la réalité du métier.

De temps en temps, il y a bien un risque quand on finit par réunir un comité de pilotage mais là, une bonne mise aux voix d’un nombre suffisant de sujets, avec le moins de coordination logique possible permet de faire prendre le plus démocratiquement possible des décisions dont la stupidité est proportionnelle au carré du nombre de participants. Et là, avec la section de Paris au grand complet, le nombre ne pouvait manquer.

Voilà. Après quelques sacrifices humains la secte décida de reconvoquer un peu plus tard les éventuels survivants, et les membres les plus fanatiques en profitèrent pour aller solliciter au pied de l’autel des deux célébrants quelques indulgences plénières pour couvrir leurs dernières tentatives d’utiliser e-barrow.

Et quand on voit cette secte qui n’a rien à envier à celle des Davidiens de Waco, Texas, se réunir place de Harlay .. on comprend mieux que l’une des fidèles, qui préférait n’avoir besoin de personne, ait choisi la Harley-Davidson.

Ah si quand même un reproche, camarades informaticiens . Vous auriez pu donner un titre français à votre projet, parce que franchement l’appeler e-barrow (en français e-brouette), c’était prendre le risque que les barrow-boys (en français camelots) finssent par se méfier. Mais bon … »

Autres lieux, autres usages.

https://blogavocat.fr/space/gilles.huvelin/content/autres-lieux–autres-usages…_692bf233-f6b7-4c3c-8819-11284dca6877

Un autre lecteur m’adresse son témoignage d’une audience devant un tribunal de commerce charmant au demeurant:…

« Changeons un peu de décor car à force de moquer gentiment les juridictions d’Oil, on en oublierait un peu de parler de celles d’Oc.

Ah ces charmants petits tribunaux de commerce qui subistent dans des endroits où le développement économique n’est pas toujours à la hauteur de leurs espérances.

Récit d’une DCP au soleil.

En ce qui concerne l’audience, elle est fixée informatiquement par le commis greffier. Ls moyens sont ce qu’ils sont, et l’urgence pas toujours compatible avec le fait de notifier préalablement une ordonnance de roulement au premier président de la Cour d’Appel.

Une fois la DCP remplie, il faut trouver la «chambre du conseil» dans laquelle se tiendra l’audience. Après quelques recherches, on trouve un bureau où se serrent déjà 6 personnes.

Quatre sont en robe noire. Deux à un bureau devant lequel on prend place et deux assis derrière dans un coin sur des chaises et qui ne participeront pas à la discussion. Revenons aux deux qui sont devant. L’un assez grand, anime et guide la discussion, oriente la procédure, questionne le débiteur, fixe des dates et des formalités. Le second plus effacé, pose quelques questions et prend des notes. Vous aurez identifié sans peine que le premier est le commis greffier et le second le président du tribunal. Les deux derrières sont sans doute des assesseurs.

Reste deux spectateurs, tous deux en civil, l’un à coté du débiteur, l’autre derrière. A son discours, le débiteur comprendra que son voisin était le procureur qui avait sans doute enlevé sa robe rouge pour ne pas l’effrayer. Le sixième spectateur restera un inconnu, mais bon, au moins il avait l’accent local, ce n’était pas un estranger.

Son exposé fait, et la LJ demandée, le débiteur s’entend annoncer que le Tribunal va en délibérer et qu’il est invité à sortir. Il se retire donc du bureau, et peu habitué aux usages locaux, tient ouverte la porte afin de permettre, pensait-il, au greffier et au parquet de sortir également sur ses talons. Un peu gêné de se trouver le seul debout et dehors, la main sur la porte, il lance un euh … et se voit répondre .. et bien fermez la porte, on vous a dit qu’on délibère… Ah ben oui, se dit-il in petto, remarquez 3 juges + 1 greffier et 1 procureur ça aurait pu faire un nombre impair, mais là .. il reste le visiteur mystérieux, ils sont 6, j’aurais peut-être dû rester aussi .. pour l’imparité.

Finalement, pour faire suite à une observation du greffier, le délibéré sera prolongé d’une bonne semaine en attendant des renseignements complémentaires.

Mais il ne faut pas pour autant perdre de temps, et dès le lendemain, une semaine avant le vidage du délibéré, le débiteur sera contacté par le mandataire liquidateur et l’administrateur judiciaire, les deux entendant faire leur prise de possession de mission le jour même, ce qui aura le mérite d’apprendre au débiteur que visiblement sa demande de LJ a été « convertie » en un RJ et que si en ce qui le concerne, il doit attendre une semaine pour connaître l’issue du délibéré, l’AJ et le MJ eux, la connaissent déjà. Voyez comme on est injuste quand on accuse ces auxiliaires de faire trainer.

Mais tout est bien qui finit bien, une semaine après, le droit a bien voulu coller au fait, et la décision du tribunal s’aligner sur un RJ commencé depuis sept jours. Et pour rassurer le lecteur, le « 6eme spectateur » n’était ni l’AJ ni le MJ, ni le repreneur futur, mais un stagiaire du Parquet qui n’a pas été présenté et n’a pas eu la présence d’esprit de le faire… »

Voilà qui nous change des procédures collectives européennes secondaires…

Chronique d’une justice très ordinaire

https://blogavocat.fr/space/gilles.huvelin/content/chronique-d-une-justice-tres-ordinaire_8a74c8dd-9629-4482-90e6-bcac483d36c5

Un fidèle lecteur par ailleurs responsable d’une publication, qui souhaite toutefois resté discret, me fait part de son point de vue sur une audience de juge de proximité quelque part en banlieue parisienne:

« Les grandes juridictions méprisent volontiers cette justice de proximité, de police et d’instance, alors qu’elle est souvent pour le grand public la partie la plus visible de l’institution voire la plus utile.

Dans un Tribunal d’instance, même si la justice se trouve être rendue par un juge de proximité, on ne l’y rend pas moins au nom du peuple français. La salle d’audience ressemble par son ancienneté, sa solennité et son manque d’entretien a beaucoup de salles d’audience d’un pays dont la justice est chroniquement pauvre. A droite siège une greffière, qui est une professionnelle et qui oeuvre avec efficacité, célérité et beaucoup d’humanité face à des justiciables qui, dans cette audience pénale, ne sont que rarement venus de bon coeur.

Là s’arrête malheureusement l’analogie avec la « grande justice ». Le président d’audience est un juge de proximité, et ne porte donc pas la robe de magistrat. Quant au ministère public, on est très loin des grands débats qui agitent le palais sur « l’avantage de menuiserie » que les avocats reprochent aux membres du parquet. Au tribunal de police, le ministère public est représenté par une commissaire de police, qui siège à côté du président de l’audience. Le justiciable est fondé à penser qu’il a en face de lui deux juges accusateurs, et non pas le représentant du parquet et celui du siège. Nous y reviendrons.

Quelques dizaines de personnes dans la salle, appel des causes, le premier prévenu s’approche, et le ton est tout de suite donné. Le prévenu avait dans l’idée de contester la prévention retenue à son encontre. Le président l’arrête tout net : « Ici Monsieur, vous êtes dans un tribunal pénal, c’est au prévenu de faire la preuve de son innocence et non au tribunal de faire la preuve de sa culpabilité ». Le prévenu, repart, condamné et groggy.

Derrière cette formule à faire bondir n’importe quel juriste, et même, n’importe quel citoyen un peu instruit, se cache sans doute une demi réalité, c’est que les préventions sont établies par des policiers assermentés, et dont les incriminations font foi jusqu’à preuve apportée du contraire. Mais le principe de la présomption d’innocence et d’impartialité du juge n’en sortent pas moins inquiets. On peut bien rire des prévenus trop férus de séries américaines qui appellent le président « votre honneur », mais on voit qu’il n’y a pas que le premier magistrat de France qui confond parfois prévenu et coupable.

Et les dossiers se succèdent, les uns après les autres … interrogatoire d’identité et aussi de revenu, qui agace les prévenus qui ne comprennent pas que cela sert à adapter éventuellement la condamnation à leurs moyens, déclaration du prévenu sur ce qu’il a à dire, réquisitoire souvent très simplifié du ministère public, la parole au prévenu, quelques secondes de silence, et tombe le verdict « le tribunal après en avoir délibéré vous déclare coupable de … et en répression vous condamne à ….. ». Hop, au suivant ..

C’est à la toujours aimable greffière que revient le soin d’expliquer au condamné qui n’a souvent rien compris, ce à quoi il a été condamné, comment s’en acquitter, et pourquoi il a intérêt à s’en acquitter vite et les éventuelles voies d’appel.

Quelques causes bénéficient d’un avocat, ce qui a le double mérite de permettre un début de commencement d’égalité des armes, et aussi de passer en début d’audience, afin de ne pas trop immobiliser les robes noires.

Revenons un instant sur l’avantage de menuiserie. Au tribunal de police du coin, il est exorbitant. Non seulement le « ministère public » est assis à la droite du juge, non seulement il requiert assis là où d’autres qui ne confondent pas siège et parquet requièrent debout, mais il y a mieux encore. Sur la petite centaine de causes de cet après midi là, j’ai noté au moins une dizaine de fois où le policier représentant le ministère public et le président d’audience conféraient à voix basse à l’oreille l’un de l’autre, de manière parfaitement inaudible pour la salle et même pour le prévenu à la barre. Et ce avant de requérir, ou même pendant que le justiciable présente sa défense, qui visiblement n’intéresse pas grand monde. A deux reprises même, le conciliabule a eu lieu pendant la phase qui suit le moment où le prévenu a « parlé en dernier » et le prononcé de la sentence, phase que des gens trop habitués à la « grande justice » pourraient prendre pour le délibéré.

Et l’après midi passe et passe, avec un entraînement qui fait que le ministère public requiert de plus en plus vite, parfois sous forme d’un simple montant, et que le juge condamne à un montant qui va souvent vers la moitié de la réquisition, sauf quand le ministère public, en requérant 150 euros, fait en sorte d’éviter tout appel possible.

Alors chemin faisant, on perd les bons réflexes. En seconde partie d’après midi, apparaît un glissement issu de la volonté d’aller de plus en plus vite. Le ministère public peut alors, sans que personne ne lui en fasse la remarque, ajouter ses commentaires après que le prévenu ait eu la parole en « avant-dernier », et sans qu’on juge utile de la redonner au dit prévenu. Une seule fois, devant l’air un peu interloqué d’un avocat, le président se reprendra et bredouillera .. euh Maître, vous souhaitiez ajouter quelque chose ? L’avocat, qui était entrain de remballer sa robe, n’insistera pas.

A la toute fin de l’après midi, juste avant la condamnation à la chaîne de ceux qui ne se sont pas présentés et ont perdu non pas l’occasion de se défendre, mais celle de voir comment ils sont condamnés, un justiciable fait un peu de la résistance. Il vient volontairement car il conteste la rédaction d’un PV de police qu’il estime renfermer lui-même sa propre contradiction. Le ministère public sort de son propre dossier un rapport manuscrit, le montre discrètement au président d’audience et en confère aimablement avec ce dernier. Le prévenu demande à pouvoir en prendre connaissance, au nom de l’égalité des armes et du contradictoire. Le président le remettra sèchement à sa place « pas question, vous n’aviez qu’à le demander avant ». Allez hop, réquisitoire, condamnation, et que ça saute … Ledit prévenu qui avait eu la faiblesse de croire ce qu’on lui racontait quand il suivait les cours de l’Ecole Nationale de la Magistrature, en rit encore. Après avoir tenté deux fois un poli « je me suis mal exprimé », puis un « je me suis mal fait comprendre » il constatera qu’il n’est pas invité au conciliabule parquet-siège et en restera là.

Voilà ce qu’est une après midi dans un petit tribunal d’une ville toute proche de Paris. Rien de bien grave, et les prévenus qui étaient là, très souvent pour des infractions routières ou de voisinage, le dernier inclus, n’étaient sans doute ni tous innocents ni tous de bonne foi. Mais ce genre de tribunal se devrait aussi d’être un lieu de pédagogie de la justice, qui applique la vieille maxime « tout ce qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait ».

NDLR : Même si la justice semble prendre quelques libertés avec le contradictoire, nous avons souhaité respecter la contradiction et avons adressé le projet de cette chronique au président dudit Tribunal, afin de lui proposer de s’exprimer à ce sujet.Il a malheureusement du décliner notre offre, en nous écrivant qu’il était « au regret de devoir indiquer qu’il était réticent à cet exercice tant les questions de justice sont complexes et pour être évoquées sérieusement, justifient d’y consacrer beaucoup de temps, ce dont je ne dispose malheureusement pas» . Nous ne pourrons donc vous faire connaitre sa position, ni par interview ni par droit de réponse. «